Lesfaits Ă  l’origine du pourvoi et de l’affaire connexe R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, soulĂšvent de nouveau la question Ă©pineuse de savoir oĂč se situe la ligne de dĂ©marcation constitutionnelle au‑delĂ  de laquelle un contact direct entre des policiers et des citoyens devient une dĂ©tention et dĂ©clenche l’application des protections accordĂ©es aux

Le siĂšge des Nations Unies Ă  New York. Le service de sĂ©curitĂ© des Nations unies a remis Ă  la police new-yorkaise un journaliste accrĂ©ditĂ© Ă  l'Onu et travaillant pour une tĂ©lĂ©vision iranienne aprĂšs avoir trouvĂ© une arme de scĂšne dans ses affaires. /Photo d - -L'ONU fĂȘte ses 75 ans ce samedi. revient sur cinq moments historiques lors desquels son rĂŽle a Ă©tĂ© des nations unies ONU cĂ©lĂšbre ce samedi ses 75 ans. Cette institution internationale qui a officiellement vu le jour le 24 octobre 1945, en remplacement de la SociĂ©tĂ© des nations, compte aujourd'hui 193 États membres. Sa vocation maintenir la paix et la sĂ©curitĂ© dans le monde et dĂ©velopper les relations amicales entre les nations. Elle ambitionne Ă©galement de promouvoir les droits de l'Homme, fournir une aide humanitaire et garantir le droit international. Comme le stipule sa charte fondatrice, l'ONU a pour but de "prĂ©server les gĂ©nĂ©rations futures du flĂ©au de la guerre".Mais elle est souvent critiquĂ©e, notamment pour ses Ă©checs. Du massacre de Srebrenica en Bosnie, en passant par l'enlisement du conflit israĂ©lo-palestinien, ou plus rĂ©cemment avec la Syrie et la difficile application de l'accord sur le climat, nombreux sont ceux Ă  pointer ses limites. Pourtant, l'ONU se fĂ©licite d'apporter nourriture et aide humanitaire Ă  86,7 millions de personnes dans le monde, de couvrir les besoins en vaccins de la moitiĂ© des enfants de la planĂšte et de protĂ©ger 82,5 millions de personnes fuyant la guerre, la famine ou la persĂ©cution. revient sur cinq moment forts de l'histoire de cette organisation.‱ Son rĂŽle dans la dĂ©colonisationComme elle se le targue elle-mĂȘme, la dĂ©colonisation est prĂ©sentĂ©e comme "l'un des chapitres les plus importants de l'histoire de l'Organisation" et l'une des plus grandes rĂ©ussites de l'ONU. En 1960, la "DĂ©claration sur l'octroi de l’indĂ©pendance aux pays et aux peuples coloniaux" Ă©tait adoptĂ©e - Ă  titre de comparaison, l'AlgĂ©rie Ă©tait alors en pleine guerre et n'est devenue indĂ©pendante que deux ans plus SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l'ONU, AntĂłnio Guterres, se fĂ©licitait d'ailleurs que le comitĂ© spĂ©cial de la dĂ©colonisation des Nations Unies ait "accompagnĂ© de nombreux territoires dans leur cheminement" vers l'indĂ©pendance. "Les peuples des territoires doivent faire entendre leur voix", ajoutait-il, Ă©voquant notamment le cas de la Nouvelle-CalĂ©donie - le "non" l'a emportĂ© lors d'un deuxiĂšme rĂ©fĂ©rendum organisĂ© dĂ©but octobre.‱ Le maintien de la paixQuelque personnels militaires, de police et personnels civils sont actuellement dĂ©ployĂ©s Ă  travers 13 missions de maintien de la paix, comme au Liban, au Soudan ou au Mali. Il est toujours trĂšs difficile d'Ă©valuer l'impact de ces opĂ©rations, pointe pour l'historien Pierre Grosser, chercheur au centre d'histoire de Sciences Po Paris. "On a Ă©videmment en tĂȘte les Ă©checs des annĂ©es 1990, comme au Rwanda ou en ex-Yougoslavie." Mais selon lui, beaucoup de progrĂšs ont Ă©tĂ© faits dans les efforts de mĂ©diation depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000. "On ne peut pas dire que ces opĂ©rations aient Ă©tĂ© spectaculaires ou fondamentales pour sauver la paix mais elles y ont tout de mĂȘme contribuĂ©."Pour Romuald Sciora, chercheur associĂ© Ă  l'Iris spĂ©cialiste des Nations unies et co-auteur du livre "Qui veut la mort de l'ONU?", c'est en coulisses que l'ONU a, par le passĂ©, assurĂ© le maintien de la paix. Et selon lui, les Nations unies ont certainement Ă©vitĂ© une troisiĂšme guerre mondiale durant la Guerre froide."Au moment de la crise des missiles de Cuba une succession d'Ă©vĂ©nements en 1962 qui ont opposĂ© les États-Unis et l'Union soviĂ©tique au sujet des missiles nuclĂ©aires russes pointĂ©s en direction des États-Unis depuis Cuba, NDLR, l'ONU a permis de rapprocher les deux grandes puissances, analyse-t-il pour Sans refaire l'histoire de maniĂšre chronique et mĂȘme si l'ONU n'a aucun pouvoir exĂ©cutif, elle a favorisĂ© un dĂ©gel en mettant en place, par l'entremise de son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l'Ă©poque, un dialogue."‱ Une caisse de rĂ©sonance des enjeux du monde?Pour l'historien Pierre Grosser, l'ONU a le pouvoir de fixer un nouveau vocabulaire et d'imposer un nouvel agenda. "C'est notamment ce qui a Ă©tĂ© fait sur la question environnementale et sur les droits des femmes." Selon ce spĂ©cialiste des relations internationales, auteur de "L'histoire du monde se fait en Asie une autre vision du XXe siĂšcle", si L'ONU "ne peut pas faire d'exploit", elle peut nĂ©anmoins "mettre sur la table" des problĂšmes fondamentaux, aux États membres de s'en emparer."Ce n'est pas toujours trĂšs spectaculaire mais beaucoup de choses ont avancĂ© grĂące aux nouvelles idĂ©es poussĂ©es Ă  l'intĂ©rieur de l'ONU. C'est une caisse de rĂ©sonance des problĂšmes et des enjeux du monde contemporain mais aussi un lieu de batailles d'idĂ©es et de mots, comme en ce moment avec la Chine sur les droits de l'Homme. Cette derniĂšre bagarre pour placer ses pions Ă  des postes d'influence au sein des agences et permettre des conditions au respect des droits de l'homme."‱ Des symboles"Les symboles sont parfois plus forts que les actes politiques", ajoute Romuald Sciora, spĂ©cialiste des Nations unies. Il cite ainsi le discours de Yasser Arafat - le leader palestinien - invitĂ© Ă  s'exprimer Ă  la tribune de l'ONU, en 1974, "porteur d'un rameau d'olivier et d'un fusil de combattant de la libertĂ©", lançait-il alors. Quelques jours plus tard, l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de l'ONU votait la reconnaissance du droit des Palestiniens Ă  l'autodĂ©termination. "C'Ă©tait la premiĂšre fois qu'un acteur palestinien, jusque-lĂ  considĂ©rĂ©s comme des terroristes, pouvait s'adresser au monde entier." L'annĂ©e derniĂšre, c'Ă©tait le "comment osez-vous" de la jeune militante Ă©cologiste Greta Thunberg qui rĂ©sonnait Ă  la tribune de l'ONU, dĂ©nonçant l'inaction des dirigeants de la planĂšte contre le changement si les symboles son forts, Romuald Sciora relativise tout de mĂȘme leur portĂ©e. "L'ONU politique de 1945 n'a jamais pu aboutir et n'a jamais vraiment eu le succĂšs espĂ©rĂ©, ce qui a conduit aux tragĂ©dies que l'on connaĂźt, comme le Rwanda. Si, aprĂšs la Guerre froide, les dirigeants du monde ont tout de mĂȘme pu se parler, l'ONU politique est aujourd'hui quasi absente de la scĂšne internationale."‱ Le succĂšs de ses agencesCette annĂ©e, le prix Nobel de la paix a Ă©tĂ© dĂ©cernĂ© au Programme alimentaire mondial PAM des Nations unies. En soixante-quinze ans, l'Organisation des Nations Unies, ses institutions spĂ©cialisĂ©es - comme le Fonds des Nations unies pour l'enfance Unicef ou le Haut-Commissariat des Nations unies pour les rĂ©fugiĂ©s HCR - et ses fonctionnaires ont reçu douze prix Nobel de la paix. Pour Romuald Sciora, ce sont les agences de l'ONU qui font le succĂšs de cette organisation."Aujourd'hui, l'ONU politique est mort et ne ressuscitera pas alors que nous sommes en pleine crise du multilatĂ©ralisme. Son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral est absent, mĂȘme symboliquement, des grands théùtre de crise, alors qu'il aurait pu ĂȘtre une voix, notamment pour s'opposer Ă  Donald Trump lors de son retrait de l'OMS. Mais l'ONU va survivre Ă  travers ses agences."

Accidentgrave de la circulation Ă  St-Cergue – appel Ă  tĂ©moin. Samedi 23 juillet 2022, vers 17h25, un accident grave de la circulation impliquant une moto et une voiture a eu lieu sur la RC reliant St-Cergue Ă  Nyon. Le motard, griĂšvement blessĂ©, a Ă©tĂ© hĂ©liportĂ© aux HUG Ă  GenĂšve. La police lance un appel Ă  tĂ©moin.

Introduction 1Le genre populaire du roman policier offrait un attrait apparemment irrĂ©sistible pour un certain nombre des Nouveaux Romanciers des annĂ©es 1950 et 1960. Nombreux sont les dĂ©tectives, les crimes, les mystĂšres Ă  Ă©lucider et les enquĂȘtes Ă  mener dans des romans de Robert Pinget, de Michel Butor, et surtout d’Alain Robbe-Grillet. Citons notamment L’Emploi du temps de Butor 1956, L’Inquisitoire de Pinget 1962, et de Robbe-Grillet, son premier roman publiĂ©, Les Gommes 1953, son livre suivant, Le Voyeur 1955, et les mĂ©langes de stĂ©rĂ©otypes tirĂ©s de romans noirs sensationnels et pornographiques qui constituent ses Nouveaux Nouveaux Romans » des annĂ©es 1960 et 1970, comme La Maison de rendez-vous 1965 ou Projet pour une rĂ©volution Ă  New York 1970. Chez d’autres romanciers du groupe, on discerne aussi quelques Ă©lĂ©ments tirĂ©s du genre policier dans Le Vent 1957 de Claude Simon, ou La Mise en scĂšne 1958 de Claude Ollier. MĂȘme Nathalie Sarraute, qui est peut-ĂȘtre la seule reprĂ©sentante des Nouveaux Romanciers chez qui on ne distingue pas d’influence perceptible, se voit louĂ©e par Sartre pour avoir Ă©crit, avec Portrait d’un inconnu 1948, un anti-roman qui se lit comme un roman policier » Sartre [1948] 1996 35. L’intertextualitĂ© qui foisonne entre le roman policier et le roman littĂ©raire a Ă©tĂ© souvent remarquĂ©e, notamment par Marc Lits dans Le Roman policier, introduction Ă  la thĂ©orie et Ă  l’histoire d’un genre 1999, par exemple, mais les liens entre Nouveau Roman et roman policier font de leur rapport un cas particulier, comme Ludovic Janvier l’a notĂ© dans l’une des premiĂšres Ă©tudes sĂ©rieuses du Nouveau Roman, Une parole exigeante 1964. Moins nombreux dans ces Nouveaux Romans policiers, il faut l’admettre, sont les malfaiteurs arrĂȘtĂ©s, les mystĂšres Ă©claircis ou les enquĂȘtes bien bouclĂ©es. Si les thĂšmes, les personnages et les structures de l’intrigue du roman policier sont souvent prĂ©sents dans ces romans d’avant-garde, les plaisirs simples de la lecture d’un bon polar – suivre une intrigue complexe, rĂ©soudre une Ă©nigme difficile en parallĂšle avec le dĂ©tective du roman, ou voir l’ordre restituĂ© dans une situation marquĂ©e par le chaos moral et Ă©pistĂ©mologique – semblent plutĂŽt manquer. Dans le Nouveau Roman, le dĂ©tective Ă©choue, le criminel s’échappe et, le mystĂšre, quant Ă  lui, reste le plus souvent sans rĂ©solution, se perdant en dĂ©tails innombrables ou s’évanouissant dans le doute et le non-Ă©vĂ©nement. Quelle est donc la nature du rapport entre les romans expĂ©rimentaux d’aprĂšs-guerre et le genre dont ils tirent leurs influences ? Peut-on parler d’éloge ou d’hommage lorsque les intentions du genre original sont tellement dĂ©formĂ©es dans leur reflet littĂ©raire ? Est-ce plutĂŽt un dĂ©tournement du polar dans le but de crĂ©er une parodie hostile, peut-ĂȘtre pour se moquer de la naĂŻvetĂ© du genre et de ses lecteurs ? Est-il possible d’ĂȘtre hommage et parodie Ă  la fois ? L’imitation du genre 1 Le roman noir français, dont les Ă©crivains notables incluent LĂ©o Malet et Jean-Patrick Manchette, a ... 2Selon GĂ©rard Genette 1982 31-32, les relations parasitiques d’un hypertexte » Ă  son hypotexte » antĂ©rieur s’agencent sur un mode ludique, satirique ou sĂ©rieux, et mettent en valeur ou l’imitation ou la transformation du modĂšle. Des deux modes ludiques » de l’hypertextualitĂ© dans la typologie de Genette, le pastiche accentue les traits stylistiques de l’original Ă  travers une imitation, tandis que la parodie insiste plutĂŽt sur sa transformation. Tout en nous gardant bien de situer le Nouveau Roman dans l’une ou l’autre catĂ©gorie – notre objectif n’est pas de caser » ces textes complexes dans un systĂšme trop simpliste – commençons par examiner les Ă©lĂ©ments d’imitation et de transformation dans ces polars expĂ©rimentaux. Chez Robbe-Grillet, l’imitation la plus Ă©tendue du genre conventionnel se trouve dans Les Gommes. Dans ce roman, le rĂ©cit commence par un crime – l’assassinat ratĂ© de Daniel Dupont par un membre d’un groupe terroriste – puis le lecteur suit l’enquĂȘte du policier Wallas Ă  travers l’inspection des lieux, la recherche de tĂ©moins et l’interrogation des suspects, jusqu’à ce qu’il dĂ©couvre la vĂ©ritĂ© de l’affaire dans un dĂ©nouement violent. Laissons de cĂŽtĂ© pour le moment le fait que cette violence Ă©clate lorsque le dĂ©tective abat la victime » par erreur, persuadĂ© que la personne qui se trouve devant lui est coupable d’un attentat qu’il croit encore, Ă  ce moment-lĂ , rĂ©ussi. L’ambiance est aussi d’un noir authentique le dĂ©tective cynique et las du monde s’accorde parfaitement au dĂ©cor gris d’une ville industrielle peu accueillante, sur laquelle pĂšse une atmosphĂšre de menace mal dĂ©finie. Bien que Robbe-Grillet n’aille pas jusqu’à recopier des pages entiĂšres de Simenon, comme le fera plus tard Jacques Roubaud dans La Belle Hortense 1985, il s’approprie Ă  volontĂ© le style parfois galvaudĂ© du roman noir amĂ©ricain ou europĂ©en du milieu du siĂšcle et les situations transformĂ©es en clichĂ©s par les thrillers d’Hollywood1 Wallas arrive Ă  cette petite porte vitrĂ©e dont lui a parlĂ© le commissaire. Il frappe au carreau, de son index repliĂ©. La vieille gouvernante ayant de nouveau disparu, il essaye de tourner la poignĂ©e ; la porte n’est pas fermĂ©e. Il pousse le battant, qui grince sur ses gonds, comme dans une maison abandonnĂ©e – hantĂ©e peut-ĂȘtre – oĂč chaque geste dĂ©chaĂźne un vol de hiboux et de chauves-souris. Mais une fois le vantail refermĂ©, aucun froissement d’ailes ne trouble le silence. Wallas fait en hĂ©sitant quelques pas ; ses yeux qui s’habituent au demi-jour glissent sur les boiseries, les moulures compliquĂ©es, la colonne de cuivre qui trĂŽne au seuil de l’escalier, les tapis, tout ce qui faisait, au dĂ©but du siĂšcle, l’ornement d’une demeure sursaute en entendant tout Ă  coup la voix de Mme Smite qui l’appelle au bout du couloir. Il se retourne et aperçoit la silhouette qui se dĂ©tache sur le vitrage de la petite porte. L’impression l’effleure, un instant, qu’il vient de se laisser prendre dans un piĂšge. Robbe-Grillet 1953 90 3Ces Ă©lĂ©ments qui sont familiers aux lecteurs du genre authentique deviennent encore plus Ă©vidents dans ses Nouveaux Nouveaux Romans » des annĂ©es 1960 et 1970. Robbe-Grillet, se dĂ©sintĂ©ressant progressivement de la psychologie de ses personnages et de la cohĂ©rence du rĂ©cit, commence Ă  rompre les liens entre son univers fictif et le monde rĂ©el et s’ancre d’autant plus dans les tropes de la fiction populaire. La Maison de rendez-vous 1965 et Projet pour une rĂ©volution Ă  New York 1970 puisent leurs personnages et situations dans la littĂ©rature Ă  sensation d’écrivains comme Sax Rohmer, auteur d’une sĂ©rie de romans de gare orientalistes sur le gĂ©nie criminel Fu Manchu, ou les romans noirs amĂ©ricains de Mickey Spillane, dont la reprĂ©sentation de la violence et de la sexualitĂ© frĂŽle la pornographie. Trafic d’opium et prostituĂ©es asiatiques dans l’un et tueur en sĂ©rie sadique entre les gratte-ciel dans l’autre, ces romans rassemblent et recombinent les clichĂ©s d’une fiction choisie pour son statut d’antithĂšse du roman littĂ©raire. 4L’imitation des styles, des thĂšmes et des structures du roman policier apparaĂźt clairement chez d’autres Nouveaux Romanciers. Chez Pinget, dans L’Inquisitoire, nous assistons Ă  la disparition mystĂ©rieuse d’un employĂ© du chĂąteau de Broy et Ă  l’interrogatoire d’un autre employĂ©, tĂ©moin possible de l’évĂ©nement, dans un dialogue qui rappelle ceux du roman noir Croyez-vous que nous vous interrogions pour le plaisir, dites tout ce que vous avez vu », exige l’interrogateur implacable Pinget 1962 273. Chez Butor, nous n’avons qu’un dĂ©tective amateur, qui recherche le coupable dans une affaire de tentative de meurtre prĂ©sumĂ©e, mais les liens au genre populaire sont renforcĂ©s dans L’Emploi du temps par le fait que la victime prĂ©sumĂ©e est auteur de romans policiers, dont l’un, Le Meurtre de Bleston, contient peut-ĂȘtre l’indice essentiel dans l’affaire. Accompagnant ce polar en abyme dont, il faut le dire, peu de dĂ©tails nous sont dĂ©voilĂ©s dans le roman de Butor, le roman nous offre un discours sur l’art du roman policier par son auteur, un certain M. Burton. Ce discours se centre sur la structure du rĂ©cit dans le roman policier, et souligne implicitement les parallĂšles entre l’écriture de Burton et celle de Butor. Burton nous explique Dans le roman policier, le rĂ©cit est fait Ă  contre-courant, puisqu’il commence par le crime, aboutissement de tous les drames que le dĂ©tective doit retrouver peu Ă  peu [
] ; le rĂ©cit explore peu Ă  peu des Ă©vĂ©nements antĂ©rieurs Ă  celui par lequel il commence, ce qui peut dĂ©concerter certains, mais qui est tout Ă  fait naturel [
] puisque dans la rĂ©alitĂ©, trop souvent, c’est seulement lorsque l’explosion du malheur est venue troubler notre vie que, rĂ©veillĂ©s, nous recherchons ses origines. Butor 1956 171 5Effectivement, le narrateur du roman de Butor, Jacques Revel, construit son propre rĂ©cit Ă  contre-courant. HantĂ© par le malaise qui semble se rĂ©pandre sur sa vie depuis son arrivĂ©e Ă  Bleston, puis par les circonstances suspectes de l’accident » de Burton, il revient en pensĂ©e aux premiers mois de son sĂ©jour, Ă  la recherche de la solution Ă  ces deux mystĂšres. Ce n’est que plus tard qu’il se rendra compte que sa procĂ©dure imite celle de l’écrivain de polars, et que le journal » rĂ©trospectif qu’il Ă©crit Ă  partir de ses exercices de mĂ©moire prĂ©sente une structure similaire Ă  celle des romans policiers. La lecture de polars par les personnages du Nouveau Roman policier » ne se limite pas au roman de Butor. Dans Projet pour une rĂ©volution Ă  New York, Robbe-Grillet joue avec les niveaux de fiction lorsque la description de l’illustration de couverture salace et macabre d’un roman policier glisse imperceptiblement vers la description d’une scĂšne qui existe rĂ©ellement dans la diĂ©gĂšse du roman. Comme chez Butor, la structure du rĂ©cit se voit Ă©galement impliquĂ©e par ce lien entre roman d’avant-garde et roman de genre. Le narrateur du roman de Robbe-Grillet explique qu’il trouve souvent les polars de son amante qui traĂźnent un peu partout chez lui Ce qui m’a toujours fait supposer que Laura lisait tous ces livres en mĂȘme temps et qu’elle en mĂ©langeait ainsi de piĂšce en piĂšce, selon ses propres dĂ©placements, les pĂ©ripĂ©ties policiĂšres savamment calculĂ©es par l’auteur, modifiant donc sans cesse l’ordonnance de chaque volume, sautant de surcroĂźt cent fois par jour d’un ouvrage Ă  l’autre, ne craignant pas de revenir Ă  plusieurs reprises sur le mĂȘme passage pourtant dĂ©pourvu de tout intĂ©rĂȘt visible, alors qu’elle dĂ©laisse au contraire totalement le chapitre essentiel qui contient le nƓud de l’enquĂȘte, et par consĂ©quent sa signification Ă  l’ensemble de l’intrigue ; et cela d’autant plus que, beaucoup de ces brochures de fabrication mĂ©diocre ayant mal rĂ©sistĂ© Ă  la nĂ©gligence parfois brutale d’un tel mode de lecture, elles ont perdu, au cours des mois, un coin de feuillet, une page entiĂšre çà et lĂ  ou mĂȘme deux ou trois cahiers d’un seul coup. Robbe-Grillet 1970 85 2 Pour ne citer qu’un seul exemple, dans The Adventure of the Abbey Grange » [1904], Holmes accuse ... 3 Il faut bien reconnaĂźtre que si l’intrigue de L’Emploi du temps ne rivalise pas avec l’incohĂ©rence ... 6Robbe-Grillet propose ironiquement au lecteur de comparer l’expĂ©rience de la lecture de Projet pour une rĂ©volution Ă  un collage de fragments tirĂ©s de divers polars, dĂ©coupĂ©s et rassemblĂ©s en dĂ©sordre. L’incohĂ©rence voulue du roman, qui saute d’une situation Ă  une autre, mĂ©lange les personnages, ou s’arrĂȘte brusquement au milieu de l’action pour rĂ©pĂ©ter le mĂȘme passage mais avec des variations, ne manque pas de nous donner parfois cette impression. Une telle rĂ©flexivitĂ© fait partie du genre policier depuis ses dĂ©buts au xixe siĂšcle Sherlock Holmes, par exemple, avait l’habitude de critiquer le style et le contenu des rĂ©cits censĂ©ment publiĂ©s par Watson2. Dans Projet pour une rĂ©volution aussi, l’interrogation du narrateur par la police comporte des critiques de sa dĂ©position en des termes qui imitent ceux d’un lecteur hostile ou d’un critique littĂ©raire Ă  la recherche de contradictions dans l’histoire. Cependant, en contraste avec L’Emploi du temps, le texte en abyme de Projet pour une rĂ©volution ne sert pas Ă  insister sur les similaritĂ©s entre la structure du roman et celle du polar. Chez Robbe-Grillet, c’est l’extrĂȘme cohĂ©rence mĂȘme de l’intrigue du roman policier, et l’importance capitale de son dĂ©nouement, qui rendent singuliĂšres les habitudes de lecture de Laura et insistent par consĂ©quent sur le sabotage pratiquĂ© par l’auteur sur les conventions du genre3. Nous passons de l’imitation Ă  la transformation du modĂšle. La transformation du genre 7L’hypotexte du polar sert Ă  Robbe-Grillet de gĂ©nĂ©rateur » narratif, et le roman policier n’est pas pour lui la seule source de ces gĂ©nĂ©rateurs Mes thĂšmes gĂ©nĂ©rateurs sont choisis de plus en plus [
] dans l’imagerie populaire contemporaine populaire » au sens large car la circulation de ces images entre les classes est totale, dans nos sociĂ©tĂ©s dites avancĂ©es couvertures illustrĂ©es des romans qu’on vend dans les gares, affiches gĂ©antes. Revues pornographiques des sex-shops, publicitĂ©s vernies des magazines de mode, figures peintes Ă  plat des bandes dessinĂ©es. Robbe-Grillet 1971 161 8L’attitude du romancier envers son matĂ©riel est loin d’ĂȘtre un Ă©loge de la crĂ©ativitĂ© de la culture populaire. Il se montre esthĂ©tiquement et politiquement hostile Vous voyez qu’il n’y a dans la reprise de ces thĂšmes qui me servent de gĂ©nĂ©rateurs aucune soumission aux codes de la sociĂ©tĂ© en place – pas plus au code des valeurs qu’au code narratif – mais au contraire un travail de dĂ©construction sur les Ă©lĂ©ments dĂ©coupĂ©s dans le code. Robbe-Grillet 1971 160 4 La mĂ©taphore du canon pour dĂ©crire la structure de L’Emploi du temps vient de l’auteur, qui appelle ... 9Certes, il s’agit en partie d’une rĂ©futation des accusations de certains critiques, qui prĂ©tendent que les derniers romans de Robbe-Grillet ne font que reproduire les tropes de la pire pornographie sadique et misogyne. Mais il y a aussi dans cette dĂ©claration un aspect important de la relation entre les Nouveaux Romanciers et le roman policier. LĂ  oĂč Butor s’inspire de la complexitĂ© chronologique de la narration du polar selon l’analyse de George Burton pour crĂ©er dans L’Emploi du temps une sorte de canon musical de niveaux temporels entrelacĂ©s4, Robbe-Grillet s’inspire de la cohĂ©rence de l’intrigue du roman policier – son besoin que tout concorde – pour crĂ©er un roman qui fait sentir son incohĂ©rence au maximum. La relation entre le polar et le Nouveau Roman se base sur deux Ă©lĂ©ments contradictoires le parallĂ©lisme et l’opposition absolue. 10Ce paradoxe se rĂ©vĂšle le plus clairement dans le dĂ©nouement de ces textes. Le Nouveau Roman emprunte au polar sa fixation sur la fin de l’histoire, le moment de rĂ©vĂ©lation lorsque la vĂ©ritĂ© du crime et l’identitĂ© du malfaiteur se laissent voir. Le dĂ©tective prĂ©sente les preuves au lecteur, et dans la version classique, aux suspects rassemblĂ©s aussi ; il Ă©claircit les tentatives de brouiller la piste et Ă©carte les dĂ©tails sans importance de l’histoire. Petit Ă  petit il reconstruit pour nous l’enchaĂźnement de raisonnements qui l’a amenĂ© du mystĂšre initial du crime Ă  sa rĂ©solution indubitable. Implicitement, l’auteur nous invite Ă  vĂ©rifier et Ă  revĂ©rifier son calcul. Si la solution offerte nous paraĂźt inattendue, mais que tout se tient quand mĂȘme dans son explication, le polar a rĂ©ussi. Butor met ce procĂ©dĂ© typique du genre en contraste avec l’effet qu’il a voulu produire par le dĂ©nouement de L’Emploi du temps Le roman policier est un genre populaire, commercial, et il est fait pour qu’on ne s’en souvienne plus. Le roman policier est fait pour que nous le lisions en une soirĂ©e. Et une fois que nous l’avons lu, les choses se referment. Il y a cet aspect final qui explique tout. Le coupable est puni. Nous pouvons dormir tranquilles. [
] Je veux empĂȘcher les gens de dormir. [
] Je veux faire le contraire de ce que fait le roman policier dans son utilisation habituelle. Le roman policier est fait pour que les gens dorment. C’est un mĂ©dicament, si vous voulez. C’est un calmant trĂšs efficace, trĂšs bien fait, qui fonctionne trĂšs bien. En Ă©tudiant la façon dont il fonctionne, on peut essayer de faire des drogues qui aient un autre effet. Butor et Rice-Sayre 1977 109-111 11Dans le roman de Butor, l’enquĂȘte de Revel sur la tentative de meurtre dont son ami a supposĂ©ment Ă©tĂ© victime se perd dans les dĂ©tails accumulĂ©s. Le moindre incident dotĂ© d’une signification possible prend de l’ampleur avec chaque nouvelle nuance retrouvĂ©e par Revel dans sa mĂ©moire, puis se dĂ©double avec chaque nouveau rĂ©cit qu’il en fait dans son journal, oĂč il relit et remanie d’une maniĂšre obsessionnelle l’histoire de l’accident de Burton. Lorsqu’il trouve un suspect principal dans l’affaire, son ancien ami James, il ne s’aperçoit pas que les activitĂ©s louches » de ce dernier sont motivĂ©es moins par le besoin de cacher un crime affreux que par le dĂ©sir de dissimuler sa relation amoureuse avec la femme dont Revel est, lui aussi, amoureux. Revel ne se rend mĂȘme pas compte que les dĂ©ductions froides et rationnelles par lesquelles il arrive Ă  la conclusion de la culpabilitĂ© de James ne sont que les erreurs d’un jaloux qui rationalise sa haine envers son rival en masquant son Ă©motion d’un vernis de logique. Ce n’est qu’à la fin du roman qu’il sera enfin capable de s’avouer la vĂ©ritĂ© qui rĂ©side derriĂšre ses soupçons MalgrĂ© moi mais par moi, pour ma transformation en ce fantĂŽme que je suis devenu, se sont rejoints cette Ann qui m’avait aimĂ© [
] et ce James, dont je suis arrivĂ© Ă  me persuader qu’il Ă©tait coupable d’une tentative de meurtre. Butor 1956 341 Dans cet arrivĂ© Ă  me persuader » on perçoit toute la fragilitĂ© de la raison objective, qui se voit si facilement corrompue par les prĂ©jugĂ©s personnels. 12Ce n’est pas que l’effet dĂ©formant des sentiments qui empĂȘche les enquĂȘteurs d’y voir clair dans leur mystĂšre. De diffĂ©rentes maniĂšres, tous ces Nouveaux Romans policiers mĂ©ditent sur l’impossibilitĂ© de faire revivre le passĂ©. Chez Pinget, le hĂ©ros de L’Inquisitoire rĂ©pond d’une façon pointilleuse Ă  toutes les questions des interrogateurs, mĂȘme Ă  celles qui n’ont aucun lien concevable avec la disparition du secrĂ©taire. AprĂšs des digressions sans fin sur l’agencement du chĂąteau et de ses environs, sur son propre passĂ© et celui de toutes ses connaissances, il ne perd patience qu’au dĂ©nouement du roman, lorsque l’interrogation revient finalement aux motivations Ă©ventuelles de la fuite du secrĂ©taire Lorsque vous y repensez Ă  tĂȘte reposĂ©e au cafĂ© par exemple que soupçonnez-vous qui ait pu provoquer la dĂ©cision du secrĂ©taire ?Si vous croyez que je pense Ă  ça vous vous trompez il y a beau temps que je ne me tracasse plus sur les raisons de ce qui nous arrive on sait ce qu’on perd chaque jour et ça suffit, la mĂ©moire un temps j’aurais donnĂ© dix ans de ma vie pour la ravoir et maintenant mĂȘme plus elle vous laisse comme elle vous a trouvĂ© on en sait de moins en moins, le tas de choses molles on essaie d’abord d’y repĂȘcher des bribes ensuite plus on prend ce qui vient et on rĂȘvasse sur des souvenirs tout faux ce qu’on aurait voulu et qu’on n’a pas eu, ça on s’en souvient longtemps et un temps vient oĂč on ne s’en souvient plus et c’est la fin on est bon pour l’autre cĂŽtĂ©, les morts voyez-vous ils ne se souviennent de rien mais est-ce que ce n’est pas normal vous qui voulez du normal, est-ce que ça ne l’est pas dites-moi qu’ils ne se souviennent plus quand on pense nous dĂ©jĂ  tout ce fatras de jours sans que ni tĂȘte le travail le repos les projets la maison Ă  la campagne la famille pour ce que ça donne et pour ce qu’on en a fait on l’oublie quels Ă©taient donc vos soupçons Ă  l’époque ? Pinget 1962 473-474 13MalgrĂ© leurs tentatives incessantes, les interrogateurs ne rĂ©ussissent pas Ă  en tirer davantage du vieux domestique. En substituant ce discours mĂ©lancolique Ă  la rĂ©solution du mystĂšre qui conclurait normalement un vrai roman policier, le roman de Pinget se rĂ©vĂšle aux derniĂšres pages avoir Ă©tĂ© depuis le dĂ©but, non pas la recherche d’une vĂ©ritĂ© banale comme il le prĂ©tendait, mais une Ă©tude de la mĂ©moire, de ses dĂ©faillances, de ses particularitĂ©s, de sa contenance parfois ahurissante, et surtout de la douleur qui dĂ©coule de sa capacitĂ© Ă  nous relier Ă  un passĂ© Ă  jamais perdu. 14Chez d’autres, l’échec de l’enquĂȘte reprĂ©sente quelque chose de moins Ă©motif, et de plus philosophique. L’absence de solution aux mystĂšres chez Robbe-Grillet prend une signification d’ordre Ă©pistĂ©mologique. Revenant sur sa carriĂšre d’écrivain dans le premier volet de son autobiographie romanesque », Robbe-Grillet met en valeur un thĂšme qui sous-tend son Ɠuvre en gĂ©nĂ©ral et plus particuliĂšrement ses romans d’ambiance policiĂšre Mettre les choses en ordre. DĂ©finitivement ! La vieille obsession naĂŻve reparaĂźt çà et lĂ , ironique, insistante, dĂ©sespĂ©rĂ©e, Ă  travers tout mon travail romanesque, dont le hĂ©ros multiforme rĂ©capitule sans relĂąche son emploi du temps Ă  la charpente trop fragile, compte et recompte ses bananiers mouvants, rĂšgle mĂ©ticuleusement des supplices, ou reprend inlassablement le mĂȘme Ă©pisode espĂ©rant chaque fois en venir Ă  bout de façon logique et rationnelle, la relation par exemple de ce qu’il a exactement vu et fait, Ă  la Villa Bleue, le soir en question. Robbe-Grillet 1984 59 15C’est dans La Maison de rendez-vous qu’il est question de la soirĂ©e Ă  la Villa Bleue, et l’emploi du temps Ă  la charpente fragile se trouve dans Le Voyeur. Dans les deux romans, le narrateur, mi-criminel mi-enquĂȘteur, essaie de fixer les Ă©vĂ©nements de la pĂ©riode du crime, mais se perd toujours en conjectures, en ouĂŻ-dire ou en fantaisies. De mĂȘme, dans L’Emploi du temps, Revel remplit les derniĂšres pages de son journal de regrets quant au fait que son rĂ©cit sera inĂ©vitablement insuffisant, inĂ©vitablement lacunaire » Butor 1956 381. Comme les enquĂȘteurs de Robbe-Grillet, il s’est perdu dans un labyrinthe, dans lequel les faits objectifs et les liens causaux qui les relient restent pĂ©niblement hors de sa portĂ©e. Se souvenant Ă  la fin du roman de la conversation clĂ© avec Burton qui lui a fait croire pour la premiĂšre fois Ă  un complot criminel, il s’émerveille de la profusion Ă©pistĂ©mologique qui en a rĂ©sultĂ© Sur cette conversation du milieu de l’hiver [
], quelle vĂ©gĂ©tation s’est dĂ©veloppĂ©e soutenant cet instant prĂ©sent, cet observatoire d’oĂč je la repĂšre, quelle vĂ©gĂ©tation d’évĂ©nements et de pensĂ©es, d’oublis, de rĂ©flexions, de tentatives, immense Ă©chafaudage de branches bourgeonnantes, se ramifiant, se rencontrant, se faisant ombre, se traversant, se rĂ©unissant, se faisant guerre, immense Ă©chafaudage de poutres vivantes que toutes les pages de cette semaine explorent, reconnaissant Ă  des niveaux intermĂ©diaires toute une sĂ©rie de relais ou d’échelons sur lesquels mon effort de mĂ©moire ce soir prenait appui pour parvenir jusqu’à ce sol d’antan ? Butor 1956 381 16Dans ces derniers exemples, ce ne sont plus les faiblesses de la mĂ©moire ou les dĂ©formations causĂ©es par la jalousie, Ă©lĂ©ments qui sont d’ailleurs tout Ă  fait admissibles dans le genre policier lui-mĂȘme, qui entrent en jeu pour empĂȘcher l’accĂšs Ă  la vĂ©ritĂ©. Le problĂšme rĂ©side plutĂŽt dans la nature mĂȘme de la rĂ©alitĂ© et dans la capacitĂ© du cerveau humain Ă  la comprendre. Reprenant la vision des existentialistes de la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente, les Nouveaux Romanciers reprĂ©sentent dans leurs fictions la quĂȘte de l’ordre et de la raison dans un univers rĂ©solument incomprĂ©hensible. C’est un univers postmoderne, dans lequel la vĂ©ritĂ© et le mensonge ne sont que relatifs, oĂč la causalitĂ© n’est qu’une histoire inventĂ©e pour lier les Ă©vĂ©nements antĂ©rieurs Ă  ceux qui les suivent, et oĂč les faits significatifs s’estompent en gros plan derriĂšre des myriades de dĂ©tails qui prolifĂšrent comme dans l’agrandissement d’une image fractale. Le pessimisme Ă©pistĂ©mologique des Nouveaux Romanciers, face Ă  un monde qui reste Ă©tranger Ă  nos efforts pour le comprendre et le maĂźtriser, cherche son expression dans une forme littĂ©raire qui puisse le mettre en valeur. Le roman policier leur convient Ă  merveille Ă  cause de deux Ă©lĂ©ments essentiels de la forme premiĂšrement, le genre met en scĂšne l’affrontement entre la raison humaine et la rĂ©alitĂ© qu’elle essaie de dĂ©crypter, affrontement que les Nouveaux Romanciers imitent dans leurs propres ouvrages ; deuxiĂšmement, le roman policier les attire Ă  cause de sa foi optimiste que l’observation et la dĂ©duction rĂ©ussiront Ă  rendre comprĂ©hensible cette rĂ©alitĂ©, perspective Ă  laquelle ils s’opposent absolument. Conclusion de victimes et de complices 17MalgrĂ© les paroles peu flatteuses prononcĂ©es par Butor et Robbe-Grillet Ă  propos du polar, il serait erronĂ© de voir dans leurs Ɠuvres une attaque contre le genre. Certes, l’optimisme Ă©pistĂ©mologique du roman policier serait naĂŻf dans le monde rĂ©el, oĂč chaque mystĂšre ne trouve pas nĂ©cessairement sa solution. Mais les lecteurs de polars, un groupe qui inclut bien sĂ»r les Nouveaux Romanciers, savent parfaitement bien distinguer le genre de la vraie vie. Personne ne croit que la conception de la raison et de la vĂ©ritĂ© qui est prĂ©sentĂ©e dans le roman policier reflĂšte fidĂšlement l’efficacitĂ© de la raison ou l’accessibilitĂ© de la vĂ©ritĂ© dans notre rĂ©alitĂ© moins cohĂ©rente. Personne n’a besoin d’un Nouveau Roman pour prendre conscience de ce fait, et les Nouveaux Romanciers, eux aussi, en sont parfaitement conscients ils n’écrivent pas pour Ă©clairer un lecteur tellement plongĂ© dans l’ignorance qu’il croit habiter le monde de Georges Simenon. Écrire pour dĂ©montrer au lecteur que les criminels Ă©chappent parfois aux dĂ©tectives serait ridicule, et il est clair que ces romanciers visent quelque chose de plus ambitieux. En effet, le roman policier n’est pas vraiment la cible de leurs critiques comme nous l’avons vu, le genre n’est que le vĂ©hicule de leurs mĂ©ditations philosophiques sur la raison et la vĂ©ritĂ©, ou de leurs pensĂ©es mĂ©lancoliques sur la mĂ©moire et le passĂ©. 18Si les Nouveaux Romanciers gardent tout de mĂȘme leurs distances avec le genre, et se moquent de ses dĂ©faillances plus qu’ils ne cĂ©lĂšbrent son esprit d’invention, la gĂ©nĂ©ration suivante effectuera en quelque sorte un rapprochement. Dans 53 jours » 1989 de Georges Perec ou Cherokee 1983 de Jean Echenoz, on voit la mĂȘme appropriation des thĂšmes et structures du polar au service de buts littĂ©raires beaucoup plus larges que la critique d’un genre populaire. Cependant, le ton de leurs romans exprime un vĂ©ritable enthousiasme pour le genre populaire, et l’amateur de polars se voit accueilli chaleureusement par un Ă©crivain qui partage son plaisir. En mĂȘme temps, dans le genre lui-mĂȘme, des Ă©crivains comme SĂ©bastien Japrisot empruntent les jeux dĂ©constructifs du Nouveau Roman pour examiner la nature de l’identitĂ© ou de la vĂ©ritĂ©, tout en restant dans la forme reconnaissable du roman policier. La coopĂ©ration entre fiction littĂ©raire et genre populaire est devenue plus Ă©vidente, peut-ĂȘtre, dans les dĂ©cennies qui sont venues aprĂšs l’apogĂ©e du Nouveau Roman. Mais mĂȘme dans les annĂ©es 1950, quand Robbe-Grillet et Butor publiaient leurs premiers Nouveaux Romans policiers, le genre Ă©tait loin d’ĂȘtre simplement l’objet de leur mĂ©pris. Leur attitude est plus proche de celle que prĂȘte Mikhail Bakhtine 1981 413 Ă  Cervantes envers les romans de chevalerie en Ă©quilibre dĂ©licat entre la critique et le soutien. Si ces romanciers d’avant-garde n’écrivent pas exactement l’éloge du polar, ils n’en Ă©crivent certainement pas la parodie ils trouvent plutĂŽt dans le genre populaire un collaborateur, parfois rĂ©ticent, parfois involontaire, dans leur mission de repenser notre conception de ce que nous connaissons, et de ce qui peut ĂȘtre connu, du monde qui nous entoure et du passĂ© qui persiste dans nos mĂ©moires. RĂ©ponse: L’hĂŽtel de police sert le petit-dĂ©jeuner Sujet du devoirLord Smiley a Ă©tĂ© assassinĂ©! Tout accuse Charles Badminton il a Ă©tĂ© retrouvĂ© Ă  cĂŽtĂ© de la victime avec un pistolet dans une main et les bijoux de Lady Smiley dans l' un interrogatoire entre un enquĂȘteur et le devrez jouer le dialogue deux fois, en Ă©changeant vos devez faire seulement quand il est innocent car j'ai dĂ©jĂ  fait quand il est j'en suis dans mon devoirPolicier - Sit down, What's your name ? Suspect - Mike Willson Policier - How old are you ? Suspect -I am thirty-seven years What do you do in your life ? Suspect- I work as a - Do you know Lord Smiley?Suspect - Yes, I work for - What did you do last night ? Suspect - I was cutting the grass in the park of Lord - It is impossible. A witness saw you in the home of Lord do you Explain that ? Suspect - Uhm, uhm. yes that's true. The last night, I was at with my boss because we should talk about my salary but I found dead. Policer - Why do you lie ? Suspect -Because, I don't want that my wife learn this. My boss do not want to pay - Since when you hide that to your wife?Suspect - Four months ago Policer - It's good you are free, I believe that you are innocent. LeMeurtre de Roger Ackroyd (anglais : The Murder of Roger Ackroyd) est un roman policier d'Agatha Christie, Ă©crit et publiĂ© en 1926 au Royaume-Uni chez Collins.. À King's Abbot, commune fictive de la campagne britannique, Roger Ackroyd est assassinĂ© dans son bureau. Le dĂ©tective belge Hercule Poirot s'est installĂ© dans ce village aprĂšs avoir pris sa retraite.
Sur une scĂšne de crime, les enquĂȘteurs savent qu'ils rĂ©colteront de nombreux indices. Quelles sont les personnes qui interviennent et comment procĂšdent-elles pour les trouver et les rĂ©colter ?Une scĂšne de crime regorge d'indices qui peuvent ĂȘtre utilisĂ©s par la police scientifique pour les mener vers l'identification du criminel. Si les enquĂȘteurs sont dotĂ©s d'outils performants, ils sont toutefois confrontĂ©s Ă  deux problĂšmes majeurs la prĂ©sence d'Ă©lĂ©ments contaminants qui n'ont rien Ă  voir avec le crime, et les indices cachĂ©s invisibles Ă  l'Ɠil risques de contamination de la scĂšne de crimeLes personnes qui dĂ©couvrent une scĂšne de crime, qui sont souvent des proches ou des voisins, peuvent en effet laisser des traces de leur passage. Les premiers gestes consistent gĂ©nĂ©ralement Ă  courir vers la victime et appeler les secours pour tenter de sauver la victime qui peut toujours ĂȘtre en vie. Les secouristes eux-mĂȘmes qui manipulent la victime pour tenter de la sauver, laissent des traces de pas, des empreintes, des cheveux sur la scĂšne de crime, modifient l'emplacement des victimes et des objets, en compromettant potentiellement l'enquĂȘte. Mais pour ne pas les confondre avec le criminel, leurs empreintes sont gĂ©nĂ©ralement acteurs de l’enquĂȘteDiffĂ©rents acteurs se succĂšdent sur la scĂšne de crime le personnel classique » de la police ou de la gendarmerie arrive en premier sur les lieux pour rĂ©aliser les premiĂšres constatations ;les techniciens de la police scientifique TIC techniciens en identification criminelle pour la gendarmerie ou TSC techniciens en scĂšnes de crime pour la police sont ensuite conviĂ©s Ă  la rĂ©colte des indices. Pour Ă©viter de contaminer Ă  nouveau la scĂšne de crime par leur propre ADN, ils portent combinaison et gants. AprĂšs avoir dĂ©limitĂ© le pĂ©rimĂštre Ă  l'aide d'une rubalise un ruban colorĂ© afin d'Ă©viter toute nouvelle intrusion, les techniciens commencent par prendre de nombreuses photos des victimes et des objets afin d'immortaliser l'organisation gĂ©nĂ©rale de la scĂšne de crime ;le mĂ©decin lĂ©giste, expert indĂ©pendant de la police, s'occupe quant Ă  lui des premiĂšres constatations du cadavre ;les experts en empreinte gĂ©nĂ©tique, en entomologie criminelle, en empreintes digitales, en odontologie, en balistique, etc., rĂ©cupĂšrent les indices et travaillent au des indices sur la scĂšne de crimeBeaucoup de traces intĂ©ressantes pour l'enquĂȘte sont visibles Ă  l'Ɠil nu et sont donc facilement identifiables par les techniciens douille de balle ;taches de sang ;traces de pas ;cheveux ;rĂ©sidus sous les ongles...Avant leur prĂ©lĂšvement, ils sont photographiĂ©s. Ces indices sont ensuite rĂ©coltĂ©s de façon rigoureuse Ă  l'aide d'outils stĂ©riles, chacun conservĂ© dans un plastique scellĂ©, prĂ©cisant bien l'origine de l'Ă©chantillon, son emplacement, d'entre eux sont pĂ©rissables, et doivent ĂȘtre conservĂ©s dans des conditions particuliĂšres. C'est le cas des Ă©lĂ©ments biologiques qui doivent ĂȘtre maintenus au froid. S'ils restent trop longtemps sur la scĂšne de crime avant d'ĂȘtre analysĂ©s, ils ne pourront pas ĂȘtre utilisĂ©s dĂ©gradation de l'ADN.
Deplus, Ă  dĂ©faut de connaitre l’état de la recherche sur un sujet, les policiers, les avocats et les juges peuvent, en toute bonne foi, se tourner vers leur expĂ©rience, leur logique et leur intuition qui, malheureusement, peuvent les induire en erreur et, par consĂ©quent, miner la confiance du public Ă  l’endroit du systĂšme de justice. VoilĂ  pourquoi la diffusion de connaissances
RĂ©sumĂ© Index Plan Texte Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s La critique a dĂ©crit la proximitĂ© qui existait entre l’historien et le dĂ©tective privĂ© Ă  une Ă©poque oĂč les romans Ă  Ă©nigme acclimatĂ©s dans des dĂ©cors historiques sont devenus un genre Ă  part entiĂšre. Elle a Ă©galement dĂ©montrĂ© les similitudes des constructions narratives de l’Histoire et de la fiction. Cependant, les relations complexes qu’entretiennent l’une et l’autre ne se limitent ni Ă  ces analogies, ni au fait que l’histoire serve de cadre Ă  la fiction. Dans le cas du roman policier latino-amĂ©ricain – argentin en particulier – nombreux sont en effet les Ă©crivains qui interrogent l’histoire rĂ©cente dans ses manifestations criminelles au moyen du tĂ©moignage. Il existe donc une modalitĂ© propre Ă  la littĂ©rature latino-amĂ©ricaine le rĂ©cit de conjuration. GrĂące Ă  lui, le genre policier acquiert un ton particulier, l’idĂ©ologie et le souci collectif glissant vers le premier plan alors qu’il n’était qu’une toile de fond discrĂšte dans le roman policier anglo-saxon traditionnel. La crĂ­tica ha descrito la proximidad que existĂ­a entre el historiador y el detective privado en una Ă©poca en la que las novelas de enigma se aclimataban a los decorados histĂłricos, llegando a ser plenamente un gĂ©nero reconocido. Ella, la crĂ­tica, ha demostrado igualmente las similitudes de las construcciones narrativas de la Historia y de la ficciĂłn. No obstante las relaciones complejas que mantienen, la una con respecto a la otra, no se limitan ni a esas analogĂ­as, ni al hecho que la historia sirva de cuadro a la ficciĂłn. En el caso de la novela policial latinoamericana – argentina, en particular – son numerosos los escritores que interrogan la Historia reciente en sus manifestaciones criminales por medio del testimonio. Existe, pues, una modalidad propia a la literatura latinoamericana la narraciĂłn de la conjuraciĂłn. Gracias a ella, el gĂ©nero policial adquiere un tono particular en que la ideologĂ­a y la preocupaciĂłn por lo colectivo se deslizan hacia el primer plano de la narraciĂłn, cuando no era sino una discreta tela de fondo en la novela policial anglo-sajona de page EntrĂ©es d’index Index chronologique XXeHaut de page Texte intĂ©gral 1Qu’il s’agisse de fictions ou d’histoires vraies, certaines des meilleures ventes de librairie, y compris en AmĂ©rique Latine, sont Ă  mettre au crĂ©dit des genres policier et historique. La rencontre de ces catĂ©gories dans le succĂšs se double parfois d’une rencontre dans le texte. Le nom de la rose d’Umberto Eco, qui reprenait une recette Ă©prouvĂ©e par Ellis Peters, crĂ©atrice de Cadfael, a consacrĂ© un rĂ©cit d’enquĂȘte oĂč l’érudition historique bonifie le jeu intellectuel offert au lecteur. En suivant d’autres voies et en raison d’inquiĂ©tudes qui leur sont propres, les Ă©crivains argentins se sont plutĂŽt penchĂ©s sur l’histoire rĂ©cente, douloureuse, Ă  laquelle ils se rĂ©fĂšrent souvent en termes testimoniaux Rolo Diez ne manquera pas ainsi de produire des textes – tel son rĂ©cent Papel picado 2003 – nourris Ă  l’expĂ©rience autobiographique ; de mĂȘme, Recuerdo de la muerte 1984 de Miguel Bonasso Ă©lĂšve au rang d’archĂ©type ces rĂ©cits Ă  caractĂšre policier basĂ©s sur des Ă©vĂ©nements politiques vĂ©cus par l’auteur. Enfin, cas extrĂȘmes, lorsque Ricardo Piglia et NĂ©stor Ponce font remonter – dans RespiraciĂłn artificial 1980 et La bestia de las diagonales 1999 – le rĂ©cit jusqu’au XIXe siĂšcle, c’est en rĂ©alitĂ© afin d’interroger les origines de la nation dans un souci non dissimulĂ© de comprendre le prĂ©sent. Histoire et roman policier similitudes et combinaisons 1 Propos recueillis par François GuĂ©rif, Magazine littĂ©raire, n° 344, juin 1996, pp. 53-54. 2 Voir Claude LĂ©vi-Strauss, La pensĂ©e sauvage, Paris, Librairie Plon, 1985, pp. 306-307 et Roland B ... 2Si l’on pose d’abord la modalitĂ© discursive produite par chacun de ces genres – l’historique et le policier – en regard l’une de l’autre, on constate que le travail de l’historien et celui du dĂ©tective concordent, tout deux Ă©tant des enquĂȘteurs qui soumettent le passĂ© Ă  la question afin de trouver des responsables aux dĂ©sastres soufferts. Paco Ignacio Taibo II rappelait en 1996 que l’historien est, par essence, un dĂ©tective privĂ© amateur »1. Les structuralistes ont Ă©galement mis en lumiĂšre les analogies imposĂ©es par la narration au dire de la fiction et au dire de l’Histoire2. La similitude entre les deux catĂ©gories provient donc Ă  la fois de leur caractĂšre hermĂ©neutique et de leur systĂšme d’organisation discursive. Cette correspondance admise, il ne paraĂźt plus douteux qu’Histoire et Ă©nigme criminelle puissent ĂȘtre associĂ©es ; mais rĂ©flĂ©chir Ă  la façon dont une mĂȘme fiction est capable de mĂȘler leurs ingrĂ©dients de base, ce n’est pas seulement chercher s’il existe des romans historiques qui soient aussi des romans policiers, ni si les figures de l’historien et du dĂ©tective sont superposables. 3 El matadero » fut probablement Ă©crit en 1839 mais publiĂ© en 1871. 3Si nous ne retenons dans la catĂ©gorie des romans policiers que ceux qui suivent, de Poe Ă  Chandler, les principaux modĂšles de la littĂ©rature anglo-saxonne, il sera assez facile de dĂ©crire le rapport qui s’y constitue entre Ă©nigme policiĂšre et Histoire, cette derniĂšre y Ă©tant souvent une piĂšce rapportĂ©e. En servant de mode de dĂ©paysement, elle permet d’amplifier les effets produits sur le lecteur par l’exotisme des contrĂ©es lointaines. Ainsi, des sinistres mystĂšres de Fu Manchu de l’écrivain Sax Rohmer au charme confucĂ©en du juge Ti de Van Gulik, on passe d’une vision paranoĂŻaque du pĂ©ril jaune – perçu par un homme moderne – au charme dĂ©licieux et raffinĂ© d’une Chine millĂ©naire – observĂ©e par un sinologue averti. D’un dĂ©placement sur l’unique dimension spatiale oĂč ne compte que le dĂ©paysement gĂ©ographique, on aboutit Ă  un dĂ©placement sur la double coordonnĂ©e spatio-temporelle oĂč le jeu Ă©rudit renforce le simple exotisme. Alors que le dĂ©paysement et l’évasion, attributs qu’on prĂȘte volontiers Ă  la para-littĂ©rature, semblent ĂȘtre, tels qu’ils s’appliquent au roman policier traditionnel, la principale fonction de l’exotisme, son redoublement par le voyage dans le passĂ© permet de donner Ă  voir l’érudition de l’écrivain. On observera que la formule qui produit la saturation de la fiction policiĂšre par des donnĂ©es historiques et culturelles est un ressort souvent utilisĂ© dans les nouvelles de Borges. Exercice d’érudition ou mĂ©thode d’évasion, cette instrumentalisation de l’Histoire comme figure d’ornement, aussi raffinĂ©e soit-elle, ne trouble pas autant que le procĂ©dĂ© qui consiste Ă  interroger l’Histoire Ă  travers le fait criminel et qui caractĂ©rise certaines fictions argentines depuis El matadero »3 d’Esteban EcheverrĂ­a ou Amalia 1851 de JosĂ© MĂĄrmol. Dans le premier cas, l’Histoire est au service de l’énigme, dans le deuxiĂšme, elle en est le sujet. 4Au-delĂ  de l’association ornementale entre les deux genres ou de l’analogie entre dĂ©tective et historien, il est donc nĂ©cessaire d’interroger plus profondĂ©ment le statut du crime et de l’évĂ©nement historique tel que la fiction est en mesure de les percevoir. ÉvĂ©nement et personnage 5Pour traiter du lien entre fiction policiĂšre et Histoire, il faut avant tout lever l’incertitude suivante parmi les mĂ©thodes susceptibles d’organiser la connaissance historique, laquelle offrira davantage de matiĂšre Ă  la fiction ? En simplifiant et en ne tenant pas compte pour l’instant des solutions intermĂ©diaires propres aux Ă©volutions les plus rĂ©centes de la discipline, on peut retenir deux visions de l’Histoire 1 une vision moderne, issue des conceptions de François Simiand et de l’école des Annales, oĂč la sĂ©rie complexe des faits quantifiables et la somme de gestes innombrables et anonymes recouvrent l’évĂ©nement particulier et fournissent une comprĂ©hension vaste et globale ; 2 une vision traditionnelle oĂč une Ă©loquente mise en rĂ©cit fait seul subsister l’évĂ©nement remarquable en retenant par-dessus tout l’action du grand homme, l’alea jacta est d’un CĂ©sar. 6L’histoire des pratiques sociales et des mentalitĂ©s, ou l’histoire des batailles ». Cette question sur la discipline conduit Ă  celle concernant l’agent historique. Si on ne retient en effet que l’évĂ©nement Ă©clatant, on cherchera les individus qui l’auront provoquĂ© ClĂ©opĂątre, Jeanne d’Arc, NapolĂ©on, BolĂ­var
, si possible de grandes figures auxquelles on prĂȘtera une capacitĂ© d’action exemplaire, parfois magique. À l’inverse, si on n’observe que la sĂ©rie complexe, alors on portera Ă  la lumiĂšre des tendances et des donnĂ©es derriĂšre lesquelles la personne ne sera discernable que sous la forme d’une moyenne statistique. Il n’est pas douteux que la fiction prĂ©fĂšre s’inscrire dans la conception traditionnelle de l’Histoire car elle pourra alors se saisir de personnages et d’évĂ©nements nĂ©cessaires Ă  la construction de l’énigme romanesque. Notons que Roland Barthes, afin de rĂ©vĂ©ler la parentĂ© reliant les deux formes de discours, ne se base pas sur les vastes abstractions produites par l’école des Annales mais sur le grand rĂ©cit historique Ă©laborĂ© par Augustin Thierry au XIXe siĂšcle. 7Antoine Prost nous Ă©claire davantage sur la perception de l’évĂ©nement et du sujet par le rĂ©cit 4 Antoine Prost, Les pratiques et les mĂ©thodes », Sciences humaines, Hors sĂ©rie, n° 18, septembre ... Tous les sujets [
] ne se valent part, tous n’ont pas la mĂȘme pertinence historique savoir qui Ă©tait le masque de fer importe peu Ă  la connaissance historique, mĂȘme si l’on peut Ă©crire un texte trĂšs neuf sur le masque de fer comme symbole, en le replaçant dans la sĂ©rie des prisonniers majeurs et des usages de la mise au secret, ce qui serait un sujet historique important.[
] Que l’historien soit de son temps et de son pays et qu’il s’adresse Ă  ses contemporains ici et maintenant l’oblige, s’il veut trouver des lecteurs, Ă  s’interroger sur la pertinence sociale de ses sujets. Il en est d’insignifiants et de futiles, et d’autres majeurs. C’est souvent la diffĂ©rence entre la littĂ©rature de gare et l’histoire 8Aujourd’hui, la dĂ©marche de l’historien et celle du romancier paraissent donc symĂ©triquement opposĂ©es le fait curieux est aux yeux du premier une donnĂ©e Ă  insĂ©rer dans une sĂ©rie tandis que le second, mĂȘme s’il ne verse pas dans la littĂ©rature de gare, y voit une anecdote exemplaire mĂ©ritant de subir une hypertrophie narrative. 9Au XXe siĂšcle, l’Histoire a donc tournĂ© le dos Ă  l’individu, au cas particulier et unique pour se pencher sur de vastes sĂ©ries, creusant ainsi la distance qui la sĂ©parait des rĂ©cits imaginaires. Cependant les mĂ©thodes inaugurĂ©es par la micro-histoire indiquent que ce mouvement n’est pas indispensable Ă  l’objectivitĂ© scientifique de la discipline historique. En s’intĂ©ressant au meunier Menocchio, ĂȘtre unique mais assez marginal dont la biographie ne pouvait illustrer ni de vastes phĂ©nomĂšnes sociaux ni servir la Grande Histoire, Carlo Ginzburg a dĂ©montrĂ© tout l’enseignement historique que l’on pouvait tirer de la parole d’un homme du peuple. DĂ©fendant un tel procĂ©dĂ©, l’historien suggĂšre qu’il existe des motivations idĂ©ologiques au choix de la mĂ©thode historique, aussi pertinente soit-elle 5 Carlo Ginzburg, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du XVIe siĂšcle, Paris, Aubier, 198 ... Quand des Ă©quipes entiĂšres de chercheurs se lancent dans d’immenses entreprises d’histoire quantitative des idĂ©es ou d’histoire religieuse sĂ©rielle, proposer une enquĂȘte minutieuse sur un meunier peut sembler paradoxal et absurde [
]. Il est symptomatique que la possibilitĂ© mĂȘme d’une pareille enquĂȘte ait Ă©tĂ© exclue d’avance par quelqu’un qui, comme F. Furet, a soutenu que la rĂ©intĂ©gration des classes infĂ©rieures dans l’histoire gĂ©nĂ©rale ne peut se faire que sous le signe du nombre et de l’anonymat », Ă  travers la dĂ©mographie et la sociologie, et l’étude quantitative des sociĂ©tĂ©s du passĂ© ». MĂȘme si les historiens ne les ignorent plus, les classes infĂ©rieures seraient de toute façon condamnĂ©es Ă  rester silencieuses ».5 10Plus loin, Carlo Ginzburg indique que dans certains cas l’individu mĂ©diocre peut renseigner sur un groupe social 6 Ibidem., p. 16. Des Ă©tudes biographiques ont dĂ©montrĂ© que chez un individu mĂ©diocre, en lui-mĂȘme privĂ© de relief et pour cette raison prĂ©cisĂ©ment reprĂ©sentatif, on peut observer comme dans un microcosme les caractĂ©ristiques d’une entiĂšre couche sociale Ă  une Ă©poque historique donnĂ©e [
].6 11C’est dire que la micro-histoire n’abandonne pas la sĂ©rie pour retourner au grand homme visĂ© par l’histoire traditionnelle. Elle se penche plutĂŽt sur l’insignifiant parce qu’en tant que tel, il exprime la moyenne des choses banales. À ce stade, observons qu’une concordance singuliĂšre se fait jour entre la question soulevĂ©e par la place de l’individu et du sujet en Histoire et celle touchant au personnage romanesque et Ă  la rĂšgle littĂ©raire des styles. Selon cette derniĂšre, dont Erich Auerbach a analysĂ© les fluctuations au cours des siĂšcles, le grave, le tragique, le grand personnage ne sauraient Ă  l’origine ĂȘtre dĂ©crits que par un discours aristocratique excluant le laid et le misĂ©rable. À l’inverse, la rĂ©alitĂ© crue et les personnages vils ne peuvent prĂȘter qu’à la comĂ©die. En comparant son art Ă  ceux de Boileau ou de MoliĂšre, Auerbach dĂ©crit comment La BruyĂšre dĂ©jĂ  renonce Ă  la rĂšgle des styles pour dĂ©crire le misĂ©rable sĂ©rieusement 7 Erich Auerbach, MimĂ©sis, la reprĂ©sentation de la rĂ©alitĂ© dans la littĂ©rature occidentale, Paris, ... Des pensĂ©es de cet ordre ne viennent ni Ă  MoliĂšre ni Ă  Boileau, et l’un comme l’autre se garderait de les exprimer. Elles transgressent les limites de ce que Boileau nomme l’agrĂ©able et le fin ; non pas parce qu’elles constituent de grands sujets elles ne sont pas cela, dans l’optique du siĂšcle, mais parce que, traitant d’un sujet quotidien et contemporain d’une maniĂšre trop concrĂšte et sĂ©rieuse, elles lui confĂšrent plus de poids que ne le permet l’ 12Si la grande histoire du XIXe siĂšcle s’intĂ©resse Ă  des hĂ©ros Ă  caractĂšre Ă©pique, l’histoire des sĂ©ries annule l’individu Ă  la façon du nouveau roman tandis que la micro-histoire exhume des anti-hĂ©ros absolus. Et quel hĂ©ros est-il plus anti » que celui du polar ? LĂ  oĂč l’on croyait voir surgir de profondes divergences entre l’historien et le romancier contemporains se dressent de nouvelles passerelles, chacun en effet Ă©tant tributaire des reprĂ©sentations intellectuelles produites par la sociĂ©tĂ© Ă  laquelle il appartient et qui attribuent Ă  l’individu, soit-il sujet historique ou personnage de fiction, des caractĂšres dĂ©terminĂ©s. Histoire lointaine et expĂ©rience rĂ©cente 8 Que ce soit Ă  travers la consultation de manuels savants ou en actualisant l’imprĂ©gnation que l’h ... 13Ces nouvelles analogies admises, il faudra chercher ailleurs la distance indispensable au maintien diffĂ©rentiel de ces deux formes de rĂ©cit. Constatons Ă  ce propos que le romancier ne peut lire l’histoire que dans le travail des historiens8 oĂč il puise des informations qu’il réélabore quelquefois au point de les rendre mĂ©connaissables. On dira dĂšs lors – et dans ce rapport de succession se trouve une diffĂ©rence indiscutable – que la recherche historique prĂ©cĂšde l’Ɠuvre de fiction. L’Histoire se prĂ©sente donc comme un rĂ©cit maĂźtre et la fiction historique comme son commentaire ou comme le jeu des variations poĂ©tiques pouvant lui ĂȘtre appliquĂ©es. Ainsi, lorsque Di Benedetto Ă©crit Zama 1956, il a certainement sous la main un certain nombre de donnĂ©es provenant d’élaborations historiographiques diverses qui lui permettent de verser la trame fictionnelle dans un contexte historique prĂ©cis, celui de la vice-royautĂ© du RĂ­o de La Plata. Dans les nations comme l’Argentine oĂč le culte des hĂ©ros et des grands gestes fondateurs est transmis aux enfants dĂšs l’école primaire, l’intĂ©riorisation de cette histoire officielle est sans doute un fait Ă  considĂ©rer dans la genĂšse des rĂ©cits historiques produits par les romanciers. Dans tous les cas cependant, l’écrivain est redevable Ă  l’Histoire des figures qu’il met en scĂšne. Mais que penser Ă  l’inverse des rĂ©cits qui rapportent des Ă©vĂ©nements rĂ©cents dont l’auteur lui-mĂȘme aura pu ĂȘtre tĂ©moin ou acteur ? Quand il s’agit de faits problĂ©matiques inscrits dans un contexte de crise que l’historien du temps prĂ©sent ne peut observer avec toute la sĂ©rĂ©nitĂ© nĂ©cessaire Ă  sa recherche, alors le travail fictionnel est en mesure de jouer un rĂŽle inaugural. L’exemple d’un tel phĂ©nomĂšne se trouve dans l’Argentine soumise, de 1976 Ă  1983, Ă  la dictature militaire. Sous les effets de la censure et de la rĂ©pression, alors que les Ă©crivains pouvaient encore recourir Ă  la mĂ©taphore pour avancer les premiers Ă©lĂ©ments de comprĂ©hension de la rĂ©alitĂ© politique, les historiens Ă©taient dans l’incapacitĂ© de proposer une analyse critique qui risquait d’éveiller la mĂ©fiance trĂšs rĂ©active d’autoritĂ©s paranoĂŻaques. Lisons ce qu’écrit AndrĂ©s Avellaneda Ă  propos de la littĂ©rature argentine de cette Ă©poque 9 Para pensar la narrativa argentina en el marco de la dictadura militar terrorista conviene inve ... Pour envisager la fiction argentine dans le cadre de la dictature militaire terroriste, il convient d’inverser les termes de la relation entre les textes et l’histoire cette derniĂšre n’est pas un rĂ©cit tuteur qui gĂ©nĂšre les premiers, mais au contraire, la comprĂ©hension des faits que nous appelons histoire dĂ©pend probablement des formes de textualisation que nous nommons littĂ©rature. L’étape sinistre de la dictature [
] reste vide de sens jusqu’à ce que les inscriptions symboliques des discours viennent la remplir [...].9 14C’est Ă  ce travail de comprĂ©hension que vont procĂ©der des auteurs comme JosĂ© Pablo Feinmann ou Ricardo Piglia en employant le registre policier pour rendre compte de la violence politique exercĂ©e par la dictature. Relevons ces propos de Feinmann 10 [
] a partir del golpe militar no se podĂ­a publicar nada que oliera mĂ­nimamente a intercambio d ... [
] Ă  partir du coup d’état militaire on ne pouvait rien publier qui ressemblĂąt de prĂšs ou de loin Ă  un Ă©change d’idĂ©es. Je songeai alors qu’il fallait publier au moins quelque chose qui rendĂźt compte des Ă©preuves traversĂ©es par ma gĂ©nĂ©ration la violence effrĂ©nĂ©e. C’est comme ça que s’impose le roman policier ; le crime y est inhĂ©rent au genre, l’assassinat fait partie de sa lĂ©galitĂ© interne. C’est le genre idĂ©al pour parler du crime et de la violence [
].10 11 Voir Tulio HalperĂ­n Donghi, El presente transforma el pasado el impacto del reciente terror e ... 15On peut dĂ©duire de l’ensemble de ces rĂ©flexions que le roman argentin, et en particulier le roman policier, a permis de rendre compte des traits les plus problĂ©matiques de l’histoire immĂ©diate avant toute autre discipline. À ce titre, il est intĂ©ressant de noter l’intĂ©rĂȘt que l’historien Tulio HalperĂ­n Donghi a portĂ© Ă  la littĂ©rature de cette pĂ©riode au moment oĂč, la dĂ©mocratie restaurĂ©e, il devenait possible de retrouver la distance objective nĂ©cessaire Ă  l’analyse historique11. De l’expĂ©rience individuelle Ă  l’expĂ©rience collective 16Cette rĂ©versibilitĂ© des rapports de comprĂ©hension entre Histoire et fiction appliquĂ©e aux Ă©vĂ©nements rĂ©cents ne doit pas conduire Ă  confondre les pĂ©ripĂ©ties fictionnelles et celles historiques rapportĂ©es par le roman. Le lecteur bien renseignĂ© et possĂ©dant une encyclopĂ©die historique convenable saura en effet distinguer ces deux catĂ©gories. Si quelques doutes subsistent, le recours Ă  un manuel permettra de dĂ©partager l’invention pure de la documentation vraie ; Ă  moins que l’auteur lui-mĂȘme ne prenne soin de vanter l’exactitude des faits racontĂ©s. Mais cette dĂ©marche, quand elle se trouve dans un roman policier, est suspecte. Dans Plata quemada 1997 par exemple, Ricardo Piglia prĂ©sente comme vrais des Ă©vĂ©nements imaginaires. C’est d’ailleurs le propre de tels rĂ©cits – depuis qu’Edgar Allan Poe a fait paraĂźtre vĂ©ridique l’affaire de la rue Morgue en citant une certaine Gazette des tribunaux – que d’insister, au moyen de l’article de journal, sur la rĂ©alitĂ© des faits criminels qui y sont dĂ©crits. 17Cette illusion du rĂ©el constamment entretenue par le roman policier pose le problĂšme de l’historicitĂ© des faits rapportĂ©s par la fiction puisque le roman dĂ©signe comme agents, acteurs ou victimes des Ă©vĂ©nements qu’il choisit d’illustrer, des personnages auxquels il attribue des prĂ©dicats dĂ©terminĂ©s, comment les Ă©vĂ©nements vĂ©cus par ces personnages dans leur sphĂšre individuelle peuvent-ils ĂȘtre reconnus par le lecteur comme historiques » ? Il s’agit d’évoquer ici le passage de l’expĂ©rience individuelle Ă  l’expĂ©rience collective, le moment oĂč l’aventure d’un individu, mĂȘme fictionnel, s’inscrit dans l’aventure collective d’une nation telle qu’elle est documentĂ©e par la chronique historique. Pour susciter ce glissement, suffit-il Ă  l’écrivain de dresser une toile de fond, la toile des faits collectifs et politiques, sur laquelle le vĂ©cu de chaque personnage se dĂ©tacherait ? C’est effectivement ce que font certains auteurs. Cependant, plutĂŽt que de constituer deux rĂ©cits parallĂšles, ils prĂ©fĂšrent souvent instaurer des plans convergents qui produisent, Ă  certains moments clĂ©s et au dĂ©nouement en particulier, la rencontre du personnage et de l’évĂ©nement historique. Tel est le cas d’un modĂšle du roman français, Les Thibault, qui dĂ©crit d’abord la vie des frĂšres dans le cadre de la famille et des proches, et finit par raconter comment l’Histoire les engloutit dans le sacrifice insensĂ© de la Grande Guerre. Dans ce procĂ©dĂ©, Ă©galement fonctionnel dans La casa de los espĂ­ritus 1982 d’Isabel Allende ou El siglo de las luces 1962 d’Alejo Carpentier, l’Histoire est observĂ©e comme une fatalitĂ© meurtriĂšre, et le meurtre dont il est question est collectif. 18Donc, d’un cĂŽtĂ© le personnage dans son cadre de vie habituel, dĂ©limitĂ©, d’un autre l’abstraction des grands Ă©vĂ©nements historiques, et au bout du rĂ©cit la rencontre des deux par la matĂ©rialisation du fait historique dans l’existence du personnage qui le subit comme un dĂ©sastre. Malheureusement, ces observations ne peuvent s’appliquer de façon identique Ă  la saga familiale et au roman policier. Si dans le domaine de la rĂ©alitĂ© objective l’Histoire consiste Ă  dĂ©crire une communautĂ© Ă  un moment donnĂ© de son dĂ©veloppement, la fresque familiale est en mesure d’en faire autant dans le domaine de la fiction, la famille Ă©tant une sorte de microcosme social qui peut rendre compte des Ă©volutions Ă  travers la succession gĂ©nĂ©rationnelle. Rien de plus naturel alors que d’inscrire la saga dans l’Histoire. La rencontre de l’expĂ©rience individuelle des personnages avec l’évĂ©nement historique y devient un aboutissement logique. 19Sans doute, des romans comme RespiraciĂłn artificial de Ricardo Piglia et Papel picado de Rolo Diez s’efforcent-ils de conjuguer l’aspect gĂ©nĂ©rationnel au roman noir, d’oĂč le souci d’y rendre compte d’hĂ©ritages intellectuels ou familiaux par ailleurs assez chaotiques. Mais en principe le rĂ©cit policier est Ă  l’opposĂ© du modĂšle offert par la saga familiale. Ses personnages sont des solitaires, des marginaux, et cela est vrai aussi bien pour l’enquĂȘteur que pour le criminel ou la victime. MĂȘme si l’on ne manque pas de rĂ©pĂ©ter que le roman noir offre une radiographie de la sociĂ©tĂ©, son aspect documentaire est si brutalement exposĂ© qu’il a rarement assez de profondeur pour autoriser une comprĂ©hension historique complexe. Aussi les motivations et les mouvements des personnages y sont-ils souvent secrets, impossibles Ă  corrĂ©ler Ă  une vaste action collective. ExpĂ©rience collective et perception publique du crime 20Il faut constater qu’à l’encontre de cette derniĂšre affirmation, le rĂ©cit romanesque latino-amĂ©ricain lie souvent crime et Histoire en s’intĂ©ressant Ă  la conspiration politique. DĂšs 1851, Amalia de JosĂ© MĂĄrmol inaugure un rĂ©cit de conjuration qui atteindra avec Los siete locos 1929 de Roberto Arlt un haut degrĂ© de pertinence esthĂ©tique. Avec La ciudad ausente 1992, Ricardo Piglia, qui ne cache pas sa dĂ©votion envers Roberto Arlt, Ă©labore le rĂ©cit d’une machination fantastique dans lequel l’Histoire n’est plus seulement utilisĂ©e comme catalogue oĂč puiser des anecdotes mais comme discipline intellectuelle gĂ©nĂ©rant des discours idĂ©ologiques, enjeux de la lutte qui oppose l’autoritĂ© aux Ă©lĂ©ments subversifs. Plus rĂ©cemment encore, La fiesta del Chivo 2000 de Vargas Llosa montre que l’atmosphĂšre policiĂšre suggĂ©rĂ©e par le complot politique parvient Ă  soutenir un rĂ©cit historique. Mais ces romans sont-ils encore, Ă  proprement parler, des romans policiers ? Le caractĂšre vaste et indĂ©terminĂ© avec lequel la fiction mĂ©diatise le crime peut conduire Ă  embrasser trop largement l’ensemble des rĂ©cits criminels en leur attribuant artificiellement l’étiquette de romans policiers. Or il est difficile d’échapper Ă  cette difficultĂ© depuis que la littĂ©rature savante s’est saisie du genre policier, non pour s’y fondre entiĂšrement, mais afin de l’articuler de façon dynamique Ă  d’autres modalitĂ©s d’écritures. Ce mouvement caractĂ©rise le souci, maintenant bien documentĂ© et incarnĂ© entre autres par Manuel Puig ou Ricardo Piglia, de verser des modes considĂ©rĂ©s comme marginaux cinĂ©ma populaire, feuilleton
 dans des rĂ©cits savants ayant recours Ă  l’hybridation des genres et des modes, Ă  la fragmentation narrative et Ă  l’expansion du plurilinguisme. Nous pouvons conjecturer que cette Ă©volution a rĂ©troagi sur le regard que l’on portait sur le roman policier, d’une part en l’anoblissant, d’autre part en contribuant Ă  confondre ses frontiĂšres gĂ©nĂ©riques. Ces modifications ont affectĂ© l’équilibre du systĂšme architextuel traditionnel et entretiennent la confusion dont nous hĂ©ritons aujourd’hui, confusion qui a le mĂ©rite au moins de stimuler notre rĂ©flexion. Acceptons donc l’idĂ©e que le rĂ©cit policier rencontre une de ses nombreuses formes de matĂ©rialisation dans le rĂ©cit de conjuration. Lorsque grĂące Ă  ce dernier le crime n’est plus une affaire de passions ou de dĂ©sirs privĂ©s mais une affaire politique, le destin de l’individu qui y est impliquĂ© devient solidaire de celui de la nation. DĂšs lors l’expĂ©rience reprĂ©sentĂ©e par un personnage dĂ©terminĂ© se mĂȘle au fait historique et Ă  l’expĂ©rience collective. Dans Structure du fait divers », Roland Barthes oppose justement le meurtre politique au fait divers 12 Roland Barthes, Structure du fait divers », Essais critiques, Paris, Ă©ditions du Seuil, 1964, p ... Voici un assassinat s’il est politique, c’est une information, s’il ne l’est pas, c’est un fait divers. [
] Cette diffĂ©rence apparaĂźt tout de suite lorsque l’on compare nos deux assassinats ; dans le premier l’assassinat politique, l’évĂ©nement le meurtre renvoie nĂ©cessairement Ă  une situation extensive qui existe en dehors de lui, avant lui et autour de lui la politique » ; l’information ne peut ici se comprendre immĂ©diatement, elle ne peut ĂȘtre dĂ©finie qu’à proportion d’une connaissance extĂ©rieure Ă  l’évĂ©nement, qui est la connaissance politique [
]. [L’assassinat politique] n’est jamais que le terme manifeste d’une structure implicite qui lui prĂ©existe pas d’information politique sans durĂ©e, car la politique est une catĂ©gorie trans-temporelle [
].12 21L’inscription du crime politique dans l’histoire tient donc de la nĂ©cessitĂ© alors que 13 Ibidem., p. 189. le fait divers, au contraire, est une information totale, ou plus exactement, immanente ; il contient en soi tout son savoir point besoin de connaĂźtre rien du monde pour consommer un fait divers [
].13 22Ce souci de remonter les causes historiques du crime politique afin de le comprendre anime en particulier RespiraciĂłn artificial de Ricardo Piglia qui dĂ©crit le destin de gĂ©nĂ©rations entiĂšres de proscrits argentins celle de 1837 aussi bien que celle de 1976 Ă  travers des personnages dont la marginalitĂ© permet d’évoquer une histoire hĂ©tĂ©rodoxe, opposable Ă  l’histoire officielle. 23À ce stade, nous ne pouvons nous arrĂȘter Ă  ces considĂ©rations sans Ă©voquer l’instrument indispensable Ă  l’enregistrement de cette expĂ©rience collective la mĂ©moire. À son sujet, Paul RicƓur Ă©crit 14 Paul RicƓur, La mĂ©moire, l’histoire, l’oubli, Paris, Ă©ditions du Seuil, 2000, p. 161. Entre les deux pĂŽles de la mĂ©moire individuelle et de la mĂ©moire collective, n’existe-t-il pas un plan intermĂ©diaire de rĂ©fĂ©rence oĂč s’opĂšrent concrĂštement les Ă©changes entre la mĂ©moire vive des personnes individuelles et la mĂ©moire publique des communautĂ©s auxquelles nous appartenons ? Ce plan est celui de la relation aux proches, Ă  qui nous sommes en droit d’attribuer une mĂ©moire d’un genre 24Cette idĂ©e de proximitĂ© et donc de transfert par palier de l’individu Ă  la communautĂ© permet de prĂ©ciser les opĂ©rations nĂ©cessaires au partage de la mĂ©moire qui donneront forme Ă  l’expĂ©rience collective. Trois de ces opĂ©rations sont facilement discernables 1 celle produite par la compassion, 2 celle produite par la gĂ©nĂ©ralisation, et 3 celle de retour vers les origines qui aboutit Ă  la construction d’une image des ancĂȘtres communs. 25La capacitĂ© Ă  compatir indique mon aptitude Ă  partager, virtuellement, l’expĂ©rience d’autrui, expĂ©rience que je peux ne pas avoir vĂ©cu. Ce mouvement de moi vers l’autre porte en germe l’idĂ©e de souci collectif. Il indique que je suis capable d’élaborer une construction discursive qui m’autorise Ă  m’approprier cette expĂ©rience Ă©trangĂšre. Mais si je compatis, c’est que l’on m’inspire, Ă  moi, de la compassion dans un processus dynamique d’échange et de dialogue. Observons enfin que le sentiment de compassion, s’il est encouragĂ© par un contexte social conflictuel, conduira Ă  l’engagement. Ce dernier stimulera la recherche des rĂ©ponses idĂ©ologiques qui permettront de combattre certaines idĂ©es gĂ©nĂ©ratrices d’iniquitĂ©s et de mettre un terme Ă  la souffrance collective. 26Au moyen de la gĂ©nĂ©ralisation, un fait particulier est rapportĂ© Ă  d’autres faits similaires jusqu’à composer une sĂ©rie vaste et reprĂ©sentative d’un fait de sociĂ©tĂ©, par exemple la rĂ©cente et mĂ©diatique affaire Cantat-Trintignant rapportĂ©e Ă  la catĂ©gorie sociologique femme battue et homme violent ». Notons qu’il est peu probable qu’au XVIIe siĂšcle on ait eu conscience de l’existence d’une telle catĂ©gorie, quand bien mĂȘme de nombreuses femmes fussent battues. Le systĂšme de gĂ©nĂ©ralisation dĂ©pendra donc du regard social tel qu’il est formĂ© – pour chaque pĂ©riode – par les modalitĂ©s de production des opinions publiques. 27Compassion et gĂ©nĂ©ralisation permettent de transposer des phĂ©nomĂšnes individuels en phĂ©nomĂšnes collectifs. Elles rendent communs Ă  tous les membres prĂ©sents de la communautĂ© l’ensemble de leurs ancĂȘtres, d’autant que la distance temporelle finit par fondre l’histoire des origines familiales dans l’indĂ©termination de l’histoire collective. De plus, la compassion ouvre Ă  la comprĂ©hension de l’expĂ©rience des temps passĂ©s ainsi qu’à la possibilitĂ© de la raconter. En ce sens il est frappant de voir comment les reprĂ©sentations historiques adressĂ©es au grand public s’efforcent de rapprocher, par la description de la vie quotidienne, l’expĂ©rience des ancĂȘtres Ă  la nĂŽtre. C’est dans le passage du singulier au pluriel, sous les effets de la gĂ©nĂ©ralisation et de la compassion, qu’apparaĂźt au jour la possibilitĂ© de mettre en mĂ©moire et de raconter une histoire collective. 15 Au sujet de l’évĂ©nement, et plus prĂ©cisĂ©ment du fait divers, voir encore Roland Barthes, Struct ... 28Le journalisme a montrĂ© depuis longtemps que les rĂ©cits de crimes, en tant qu’évĂ©nements inspirant de la compassion et ayant une signification sociale pouvant soutenir le processus de gĂ©nĂ©ralisation, bĂ©nĂ©ficiaient d’une vaste rĂ©ception populaire. L’importance que la communautĂ© attribue Ă  chaque victime particuliĂšre et Ă  son bourreau, affectĂ©e du trouble suscitĂ© par les circonstances du crime, tout cela dĂ©termine la portĂ©e publique de l’évĂ©nement criminel. Ainsi, si un coup de couteau dans le ventre d’une prostituĂ©e ne suscitera malheureusement guĂšre d’intĂ©rĂȘt, par contre la boucherie minutieuse subie par plusieurs d’entre elles a donnĂ© naissance au sinistre mythe de Jack l’Éventreur. Pensons Ă©galement aux affaires Carlos MonzĂłn – cĂ©lĂšbre boxeur argentin qui dĂ©fenestra sa femme – et O. J. Simpson – populaire joueur de base-ball nord-amĂ©ricain soupçonnĂ© d’avoir tuĂ© sa femme et son amant – largement mĂ©diatisĂ©es du fait de la notoriĂ©tĂ© des assassins. Pour qu’il y ait donc Ă©vĂ©nement dans le domaine du crime, il faut respecter un dosage, sans doute variable mais oĂč il est impossible que tous les ingrĂ©dients soient en quantitĂ© minimale, entre le nombre de victimes, leur importance sociale, la cĂ©lĂ©britĂ© du bourreau et le degrĂ© d’aberration de l’assassinat. Ce sont ces mĂȘmes ingrĂ©dients qui rendront le rĂ©cit journalistique du meurtre plus ou moins intĂ©ressant. On peut donc conclure qu’il y a Ă©vĂ©nement criminel quand il y a possibilitĂ© d’en tirer un rĂ©cit captivant15. Cependant, si Ă  l’origine du genre littĂ©raire policier l’extrĂȘme singularitĂ© des affaires criminelles Ă©tait affichĂ©e pour justifier qu’elles servent de sujet au rĂ©cit, depuis l’apparition du roman noir l’intĂ©rĂȘt ne porte plus sur le crime lui-mĂȘme, souvent assez banal, mais sur son contexte social ainsi que sur une galerie de personnages forts et ambiguĂ«s Marlow, Spade, Hammer
, impliquĂ©s dans des duels souvent picaresques. 29Observons que le roman latino-amĂ©ricain, en s’intĂ©ressant au crime d’État, se rĂ©fĂšre Ă  des Ă©vĂ©nements criminels rĂ©els oĂč les victimes sont nombreuses. Nous nous trouvons alors dans un systĂšme oĂč presque tous les ingrĂ©dients nĂ©cessaires Ă  la narrativitĂ© du crime se trouvent Ă  un degrĂ© maximal trĂšs grande quantitĂ© de victimes 30 000 pour l’Argentine entre 1976 et 1983, notoriĂ©tĂ© des bourreaux gĂ©nĂ©raux, amiraux, prĂ©sidents
 et atrocitĂ© du modus operandi sĂ©questrations barbares, tortures sauvages, enlĂšvement d’enfants
. Bien entendu le roman, Ă  l’inverse du manuel d’histoire, ne traitera ce crime collectif qu’à travers l’échantillon, mais le lecteur ne manquera jamais d’avoir en tĂȘte le contexte gĂ©nĂ©ral dont Roland Barthes disait qu’il Ă©tait indispensable Ă  la comprĂ©hension du crime politique. Estrella distante 1996 de Roberto Bolaño joue adroitement sur ce mode en insĂ©rant le parcours d’un bourreau particulier et de quelques unes de ses victimes dans le projet global de rĂ©pression Ă©laborĂ© par l’État chilien. Conclusion le crime politique dans le roman argentin 16 Quino, Bien chez soi, Luçon, Éditions Jacques GlĂ©nat, 1979, p. 39. 30La particularitĂ© du crime d’État, par rapport au crime crapuleux, c’est qu’il inverse les termes habituels de valorisation propres Ă  la littĂ©rature policiĂšre ordinaire. Les institutions officielles, la police et l’armĂ©e ne sont plus des forces protectrices mais des puissances criminelles. La victime est un marginal, condamnĂ© Ă  la clandestinitĂ©. Ni el tiro del final 1981 de JosĂ© Pablo Feinmann illustre ce renversement en dĂ©crivant la collusion entre militaires gradĂ©s et trafiquants de haut vol. Par ailleurs, comme le montre Quino en confrontant Sherlock Holmes au meurtre de masse16, les preuves et les indices du crime d’État appartiennent au domaine doctrinaire plutĂŽt qu’au domaine matĂ©riel et seront recueillis par une analyse du discours ou dĂ©noncĂ©s au moyen de la mĂ©taphore. C’est ainsi que Piglia dĂ©busque le crime totalitaire dans RespiraciĂłn artificial oĂč la rĂ©pression dictatoriale est indirectement Ă©voquĂ©e par l’analyse rĂ©pĂ©tĂ©e de discours littĂ©raires et de discours nazis, mis en relation Ă©troite. Faute d’empreinte digitale, la preuve de l’assassinat de masse est apportĂ©e par un Kafka ayant eu la prĂ©monition du gĂ©nocide raciste, et un Hitler exaltĂ© dictant Mein Kampf Ă  ses disciples. 17 C’est par cette expression anglo-saxonne que JosĂ© Emilio Pacheco caractĂ©rise le rĂ©cit de Walsh. J ... 31Aussi, l’idĂ©ologie, qui apparaissait dans les romans policiers traditionnels comme une couche secondaire, surgit-elle Ă  la surface de ces Ɠuvres saisissant politique et Histoire comme sujets centraux. Ce nƓud idĂ©ologique peut se resserrer davantage encore du fait que la compassion suscite l’éveil et l’engagement politique. Il s’ensuit que l’écriture devient souvent le rĂ©sultat d’une nĂ©cessitĂ© urgente et scandalisĂ©e Ă  tĂ©moigner contre les abus criminels du pouvoir. Telle est par exemple la motivation qui gouverne OperaciĂłn masacre 1957 de Rodolfo Walsh, prototype de non-fiction novel »17 qui dĂ©nonce sur le mode de l’enquĂȘte journalistique un vrai crime planifiĂ© par les autoritĂ©s. 32Quasiment depuis ses origines, la littĂ©rature argentine attribue Ă  la violence un caractĂšre politique qui permet Ă  l’auteur d’afficher la dĂ©termination de son engagement. Ainsi en est-il de la dĂ©nonciation des fĂ©dĂ©raux dans Amalia de JosĂ© MĂĄrmol, de celle des autoritĂ©s dans l’Ɠuvre de Roberto PayrĂł, de Eduardo GutiĂ©rrez ou de JosĂ© HernĂĄndez, de celle de la police antipĂ©roniste dans AdĂĄn Buenosayres 1948 de Leopoldo Marechal, de celle des militaires dans OperaciĂłn masacre de Rodolfo Walsh ou Cuarteles de invierno 1983 de Osvaldo Soriano
 Ces romans produisent un systĂšme de dĂ©nonciation qui encourage le lecteur Ă  prendre partie pour un personnage contre les autres le juste contre l’injuste, l’intĂšgre contre le corrompu, l’honnĂȘte contre le malhonnĂȘte, le courageux solitaire contre les puissants abusifs et lĂąches, le martyr contre les bourreaux
 La valorisation dichotomique du rĂ©seau actantiel, de mĂȘme qu’elle rappelle celle en Ɠuvre dans le roman policier traditionnel, s’inscrit dans le dĂ©bat politique et fait de l’Histoire un champ de bataille. De façon inaugurale, El matadero » d’Esteban EcheverrĂ­a qui raconte le meurtre d’un vertueux unitaire par des fĂ©dĂ©raux barbares signifie bien, dĂšs la premiĂšre phrase, ce rapport entre violence, politique et Histoire 18 A pesar de que la mĂ­a es historia, no la empezarĂ© por el arca de NoĂ© y la genealogĂ­a de sus asc ... Bien que ce rĂ©cit appartienne Ă  l’histoire, je ne l’ouvrirai pas en remontant Ă  l’arche de NoĂ© ni Ă  la gĂ©nĂ©alogie de ses ascendants comme avaient coutume de le faire les anciens historiens espagnols d’AmĂ©rique qui doivent nous servir d’ 33Le premier grand rĂ©cit fictionnel de la littĂ©rature argentine Ă©tablit un prĂ©cĂ©dent qui s’érigera bientĂŽt en archĂ©type. Le scandale produit par l’abus de pouvoir, la compassion envers une victime dont les qualitĂ©s intellectuelles et morales facilitent l’identification au lecteur, la diabolisation des bourreaux selon des procĂ©dĂ©s trĂšs divers qui vont de la dĂ©nonciation directe, prĂ©sente dans l’Ɠuvre de Soriano, Ă  celle mĂ©taphorique de Piglia, le meurtre impuni qui dĂ©noue un rĂ©cit pessimiste... tels sont les caractĂšres qui dominent un roman argentin imprĂ©gnĂ© par le discours gĂ©nĂ©rique propre au rĂ©cit policier. Ils dĂ©terminent une vision criminelle de l’Histoire argentine dont ils rapportent la violence, les injustices et les conflits sanglants. Rappelons, pour conclure, cette affirmation de Roberto Anglade 19 En paĂ­ses como el nuestro, la polĂ­tica no ha sido casi nunca un asunto civilizado ; en vez de e ... Dans des pays comme le nĂŽtre, la politique n’a presque jamais Ă©tĂ© une affaire civilisĂ©e ; au lieu de l’étudier depuis un canon culturel, il faudrait la considĂ©rer comme un chapitre du crime affirme Roberto Anglade. Haut de page Notes 1 Propos recueillis par François GuĂ©rif, Magazine littĂ©raire, n° 344, juin 1996, pp. 53-54. 2 Voir Claude LĂ©vi-Strauss, La pensĂ©e sauvage, Paris, Librairie Plon, 1985, pp. 306-307 et Roland Barthes, Le bruissement de la langue, Paris, Éditions du Seuil, 1984, p. 166. 3 El matadero » fut probablement Ă©crit en 1839 mais publiĂ© en 1871. 4 Antoine Prost, Les pratiques et les mĂ©thodes », Sciences humaines, Hors sĂ©rie, n° 18, septembre/octobre 1997, pp. 9-10. 5 Carlo Ginzburg, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du XVIe siĂšcle, Paris, Aubier, 1980, traduit de l’italien par Monique Aymard, p. 15. 6 Ibidem., p. 16. 7 Erich Auerbach, MimĂ©sis, la reprĂ©sentation de la rĂ©alitĂ© dans la littĂ©rature occidentale, Paris, Gallimard, 1968, traduit de l’allemand par Cornelius Heim, p. 371. 8 Que ce soit Ă  travers la consultation de manuels savants ou en actualisant l’imprĂ©gnation que l’histoire officielle exerce sur la culture des citoyens grĂące Ă  l’instruction scolaire et au discours dominant. 9 Para pensar la narrativa argentina en el marco de la dictadura militar terrorista conviene invertir los tĂ©rminos de la relaciĂłn entre los textos y la historia no es Ă©sta un relato maestro que provoque la gĂ©nesis de aquellos, sino que, por el contrario, es muy posible que de las textualizaciones que llamamos literatura dependa la comprensiĂłn de los hechos que denominamos historia. La siniestra etapa de la dictadura [
] es un sentido que permanece vacante hasta que empieza a ser llenado por las inscripciones simbĂłlicas de los discursos [
]. » AndrĂ©s Avellaneda, Lecturas de la historia y lecturas de la literatura en la narrativa argentina de la dĂ©cada del ochenta », in Adriana Bergero et Fernando Reati Ă©d., Memoria colectiva y polĂ­ticas del olvido. Argentina y Uruguay, 1970-1990, Buenos Aires, Beatriz Viterbo Editora, 1997, p. 141. C’est moi qui traduis, de mĂȘme que les autres citations tirĂ©es d’auteurs argentins. 10 [
] a partir del golpe militar no se podĂ­a publicar nada que oliera mĂ­nimamente a intercambio de ideas. Entonces pensĂ© que algo tenĂ­a que escribir, pero algo que diera testimonio de lo que habĂ­a padecido mi generaciĂłn la violencia desenfrenada. Y aparece la novela policial ; en ella el crimen es inherente al gĂ©nero, el asesinato forma parte de su legalidad interna. Es el gĂ©nero ideal para hablar del crimen y la violencia [
] ». Any Ventura, Todo lo que es quĂ­mica es polĂ­tica. DiĂĄlogo con el narrador JosĂ© Pablo Feinmann », ClarĂ­n, supplĂ©ment Cultura y NaciĂłn, 12/8/1982, pp. 2-3. 11 Voir Tulio HalperĂ­n Donghi, El presente transforma el pasado el impacto del reciente terror en la imagen de la historia argentina », in HernĂĄn Vidal et RenĂ© Jara Ă©d., FicciĂłn y polĂ­tica, la narrativa argentina durante el proceso militar, Buenos Aires, Alianza Estudio, 1987, p. 71-95. 12 Roland Barthes, Structure du fait divers », Essais critiques, Paris, Ă©ditions du Seuil, 1964, pp. 188-189. 13 Ibidem., p. 189. 14 Paul RicƓur, La mĂ©moire, l’histoire, l’oubli, Paris, Ă©ditions du Seuil, 2000, p. 161. 15 Au sujet de l’évĂ©nement, et plus prĂ©cisĂ©ment du fait divers, voir encore Roland Barthes, Structure du fait divers », op. cit., pp. 188-197. 16 Quino, Bien chez soi, Luçon, Éditions Jacques GlĂ©nat, 1979, p. 39. 17 C’est par cette expression anglo-saxonne que JosĂ© Emilio Pacheco caractĂ©rise le rĂ©cit de Walsh. JosĂ© Emilio Pacheco, Nota preliminar Rodolfo Walsh desde MĂ©xico », in Rodolfo Walsh, Obra literaria completa, MĂ©xico, Siglo xxi editores, 1981, p. 5. 18 A pesar de que la mĂ­a es historia, no la empezarĂ© por el arca de NoĂ© y la genealogĂ­a de sus ascendientes como acostumbraban hacerlo los antiguos historiadores españoles de AmĂ©rica que deben ser nuestros prototipos. » Esteban EcheverrĂ­a, El matadero », in JosĂ© Miguel Oviedo, AntologĂ­a crĂ­tica del cuento hispanoamericano del siglo XIX, Madrid, Alianza Editorial, 2001, p. 40. 19 En paĂ­ses como el nuestro, la polĂ­tica no ha sido casi nunca un asunto civilizado ; en vez de estudiarla dentro de un canon cultural, habrĂ­a que verla como un capĂ­tulo del crimen organizado. » Roberto Anglade, Tiempo de no morir », in Sylvia Iparraguirre Ă©d., La cultura argentina. De la dictadura a la democracia, Cuadernos Hispanoamericanos, N° 517-519, julio-septiembre 1993, Madrid, p. de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier JosĂ© Garcia-Romeu, Crime, Histoire et fiction », Cahiers d’études romanes, 15 2006, 81-96. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique JosĂ© Garcia-Romeu, Crime, Histoire et fiction », Cahiers d’études romanes [En ligne], 15 2006, mis en ligne le 15 janvier 2013, consultĂ© le 24 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page
Courtrecit policier. 1251 mots 6 pages. Montre plus. La police reçut un appel tĂ©lĂ©phonique. La police reçut un appel tĂ©lĂ©phonique d'un certain M. Ford. Celui-ci dit Ă  la police qu'il Ă©tait le propriĂ©taire d'un immeuble et qu'il avait vu quelqu'un entrer dans un des appartements (celui portant le n° 16) par une fenĂȘtre latĂ©rale.
Vous avez Ă©tĂ© victime d’un crime, mais vous hĂ©sitez Ă  engager des poursuites judiciaires? La justice rĂ©paratrice offre des options diffĂ©rentes du systĂšme de justice criminel pour rĂ©parer les torts que vous avez subis. Vous pouvez choisir d’y participer au moment et de la maniĂšre qui vous convient. De plus, la justice rĂ©paratrice ne vous empĂȘche pas d’aller vers le systĂšme traditionnel quand vous le souhaitez. Vous pouvez participer au moment qui vous convient La justice rĂ©paratrice est accessible au moment qui vous convient et selon vos besoins. Elle reconnaĂźt que le processus de chaque personne victime est unique. Certaines d’entre elles ont besoin de temps avant de prendre pleinement conscience de ce qu’il leur est arrivĂ©. Vous n’ĂȘtes pas obligĂ© de porter plainte Ă  la police pour obtenir des mesures de justice rĂ©paratrice. Le processus peut exister sans que la personne contrevenante soit accusĂ©e d’un crime. Par exemple, des mesures de justice rĂ©paratrices sont disponibles avant de porter plainte Ă  la police ou si vous ne voulez pas porter plainte,aprĂšs avoir portĂ© plainte Ă  la police ou pendant des procĂ©dures judiciaires,aprĂšs une poursuite criminelle. Par exemple, lorsque le contrevenant est dĂ©tenu dans un pĂ©nitencier ou a terminĂ© de purger sa peine. Vous pouvez recevoir une invitation Ă  participer au processus Dans certains cas, vous pourriez recevoir une invitation Ă  participer Ă  des mesures de justice rĂ©paratrice qui remplacent une poursuite criminelle devant les tribunaux. C’est le cas si le contrevenant a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© par les policiers et pris en charge par un programme de mesures de rechange, comme le Programme de mesures de rechange gĂ©nĂ©ral pour adultes PMRG ou le systĂšme de justice pĂ©nal pour adolescent LSJPA. Une personne communiquera avec vous pour vous informer de la possibilitĂ© de participer Ă  une mesure de justice rĂ©paratrice ex. mĂ©diation et pour connaitre votre intĂ©rĂȘt. Sachez que vous n’ĂȘtes jamais obligĂ© de participer. Si vous souhaitez en savoir plus avant de prendre une dĂ©cision, vous pouvez poser vos questions en vous adressant Ă  un Centre d’aide aux victimes d’acte criminel CAVAC. Vous pouvez consulter un organisme spĂ©cialisĂ© en justice rĂ©paratrice Des organismes spĂ©cialisĂ©s en justice rĂ©paratrice existent partout au QuĂ©bec et vous pouvez les consulter directement que vous ayez choisi ou que vous ayez Ă©tĂ© invitĂ© Ă  participer. Ces organismes peuvent vous donner toute l’information nĂ©cessaire sur le processus et vous aider Ă  dĂ©terminer si c’est une bonne option pour vous. Leur Ă©quipe d’intervention peut ensuite vous accompagner Ă  travers les mesures que vous choisirez ex. rencontres en personne. Voici les principaux organismes ou programmes quĂ©bĂ©cois RĂ©seau Équijustice leurs 23 organismes offrent des services dans plusieurs rĂ©gions du QuĂ©bec. Ils organisent notamment des rencontres de mĂ©diation et de dialogue entre une personne victime et le contrevenant responsable du crime. Association des Organismes de Justice Alternative du QuĂ©bec ASSOJAQ les organismes membres de l’ASSOJAQ offrent des services dans plusieurs rĂ©gions du QuĂ©bec. Ils organisent notamment des rencontres de mĂ©diation et de dialogue entre une personne victime et le contrevenant responsable du crime. Centre de service de justice rĂ©paratrice cet organisme offre des services dans certaines rĂ©gions, telles que MontrĂ©al, l’Estrie, la MontĂ©rĂ©gie, la Mauricie-Centre du QuĂ©bec, LanaudiĂšre et les Laurentides. Il organise notamment des rencontres et des cercles de justice rĂ©paratrice entre des personnes ayant subi ou commis des crimes non liĂ©s, c’est-Ă -dire de mĂȘme nature, mais non liĂ©s Ă  un mĂȘme Ă©vĂ©nement. ComitĂ©s de justice autochtones ces comitĂ©s offrent des services aux autochtones dans des communautĂ©s partout au QuĂ©bec et en milieu urbain. Ils organisent notamment des rencontres d’échange entre les personnes victimes, les contrevenants et des reprĂ©sentants de la communautĂ©. Programme possibilitĂ© de justice ce programme du Service correctionnel du Canada on permet Ă  une victime et au contrevenant sous responsabilitĂ© fĂ©dĂ©rale responsable du crime de participer Ă  diffĂ©rents modĂšles de mĂ©diation. Le contrevenant doit ĂȘtre un dĂ©tenu ou ex-dĂ©tenu. Consulter le rĂ©pertoire de la justice rĂ©paratrice sur le site Web du ministĂšre de la Justice du Canada pour trouver un organisme ou un programme de justice rĂ©paratrice dans votre rĂ©gion.
Defaçon générale, si la police a retiré de chez vous des objets qui étaient légalement en votre possession, elle doit vous les remettre dans les 3 mois qui suivent, à moins qu'un juge de paix n'ait autorisé la police à les détenir au-delà de cette période. Si aucune accusation n'est portée contre vous et que la police ne vous remet pas vos biens dans les 3 mois, communiquez avec
2JE6N.
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  • exemple de dialogue entre un policier et un suspect