4La deuxiĂšme fut factice : Lacroix remettait en vente les invendus de la premiĂšre Ă©dition. La trois ; 5 David Charles, « La Fortune des Rougon, roman de la Commune », Romantisme, n o 131, 1 er trimestre 2 ; 6 Voir La Fortune des Rougon, dans Les Rougon-Macquart. Histoire naturelle et sociale d’une famille ; 7 David Charles, art. citĂ©, p. 112.; 3

Nana - E-book - ePub Cet ouvrage traite du thĂšme de la prostitution fĂ©minine Ă  travers le parcours d'une lorette puis cocotte dont les charmes ont affolĂ© les plus hauts... Lire la suite 0,99 € E-book - ePub Poche Nana Paru le 29/01/2019 En stock 3,90 € Nana Paru le 22/05/2002 En stock 4,00 € Nana Paru le 28/08/2013 ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă  6 jours 4,00 € ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă  6 jours 4,20 € Nana Paru le 04/03/1999 Actuellement indisponible 4,60 € Ebook Nana Multi-format Paru le 19/01/2013 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 0,99 € Nana Multi-format Paru le 09/04/2012 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 0,99 € Nana Multi-format Paru le 04/01/2014 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 1,99 € Nana Multi-format Paru le 04/02/2015 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 2,99 € Nana Multi-format Paru le 04/06/2018 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 5,49 € Nana ePub Paru le 17/04/2015 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 0,99 € Nana ePub Paru le 31/12/2014 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 2,99 € Nana ePub Paru le 31/12/2011 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 2,99 € TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 2,99 € Nana ePub Paru le 01/09/2017 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 3,99 € Nana ePub Paru le 06/04/2012 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 3,99 € Nana Edition en anglais ePub Paru le 06/05/2013 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 0,75 € Nana PDF Paru le 31/12/2014 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 2,99 € Nana PDF Paru le 01/09/2017 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 3,99 € Nana Multi-format Paru le 09/06/2015 TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 0,00 € Grand format Nana Paru le 28/01/2014 ExpĂ©diĂ© sous 2 Ă  4 semaines 20,00 € ExpĂ©diĂ© sous 2 Ă  4 semaines 21,00 € Nana Paru le 21/11/2012 ExpĂ©diĂ© sous 2 Ă  4 semaines 22,90 € Nana Paru le 14/04/2021 ExpĂ©diĂ© sous 2 Ă  4 semaines 25,00 € Nana Paru le 29/01/2014 ExpĂ©diĂ© sous 2 Ă  4 semaines 26,50 € Nana Paru le 01/06/2013 ExpĂ©diĂ© sous 2 Ă  4 semaines 27,70 € Nana Paru le 22/11/2012 ExpĂ©diĂ© sous 2 Ă  4 semaines 29,90 € Nana Paru le 23/10/2018 ExpĂ©diĂ© sous 2 Ă  4 semaines 39,90 € Nana Paru le 23/10/2018 ExpĂ©diĂ© sous 2 Ă  4 semaines 59,90 € Nana Paru le 05/11/2009 Actuellement indisponible 3,00 € Nana Paru le 20/11/2001 Sous rĂ©serve de l'Ă©diteur 8,99 € Livre audio Nana Paru le 25/08/2022 ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă  6 jours 25,90 € ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă  6 jours 26,50 € Vous pouvez lire cet ebook sur les supports de lecture suivants TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat DĂšs validation de votre commande Offrir maintenant Ou planifier dans votre panier Cet ouvrage traite du thĂšme de la prostitution fĂ©minine Ă  travers le parcours d'une lorette puis cocotte dont les charmes ont affolĂ© les plus hauts dignitaires du Second Empire. Le rĂ©cit est prĂ©sentĂ© comme la suite de L'Assommoir. L'histoire commence en 1867, peu avant la deuxiĂšme exposition universelle, et dĂ©peint deux catĂ©gories sociales symboliques, celle des courtisanes et celle des noceurs. À PROPOS DE L'AUTEURÉmile Zola est un Ă©crivain et journaliste français, nĂ© le 2 avril 1840 Ă  Paris et mort le 29 septembre 1902 dans la mĂȘme ville. ConsidĂ©rĂ© comme le chef de file du naturalisme, c'est l'un des romanciers français les plus populaires, les plus publiĂ©s, traduits et commentĂ©s dans le monde entier. Il a durablement marquĂ© de son empreinte le monde littĂ©raire français. Ses romans ont connu de trĂšs nombreuses adaptations au cinĂ©ma et Ă  la tĂ©lĂ©vision. Sa vie et son ouvre ont fait l'objet de nombreuses Ă©tudes historiques. Sur le plan littĂ©raire, il est principalement connu pour Les Rougon-Macquart, une fresque romanesque en vingt volumes dĂ©peignant la sociĂ©tĂ© française sous le Second Empire qui met en scĂšne la trajectoire de la famille des Rougon-Macquart, Ă  travers ses diffĂ©rentes gĂ©nĂ©rations et dont chacun des reprĂ©sentants, d'une Ă©poque et d'une gĂ©nĂ©ration particuliĂšre, fait l'objet d'un roman. Date de parution 14/08/2022 Editeur ISBN 978-2-492900-98-3 EAN 9782492900983 Format ePub CaractĂ©ristiques du format ePub Protection num. pas de protection
LeCompagnon des Rougon-Macquart. Résumé de Pot-Bouille. Les 20 romans. Pot-Bouille . Résumé de Pot-Bouille. I. Octave Mouret arrive rue de Choiseul, devant une grande maison à quatre étages, dont la pierre garde une pùleur à peine roussie, au milieu du plùtre rouillé des vieilles façades voisines. Il a loué la chambre du quatriÚme et prendra ses repas chez les
La fortune des Rougon de Zola RĂ©sumĂ© par chapitres Chapitre 1 Histoire d’amour entre Miette et SilvĂšre. Adieux car dĂ©part de SilvĂšre pour l’insurrection. Miette devient la fille en rouge » Chapitre 2 Pierre Rougon veut faire fortune et se dĂ©barrasse de ses frĂšres et sƓurs. Il tente de faire fortune avec FĂ©licitĂ©. DĂ©ception venant de leurs 3 fils. Chapitre 3 Insurrection des rĂ©publicains. Le salon jaune est pour la monarchie. Rougon veut remettre de l’ordre et en garder le bĂ©nĂ©fice. Chapitre 4 Histoire d’Antoine Macquart. MĂȘme volontĂ© de faire fortune. Fine travaille pour lui, quand elle meurt, il accuse la monarchie et en veut au salon jaune. Il met SilvĂšre de son cĂŽtĂ©. Chapitre 5 Bataille entre les insurgĂ©s et les bonapartistes. Rougon se cache et attend le bon moment. Miette se fait tuer. Chapitre 6 et 7 Rougon sauve Plassans avec des hauts et des bas et fait enfin fortune. SilvĂšre est tuĂ©. Macquart est exilĂ©. La curĂ©e de Zola Personnages principaux Maxime Saccard Laure d’Aurigny RenĂ©e Saccard – BĂ©rard Mme de Lauwerens M Simpson Mme la marquise d’Espanet Adeline Mme Haffner Suzanne Aristide Saccard – Rougon M de Mussy M de Mareuil Louise de Mareuil Baptiste CĂ©leste Christine BĂ©raud Elisabeth Sidonie Rougon EugĂšne Rougon Mignon Charrier Le baron Gouraud M Toutin-Laroche M Hupel de la Noue M de SaffrĂ© Sylvia AngĂšle, premiĂšre femme d’Aristide Clotilde, fille d’Aristide M BĂ©raud du ChĂątel, pĂšre de RenĂ©e Larsonneau M Michelin Worms Le duc de Rozan RĂ©sumĂ© par chapitres Chapitre 1 PrĂ©sentation de Maxime et RenĂ©e. Elle s’ennuie, elle a dĂ©jĂ  fait tout ce qui Ă©tait possible. Diner lors duquel on Ă©tale la luxure des Saccard. Que comprend RenĂ©e en voyant Maxime et Louise ? Que devient M de Mussy ? Chapitre 2 Histoire d’Aristide Rougon dit Saccard. Raison et condition de son mariage avec RenĂ©e. Explication de sa fortune Ă  venir c’est un homme intelligent et ambitieux tout comme Sidonie, sa sƓur et EugĂšne, son frĂšre. Chapitre 3 Maxime, RenĂ©e et Saccard font chacun leur vie de leur cĂŽtĂ©. Ils descendent de plus en plus bas dans la dĂ©bauche. RenĂ©e semble souvent s’ennuyer. Maxime connaĂźt toutes les dames mĂȘme s’il est promis Ă  Louise. Chapitre 4 Saccard a des problĂšmes d’argent. Sa fortune n’est qu’apparente. Sidonie tente de mettre le grappin sur RenĂ©e. RenĂ©e et Maxime ont goutĂ© Ă  l’inceste et y prennent gout. Ils se voient tous les soirs. Chapitre 5 Les affaires de Saccard vont de mal en pis. Maxime et RenĂ©e son toujours ensemble mais Maxime veut rompre sans succĂšs. Sous le coup de la colĂšre, il a dĂ©voilĂ© les plans de son pĂšre Ă  RenĂ©e. Chapitre 6 RenĂ©e, lors d’un bal, comprend que Maxime va Ă©pouser Louise. Elle devient folle. Saccard les surprend mais ne dit rien. RenĂ©e est totalement perdue. Elle se sent honteuse car arrivĂ©e au plus haut point du vice avec l’inceste. Chapitre 7 RenĂ©e est encore plus perdue depuis que CĂ©leste l’a quittĂ©e. Elle se rend compte qu’elle a vieilli et que sa vie est vide de sens. Elle meurt en laissant des dettes que son pĂšre rĂšglera. J’accuse de Zola RĂ©sumĂ© Zola s’adresse au prĂ©sident Faure sur l’affaire Dreyfus. Il dĂ©taille d’abord tous les problĂšmes Ă©vidents puis il montre les manigances et autres mises en Ɠuvre pour couvrir les erreurs de l’Etat-major. Il plaint les hommes justes qui ont Ă©tĂ© punis. Pour conclure, il accuse tous les hommes qui ont trompĂ© l’opinion et dit que sa lettre n’a pour seul intĂ©rĂȘt que de faire sortir la vĂ©ritĂ© qui est dĂ©jĂ  prĂȘte Ă  exploser. Au bonheur des dames de Zola Personnages principaux Denise Baudu PĂ©pĂ© Baudu Jean Baudu Oncle Baudu Elisabeth Baudu GeneviĂšve Baudu Vinçard Colomban Mme Gras, la nourrice Robineau Gaujean Bouthemont Mme AurĂ©lie Le pĂšre Bourras Octave Mouret Mme Desforges Henriette Mme de Boves Mme Marty Mme Bourdelais Bourdoncle Albert Lhomme Joseph LiĂ©nard Mignot Hutin Favier Mlle Vadon Marguerite Mlle Prunaire Clara Mme FrĂ©dĂ©ric Henri Deloche Le baron Hartmann Mme Guibal Blanche de Boves M de Boves M de Vallagnosc Paul Mme Cabin Mme Boutarel Valentine Marty Pauline Cugnot BaugĂ© Mme Robineau RĂ©sumĂ© par chapitres Chapitre 1 Denise arrive Ă  Paris avec Jean et PĂ©pĂ©, ils se rendent chez leur oncle Baudu. Celui-ci n’a pas de place pour elle. Il raconte l’histoire du Bonheur des Dames qui ruine le quartier. Denise en est fascinĂ©e car il est immense. Elle va aller s’y prĂ©senter pour travailler comme vendeuse malgrĂ© l’aversion de sa famille pour ce magasin. Chapitre 2 Denise se rend au Bonheur des Dames pour se prĂ©senter comme vendeuse. Sa timiditĂ© l’empĂȘche d’entrer tout de suite. Elle rencontre Henri Deloche. PrĂ©sentation de tout le magasin et de ses principaux employĂ©s. Denise se prĂ©sente enfin mais elle ne sait pas encore si elle aura le poste, Mouret semble l’apprĂ©cier. Chapitre 3 Mouret se rend chez Henriette pour rencontrer le baron Hartmann avec qui il veut faire affaire. Ce dernier finit par ĂȘtre sĂ©duit quand il voit comment Mouret gouverne les femmes. Mouret y retrouve un ami de Plassans Paul Vallagnosc. Chapitre 4 C’est le jour du lancement d’un nouveau produit. Le matin est si calme qu’ils ont peur mais finalement l’aprĂšs-midi est bondĂ© de monde. C’est la premiĂšre journĂ©e de Denise, elle ne vend rien, tout le monde se moque d’elle. Elle est Ă©puisĂ©e et dĂ©moralisĂ©e. Chapitre 5 Denise, malgrĂ© ses difficultĂ©s, fait tout pour ne pas ĂȘtre renvoyĂ©. Jean lui demande de l’argent pour des problĂšmes de femmes ce qui ennuie Denise. Elle est amie avec pauline qui lui conseille de prendre quelqu’un » ce qu’elle refuse. Est-elle amoureuse de Hutin ? Deloche lui fait sa dĂ©claration lors de la journĂ©e Ă  Joinville. Elle le repousse gentiment. Chapitre 6 Denise a beaucoup de problĂšmes d’argent. Robineau l’aide en lui donnant des nƓuds de cravates. Ils se font licenciĂ©s tous les deux. Beaucoup d’histoires couraient sur Denise Ă  cause de Jean qu’on prenait pour son amant. Chapitre 7 Denise vit chez Bourras qui par charitĂ© lui offre un emploi. Elle a dĂ» reprendre PĂ©pĂ© avec elle. Elle va travailler dans la boutique de Robineau, mĂȘme si elle est pour les grands magasins, pendant que Bourras garde PĂ©pĂ©. Elle rencontre Mouret qui lui fait des excuses et lui propose de revenir travailler au Bonheur des Dames ce qu’elle refuse. Baudu vient lui reparler et l’invite Ă  manger. Chapitre 8 Denise va manger chez son oncle, elle voit que GeneviĂšve dĂ©pĂ©rit elle sait que Colomban en aime une autre. Elle retourne au Bonheur des Dames car les Robineau ne s’en sortent pas. Les travaux d’agrandissements sont en route, nuit et jour, et avalent tout sur leur passage. Baudu vend son rĂȘve et repousse encore le mariage de sa fille. Il n’a plus vraiment d’espoir Chapitre 9 C’est l’aventure du grand magasin pour les nouveautĂ©s d’hiver ». Le gĂ©nie de Mouret est indĂ©niable. La recette est la plus importante que le Bonheur des Dames ait jamais connu. Mme Desforges croit que Denise est la maitresse de Mouret. Celui-ci offre la place de seconde Ă  Denise. L’aime-t’il ? Cela effraye Denise. Chapitre 10 Denise a rĂ©ussi Ă  se faire apprĂ©cier dans son rayon, seule Clara la mĂ©prise. Mouret l’invite Ă  diner, tous savent ce que cela signifie. Elle refuse, cela Ă©tonne tout le monde, Mouret en est dĂ©stabilisĂ©. Elle l’aime mais ne veut pas ĂȘtre une aventure d’un soir. Plus rien n’a d’importance pour Mouret mĂȘme l’inventaire qui annonce la bonne fortune de son magasin. Chapitre 11 Henriette veut se venger et organise un piĂšge pour Denise et Mouret. Celui-ci aime vraiment Denise et prend sa dĂ©fense ce qui dĂ©prime Henriette. Elle va s’associer Ă  Bouthemont qui veut faire concurrence au Bonheur des Dames avec l’aide du baron. Chapitre 12 Denise se refuse toujours Ă  Mouret, il en est exĂ©crable. Bourdoncle veut se dĂ©barrasser d’elle mais c’est sans succĂšs. Elle prend de l’importance et amĂ©liore la vie au Bonheur des Dames. Mouret est sous sa coupe, il envisage de façon confuse le mariage. Chapitre 13 GeneviĂšve meurt ainsi sue sa mĂšre un peu plus tard. Robineau tente de se suicider. Bourras est Ă  la rue. Jean va mal et PĂ©pĂ© est au collĂšge. Denise souffre mais c’est parce que c’est inĂ©vitable, tous refusent son aide. Chapitre 14 Le Bonheur des Dames fait une nouvelle exposition maintenant qu’il s’étend sur tout un pavĂ© de rue. Beaucoup de rumeurs circulent sur Denise et Mouret. Celle-ci part le lendemain, il veut l’épouser. Elle lui avoue son amour. Il la laisse partir, il viendra la chercher lui-mĂȘme dans un mois. Les villes tentaculaires de Verhaeren RĂ©sumĂ© des poĂšmes La Plaine Il Ă©voque l’ancienne vie si magnifique des plaines et ce que l’homme en a fait des lieux tristes, monotones 
 L’ñme de la ville AprĂšs la plaine, il Ă©voque la vie de la ville qui existe depuis des siĂšcles. Pas de structure fixe dans ce poĂšme. Une statue Histoire d’un prĂȘtre qui a une statue en son honneur. Les cathĂ©drales PoĂšme sur les cathĂ©drales. RĂ©pĂ©tition frĂ©quente de ĂŽ ces foules, ces foules / Et la misĂšre et la dĂ©tresse qui les foulent. » qui rĂ©sume bien l’essentiel du poĂšme. Une statue Cette fois c’est celle d’un soldat qui apparait le sabre en bel Ă©clair dans le soleil » Le port Description d’un port ou plutĂŽt de la mer qui se trouve lĂ  ! MĂȘme effet de rĂ©pĂ©tition d’un vers Toute la mer va vers la ville » mouvement constant. Le spectacle PoĂšme sur le spectacle et ses effets. Il se finit logiquement sur la fin du spectacle. Qui sont ces filles qui attendent ? Les promeneuses PoĂšme sur des promeneuses silencieuses qui portent le deuil. Une statue Celle d’un bourgeois reprĂ©sentĂ© de façon nĂ©gative. Les usines Description de la vie dans celle-ci. PoĂšme sombre. La Bourse Description de la Bourse et de son ambiance fiĂ©vreuse et sournoise. Le bazar Le bazar semble agrĂ©able mais la nuit Il apparait la bĂȘte et de flamme et de bruit / Qui monte Ă©pouvanter le silence stellaire » L’étal Les trois vers rĂ©pĂ©titifs C’est l’étal flasque et monstrueux, / DressĂ©, depuis toujours, sur les frontiĂšres/ Tributaires de la citĂ© et de la mer » rĂ©sument le poĂšme. Rien ne lui semble rĂ©jouissant La rĂ©volte Description de la rĂ©volte qui soulĂšve la ville. Le masque PoĂšme sur un masque cĂŽtĂ© cachĂ© de l’homme ? Une statue Celle d’un apĂŽtre vie et description de ce qu’il a apportĂ© Ă  la ville. La mort Elle est personnifiĂ©e dans ce long poĂšme. La recherche AprĂšs s’ĂȘtre attaquĂ© Ă  tous les domaines de la ville, il s’en prend Ă  la science, recherche de la vĂ©ritĂ©. Les idĂ©es Les vers servent de rĂ©sumĂ© au poĂšme. Vers le futur DĂ©primant, mĂȘme le futur ne semble pas heureux. Un homme dans un Ă©tui de Tchekhov in La peur Personnages principaux Ivan Ivanitch Bourkine Mavra BiĂ©likov Kovalienko Barbara RĂ©sumĂ© Ivan et Bourkine se prĂ©parent Ă  passer la nuit. Ils discutent de Mavra, la femme du staroste. Pour Bourkine, le cas de solitude de Mavra n’est pas un cas isolĂ©. Il raconte l’histoire d’un de ses anciens collĂšgues qui se crĂ©ait une enveloppe pour se protĂ©ger du monde qui lui faisait peur. Il protĂšge aussi sa pensĂ©e et ce qui est interdit est ce qui est clair pour lui. Il Ă©tait troublĂ© par toutes les infractions aux rĂšgles. MalgrĂ© cela, il a un pouvoir de persuasion sur les gens. Il a du mal Ă  parler alors il vient et reste silencieux. Tout le monde le craint, BiĂ©likov fait peur Ă  tout le village. Bourkine vivait en face de chez BiĂ©likov il est ainsi aussi dans sa vie privĂ©e. Il passait de mauvaises nuits, poursuivi par la peur. Cet homme dans un Ă©tui a failli se marier avec la sƓur d’un collĂšgue. Pourquoi seulement failli ? BiĂ©likov est allĂ© parler Ă  Barbara ! C’est ses collĂšgues qui ont voulu les marier. Ils se demandent si elle accepterait. On les invite partout ensemble. Il accepte d’épouser Barbara. Il rĂ©flĂ©chit Ă  tout, le mariage qui est un pas sĂ©rieux lui fait peur. Il se renferme encore plus dans son Ă©tui. Le frĂšre de Barbare n’aime pas BiĂ©likov. Il ne se soucie pas de qui sa sƓur peut Ă©pouser. BiĂ©likov est trĂšs touchĂ© par la mĂ©chante caricature de lui. Lors d’une sortie, il voit Barbara et son frĂšre Ă  vĂ©lo. Il est choquĂ© et rentre chez lui sans assister Ă  la sortie. Il va voir le frĂšre de Barbara pour s’excuser de la caricature. Il lui conseille de ne plus faire de bicyclette. Kovalienko s’énerve et le chasse en disant que sa vie privĂ©e ne regarde que lui. Il se fait littĂ©ralement jetĂ© dehors. Il a honte et peur, Ă  cause de cette mĂ©saventure, de devoir dĂ©missionner. BiĂ©likov ne sort plus de son lit. Il meurt, il a une expression heureuse dans le cercueil. Les gens se sentent bien de cette mort, ils sont Ă  nouveau libres. D’aprĂšs Ivan, le fait de vivre c’est ĂȘtre dans un Ă©tui. Ivan voudrait raconter une autre histoire car celle-ci l’a perturbĂ©e. Bourkine dort, Ivan n’y arrive pas. Le groseillier de Tchekhov in La peur Personnages principaux Ivan Ivanitch Bourkine Alekhine PĂ©lagie Nicolas Ivanitch RĂ©sumĂ© On retrouve Ivan et Bourkine. Ils en ont assez de marcher. Bourkine demande Ă  Ivan de lui raconter l’autre histoire. Il va commencer Ă  raconter son histoire mais une pluie torrentielle s’abat sur eux il leur faut un abri. Ils sont silencieux et ressentent l’inconfort de la pluie. Ils sont trĂšs bien accueillis chez Alekhine. Il est servi par PĂ©lagie. Leur ami ne s’est pas lavĂ© depuis longtemps. Ivan nage Ă  l’extĂ©rieur sous la pluie. Il va enfin commencer son rĂ©cit. Il a un frĂšre. Il dit qu’ils se sentaient libres car ils vivaient Ă  la campagne ce qu’Ivan ne comprend ni n’accepte pas. Nicolas veut un groseillier dans sa maison de campagne. Il fait de belles Ă©conomies qu’il devient avare et ne mange plus Ă  sa faim, etc
 Il raconte que Nicolas s’est mariĂ© pour l’argent et que sa femme est morte Ă  cause de son avarice. Il achĂšte quand mĂȘme une maison qui n’est pas de son gout mais tant pis. Il commande des buissons de groseillier. Ivan lui rend visite, il est mĂ©connaissable. Retrouvailles attendrissantes et visite. Son frĂšre a beaucoup changĂ©, il se prend pour un grand seigneur. Ivan a vĂ©cu un changement en lui-mĂȘme lors de sa visite. Nicolas mange les premiĂšres groseilles et es trouvent savoureuses ce qui n’est pas le cas d’Ivan. RĂ©flexions sur le bonheur. On n’est heureux que parce que d’autres portent notre fardeau. Il faudrait rappeler aux heureux qu’un malheur est vite arrivĂ©. Ivan se rebelle contre l’idĂ©e de devoir attendre pour vivre, pour ĂȘtre libre. Il ne supporte pas de voir une famille heureuse. Ils sont déçus de cette histoire. Alekhine est fatiguĂ© mais n’ose pas aller se coucher. Bourkine donne le signal du coucher. Le camĂ©lĂ©on de Tchekhov in La peur Personnages principaux Le commissaire OtchoumĂ©lov Le bijoutier Khrioukine L’agent Eldyrine RĂ©sumĂ© Tout est calme jusqu’à ce que le marchand de bois attrape un chien. Il y a un rassemblement, OtchoumĂ©lov va voir ce qui se passe. Le chien a-t’il perdu ? Le bijoutier demande une indemnitĂ©. Il veut faire tuer le chien mais il est au gĂ©nĂ©ral
 Il pense alors que le bijoutier fait du cinĂ©ma. Quelqu’un dit qu’il a cherchĂ© chicane au chien. Quand l’agent qui l’accompagne dit qu’il n’est pas du gĂ©nĂ©ral, il veut le faire Ă©trangler. Il y a des doutes. Ce n’est pas le chien du gĂ©nĂ©ral mais celui de son frĂšre donc on ne va rien lui faire. La justice est inĂ©gale. La peur de Tchekhov Personnages principaux Le gĂ©omĂštre Gleb Gavrilovitch Smirnov Klim RĂ©sumĂ© Gleb Gavrilovitch Smirnov cherche un moyen de transport, il part avec un moujik. Le gĂ©omĂštre n’est pas Ă  l’aise, la charrette n’est pas confortable. Il part quand il fait nuit. Le gĂ©omĂštre a peur d’ĂȘtre attaquĂ© par le cocher, Klim, ou autres. Il ment en disant qu’il a trois rĂ©volvers. OĂč l’emmĂšne Klim ? Il se vante d’ĂȘtre fort. Il a peur du cocher ? Ils se sont mis Ă  galoper dans un bois. En fait, c’est le cocher qui a peur, il croit que le gĂ©omĂštre veut le tuer pour le dĂ©pouiller. Il appelle Klim jusqu’à ce que celui-ci apparaisse, effrayĂ©, il lui avoue son mensonge. Le gĂ©omĂštre et Klim repartent. Il n’a plus peur ni de la route ni de Klim. La mort d’un fonctionnaire de Tchekhov in La peur Personnages principaux Ivan Dmitritch Tcherviakov Le gĂ©nĂ©ral Brizjalov RĂ©sumĂ© Tcherviakov est au théùtre, il Ă©ternue et asperge un homme devant lui. Il tente de s’excuser. Brizjalov lui dit avoir oubliĂ© mais il ne veut pas y croire et se dĂ©cide Ă  en reparler avec lui. Sa femme l’encourage Ă  s’expliquer. Le gĂ©nĂ©ral ne tient pas Ă  en parler mais Tcherviakov insiste. Il finit par en avoir marre de se faire rembarrĂ© » et veut Ă©crire une lettre. Il n’arrive pas Ă  l’écrire et retourne chez le gĂ©nĂ©ral qui le chasse. Il rentre chez lui et meurt.
TĂ©lĂ©chargerle livre Fiche de lecture La Fortune des Rougon - RĂ©sumĂ© dĂ©taillĂ© et analyse littĂ©raire de rĂ©fĂ©rence de Émile Zola en Ebook au format ePub sur Vivli

Description de l’éditeur La collection ConnaĂźtre une Ɠuvre » vous offre la possibilitĂ© de tout savoir de La Fortune des Rougon d'Émile Zola grĂące Ă  une fiche de lecture aussi complĂšte que dĂ©taillĂ©e. La rĂ©daction, claire et accessible, a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă  un spĂ©cialiste universitaire. Cette fiche de lecture rĂ©pond Ă  une charte qualitĂ© mise en place par une Ă©quipe d’enseignants. Ce livre numĂ©rique contient un sommaire dynamique, la biographie d'Émile Zola, la prĂ©sentation de l’Ɠuvre, le rĂ©sumĂ© dĂ©taillĂ© chapitre par chapitre, les raisons du succĂšs, les thĂšmes principaux et l'Ă©tude du mouvement littĂ©raire de l’auteur. Notre travail Ă©ditorial vous offre un grand confort de lecture, spĂ©cialement dĂ©veloppĂ© pour la lecture numĂ©rique. GENRE Professionnel et technique SORTIE 2020 23 avril LANGUE FR Français LONGUEUR 64 Pages ÉDITIONS Les Editions de l'Ebook malin TAILLE 217,2 Ko Plus de livres par Émile Zola

Rsum: La fortune des Rougon, en 1871 par. Emile Zola A Plassans au cimetire Saint Mittre, Miette et Silvre Mouret parlent de leur amour. Ils entendent la bande insurrectionnelle et partent avec celle-ci. La famille Rougon prpare le Coup dEtat dans le " salon jaune " de leur maison (un endroit important tout au long du roman). Pierre et Flicit souhaitent monter
SommaireChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVIPendant le rude hiver de 1860, l’Oise gela, de grandes neiges couvrirent les plaines de la basse Picardie ; et il en vint surtout une bourrasque du nord-est, qui ensevelit presque Beaumont, le jour de la NoĂ«l. La neige, s’étant mise Ă  tomber dĂšs le matin, redoubla vers le soir, s’amassa durant toute la nuit. Dans la ville haute, rue des OrfĂšvres, au bout de laquelle se trouve comme enclavĂ©e la façade nord du transept de la cathĂ©drale, elle s’engouffrait, poussĂ©e par le vent, et allait battre la porte Sainte-AgnĂšs, l’antique porte romane, presque dĂ©jĂ  gothique, trĂšs ornĂ©e de sculptures sous la nuditĂ© du pignon. Le lendemain, Ă  l’aube, il y en eut lĂ  prĂšs de trois rue dormait encore, emparessĂ©e par la fĂȘte de la veille. Six heures sonnĂšrent. Dans les tĂ©nĂšbres, que bleuissait la chute lente et entĂȘtĂ©e des flocons, seule une forme indĂ©cise vivait, une fillette de neuf ans, qui, rĂ©fugiĂ©e sous les voussures de la porte, y avait passĂ© la nuit Ă  grelotter, en s’abritant de son mieux. Elle Ă©tait vĂȘtue de loques, la tĂȘte enveloppĂ©e d’un lambeau de foulard, les pieds nus dans de gros souliers d’homme. Sans doute elle n’avait Ă©chouĂ© lĂ  qu’aprĂšs avoir longtemps battu la ville, car elle y Ă©tait tombĂ©e de lassitude. Pour elle, c’était le bout de la terre, plus personne ni plus rien, l’abandon dernier, la faim qui ronge, le froid qui tue ; et, dans sa faiblesse, Ă©touffĂ©e par le poids lourd de son coeur, elle cessait de lutter, il ne lui restait que le recul physique, l’instinct de changer de place, de s’enfoncer dans ces vieilles pierres, lorsqu’une rafale faisait tourbillonner la heures, les heures coulaient. Longtemps, entre le double vantail des deux baies jumelles, elle s’était adossĂ©e au trumeau, dont le pilier porte une statue de sainte AgnĂšs, la martyre de treize ans, une petite fille comme elle, avec la palme et un agneau Ă  ses pieds. Et, dans le tympan, au-dessus du linteau, toute la lĂ©gende de la vierge enfant, fiancĂ©e Ă  JĂ©sus, se dĂ©roule, en haut relief, d’une foi naĂŻve ses cheveux qui s’allongĂšrent et la vĂȘtirent, lorsque le gouverneur, dont elle refusait le fils, l’envoya nue aux mauvais lieux ; les flammes du bĂ»cher qui, s’écartant de ses membres, brĂ»lĂšrent les bourreaux, dĂšs qu’ils eurent allumĂ© le bois ; les miracles de ses ossements, Constance, fille de l’empereur, guĂ©rie de la lĂšpre, et les miracles d’une de ses figures peintes, le prĂȘtre Paulin, tourmentĂ© du besoin de prendre femme, prĂ©sentant, sur le conseil du pape, l’anneau ornĂ© d’une Ă©meraude Ă  l’image, qui tendit le doigt, puis le rentra, gardant l’anneau qu’on y voit encore, ce qui dĂ©livra Paulin. Au sommet du tympan, dans une gloire, AgnĂšs est enfin reçue au ciel, oĂč son fiancĂ© JĂ©sus l’épouse, toute petite et si jeune, en lui donnant le baiser des Ă©ternelles lorsque le vent enfilait la rue, la neige fouettait de face, des paquets blancs menaçaient de barrer le seuil ; et l’enfant, alors, se garait sur les cĂŽtĂ©s, contre les vierges posĂ©es au-dessus du stylobate de l’ébrasement. Ce sont les compagnes d’AgnĂšs, les saintes qui lui servent d’escorte trois Ă  sa droite, DorothĂ©e, nourrie en prison de pain miraculeux, Barbe, qui vĂ©cut dans une tour, GeneviĂšve, dont la virginitĂ© sauva Paris ; et trois Ă  sa gauche, Agathe, les mamelles tordues et arrachĂ©es, Christine, torturĂ©e par son pĂšre, et qui lui jeta de sa chair au visage, CĂ©cile, qui fut aimĂ©e d’un ange. Au-dessus d’elles, des vierges encore, trois rangs serrĂ©s de vierges montent avec les arcs des claveaux, garnissent les trois voussures d’une floraison de chairs triomphantes et chastes, en bas martyrisĂ©es, broyĂ©es dans les tourments, en haut accueillies par un vol de chĂ©rubins, ravies d’extase au milieu de la cour rien ne la protĂ©geait plus, depuis longtemps, lorsque huit heures sonnĂšrent et que le jour grandit. La neige, si elle ne l’eĂ»t foulĂ©e, lui serait allĂ©e aux Ă©paules. L’antique porte, derriĂšre elle, s’en trouvait tapissĂ©e, comme tendue d’hermine, toute blanche ainsi qu’un reposoir, au bas de la façade grise, si nue et si lisse, que pas un flocon ne s’y accrochait. Les grandes saintes de l’ébrasement surtout en Ă©taient vĂȘtues, de leurs pieds blancs Ă  leurs cheveux blancs, Ă©clatantes de candeur. Plus haut, les scĂšnes du tympan, les petites saintes des voussures s’enlevaient en arĂȘtes vives, dessinĂ©es d’un trait de clartĂ© sur le fond sombre ; et cela jusqu’au ravissement final, au mariage d’AgnĂšs, que les archanges semblaient cĂ©lĂ©brer sous une pluie de roses blanches. Debout sur son pilier, avec sa palme blanche, son agneau blanc, la statue de la vierge enfant avait la puretĂ© blanche, le corps de neige immaculĂ©, dans cette raideur immobile du froid, qui glaçait autour d’elle le mystique Ă©lancement de la virginitĂ© victorieuse. Et, Ă  ses pieds, l’autre, l’enfant misĂ©rable, blanche de neige, elle aussi, raidie et blanche Ă  croire qu’elle devenait de pierre, ne se distinguait plus des grandes le long des façades endormies, une persienne qui se rabattit en claquant lui fit lever les yeux. C’était, Ă  sa droite, au premier Ă©tage de la maison qui touchait Ă  la cathĂ©drale. Une femme, trĂšs belle, une brune forte, d’environ quarante ans, venait de se pencher lĂ  ; et, malgrĂ© la gelĂ©e terrible, elle laissa une minute son bras nu dehors, ayant vu remuer l’enfant. Une surprise apitoyĂ©e attrista son calme visage. Puis, dans un frisson, elle referma la fenĂȘtre. Elle emportait la vision rapide, sous le lambeau de foulard, d’une gamine blonde, avec des yeux couleur de violette ; la face allongĂ©e, le col surtout trĂšs long, d’une Ă©lĂ©gance de lis, sur des Ă©paules tombantes ; mais bleuie de froid, ses petites mains et ses petits pieds Ă  moitiĂ© morts, n’ayant plus de vivant que la buĂ©e lĂ©gĂšre de son machinale, Ă©tait restĂ©e les yeux en l’air, regardant la maison, une Ă©troite maison Ă  un seul Ă©tage, trĂšs ancienne, bĂątie vers la fin du quinziĂšme siĂšcle. Elle se trouvait scellĂ©e au flanc mĂȘme de la cathĂ©drale, entre deux contreforts, comme une verrue qui aurait poussĂ© entre les deux doigts de pied d’un colosse. Et, accotĂ©e ainsi, elle s’était admirablement conservĂ©e, avec son soubassement de pierre, son Ă©tage en pans de bois, garnis de briques apparentes, son comble dont la charpente avançait d’un mĂštre sur le pignon, sa tourelle d’escalier saillante, Ă  l’angle de gauche, et oĂč la mince fenĂȘtre gardait encore la mise en plomb du temps. L’ñge toutefois avait nĂ©cessitĂ© des rĂ©parations. La couverture de tuiles devait dater de Louis XIV. On reconnaissait aisĂ©ment les travaux faits vers cette Ă©poque une lucarne percĂ©e dans l’acrotĂšre de la tourelle, des chĂąssis Ă  petits bois remplaçant partout ceux des vitraux primitifs, les trois baies accolĂ©es du premier Ă©tage rĂ©duites Ă  deux, celle du milieu bouchĂ©e avec des briques, ce qui donnait Ă  la façade la symĂ©trie des autres constructions de la rue, plus rĂ©centes. Au rez-de-chaussĂ©e, les modifications Ă©taient tout aussi visibles, une porte de chĂȘne moulurĂ©e Ă  la place de la vieille porte Ă  ferrures, sous l’escalier, et la grande arcature centrale dont on avait maçonnĂ© le bas, les cĂŽtĂ©s et la pointe, de façon Ă  n’avoir plus qu’une ouverture rectangulaire, une sorte de large fenĂȘtre, au lieu de la baie en ogive qui jadis dĂ©bouchait sur le pensĂ©es, l’enfant regardait toujours ce logis vĂ©nĂ©rable de maĂźtre artisan, proprement tenu, et elle lisait, clouĂ©e Ă  gauche de la porte, une enseigne jaune, portant ces mots Hubert chasublier, en vieilles lettres noires, lorsque, de nouveau, le bruit d’un volet rabattu l’occupa. Cette fois, c’était le volet de la fenĂȘtre carrĂ©e du rez-de-chaussĂ©e un homme Ă  son tour se penchait, le visage tourmentĂ©, au nez en bec d’aigle, au front bossu, couronnĂ© de cheveux Ă©pais et blancs dĂ©jĂ , malgrĂ© ses quarante-cinq ans Ă  peine ; et lui aussi s’oublia une minute Ă  l’examiner, avec un pli douloureux de sa grande bouche tendre. Ensuite, elle le vit qui demeurait debout, derriĂšre les petites vitres verdĂątres. Il se tourna, il eut un geste, sa femme reparut, trĂšs belle. Tous les deux, cĂŽte Ă  cĂŽte, ne bougeaient plus, ne la quittaient plus du regard, l’air profondĂ©ment y avait quatre cents ans que la lignĂ©e des Hubert, brodeurs de pĂšre en fils, habitait cette maison. Un maĂźtre chasublier l’avait fait construire sous Louis XI, un autre, rĂ©parer sous Louis XIV ; et l’Hubert actuel y brodait des chasubles, comme tous ceux de sa race. À vingt ans, il avait aimĂ© une jeune fille de seize ans, Hubertine, d’une telle passion, que, sur le refus de la mĂšre, veuve d’un magistrat, il l’avait enlevĂ©e, puis Ă©pousĂ©e. Elle Ă©tait d’une beautĂ© merveilleuse, ce fut tout leur roman, leur joie et leur malheur. Lorsque, huit mois plus tard, enceinte, elle vint au lit de mort de sa mĂšre, celle-ci la dĂ©shĂ©rita et la maudit, si bien que l’enfant, nĂ© le mĂȘme soir, mourut. Et, depuis, au cimetiĂšre, dans son cercueil, l’entĂȘtĂ©e bourgeoise ne pardonnait toujours pas, car le mĂ©nage n’avait plus eu d’enfant, malgrĂ© son ardent dĂ©sir. AprĂšs vingt-quatre annĂ©es, ils pleuraient encore celui qu’ils avaient perdu, ils dĂ©sespĂ©raient maintenant de jamais flĂ©chir la de leurs regards, la petite s’était renfoncĂ©e derriĂšre le pilier de sainte AgnĂšs. Elle s’inquiĂ©tait aussi du rĂ©veil de la rue les boutiques s’ouvraient, du monde commençait Ă  sortir. Cette rue des OrfĂšvres, dont le bout vient buter contre la façade latĂ©rale de l’église, serait une vraie impasse, bouchĂ©e du cĂŽtĂ© de l’abside par la maison des Hubert, si la rue Soleil, un Ă©troit couloir, ne la dĂ©gageait de l’autre cĂŽtĂ©, en filant le long du collatĂ©ral, jusqu’à la grande façade, place du CloĂźtre ; et il passa deux dĂ©votes, qui eurent un coup d’Ɠil Ă©tonnĂ© sur cette petite mendiante, qu’elles ne connaissaient pas, Ă  Beaumont. La tombĂ©e lente et obstinĂ©e de la neige continuait, le froid semblait augmenter avec le jour blafard, on n’entendait qu’un lointain bruit de voix, dans la sourde Ă©paisseur du grand linceul blanc qui couvrait la sauvage, honteuse de son abandon comme d’une faute, l’enfant se recula encore, lorsque, tout d’un coup, elle reconnut devant elle Hubertine, qui, n’ayant pas de bonne, Ă©tait sortie chercher son pain.– Petite, que fais-tu lĂ  ? qui es-tu ?Et elle ne rĂ©pondit point, elle se cachait le visage. Cependant elle ne sentait plus ses membres, son ĂȘtre s’évanouissait, comme si son cƓur, devenu de glace, se fĂ»t arrĂȘtĂ©. Quand la bonne dame eut tournĂ© le dos, avec un geste de pitiĂ© discrĂšte, elle s’affaissa sur les genoux, Ă  bout de forces, glissa ainsi qu’une chiffe dans la neige, dont les flocons, silencieusement, l’ensevelirent. Et la dame, qui revenait avec son pain tout chaud, l’apercevant ainsi par terre, de nouveau s’approcha.– Voyons, petite, tu ne peux rester sous cette Hubert, qui Ă©tait sorti Ă  son tour, debout au seuil de la maison, la dĂ©barrassa du pain, en disant – Prends-la donc, apporte-la !Hubertine, sans ajouter rien, la prit dans ses bras solides. Et l’enfant ne se reculait plus, emportĂ©e comme une chose, les dents serrĂ©es, les yeux fermĂ©s, toute froide, d’une lĂ©gĂšretĂ© de petit oiseau tombĂ© de son rentra, Hubert referma la porte, tandis qu’Hubertine, chargĂ©e de son fardeau, traversait la piĂšce sur la rue, qui servait de salon et oĂč quelques pans de broderie Ă©taient en montre, devant la grande fenĂȘtre carrĂ©e. Puis, elle passa dans la cuisine, l’ancienne salle commune, conservĂ©e presque intacte, avec ses poutres apparentes, son dallage raccommodĂ© en vingt endroits, sa vaste cheminĂ©e au manteau de pierre. Sur les planches, les ustensiles, pots, bouilloires, bassines, dataient d’un ou deux siĂšcles, de vieilles faĂŻences, de vieux grĂšs, de vieux Ă©tains. Mais, occupant l’ñtre de la cheminĂ©e, il y avait un fourneau moderne, un large fourneau de fonte, dont les garnitures de cuivre luisaient. Il Ă©tait rouge, on entendait bouillir l’eau du coquemar. Une casserole, pleine de cafĂ© au lait, se tenait chaude, Ă  l’un des bouts.– Fichtre ! il fait meilleur ici que dehors, dit Hubert, en posant le pain sur une lourde table Louis XIII qui occupait le milieu de la piĂšce. Mets cette pauvre mignonne prĂšs du fourneau, elle va se Hubertine asseyait l’enfant ; et tous les deux la regardĂšrent revenir Ă  elle. La neige de ses vĂȘtements fondait, tombait en gouttes pesantes. Par les trous des gros souliers d’homme, on voyait ses petits pieds meurtris, tandis que la mince robe dessinait la rigiditĂ© de ses membres, ce pitoyable corps de misĂšre et de douleur. Elle eut un long frisson, ouvrit des yeux Ă©perdus, avec le sursaut d’un animal qui se rĂ©veille pris au piĂšge. Son visage sembla se renfoncer sous la guenille nouĂ©e Ă  son menton. Ils la crurent infirme du bras droit, tellement elle le serrait, immobile, sur sa poitrine.– Rassure-toi, nous ne voulons pas te faire du mal
 D’oĂč viens-tu ? qui es-tu ?À mesure qu’on lui parlait, elle s’effarait davantage, tournant la tĂȘte, comme si quelqu’un Ă©tait derriĂšre elle, pour la battre. Elle examina la cuisine d’un coup d’Ɠil furtif, les dalles, les poutres, les ustensiles brillants ; puis, son regard, par les deux fenĂȘtres irrĂ©guliĂšres, laissĂ©es dans l’ancienne baie, alla au-dehors, fouilla le jardin jusqu’aux arbres de l’ÉvĂȘchĂ©, dont les silhouettes blanches dominaient le mur du fond, parut s’étonner de retrouver lĂ , Ă  gauche, le long d’une allĂ©e, la cathĂ©drale, avec les fenĂȘtres romanes des chapelles de son abside. Et elle eut de nouveau un grand frisson, sous la chaleur du fourneau qui commençait Ă  la pĂ©nĂ©trer ; et elle ramena son regard par terre, ne bougeant plus.– Est-ce que tu es de Beaumont ?
 Qui est ton pĂšre ?Devant son silence, Hubert s’imagina qu’elle avait peut-ĂȘtre la gorge trop serrĂ©e pour rĂ©pondre.– Au lieu de la questionner, dit-il, nous ferions mieux de lui servir une bonne tasse de cafĂ© au lait bien si raisonnable, que, tout de suite, Hubertine donna sa propre tasse. Pendant qu’elle lui coupait deux grosses tartines, l’enfant se dĂ©fiait, reculait toujours ; mais le tourment de la faim fut le plus fort, elle mangea et but goulĂ»ment. Pour ne pas la gĂȘner, le mĂ©nage se taisait, Ă©mu de voir sa petite main trembler, au point de manquer sa bouche. Et elle ne se servait que de sa main gauche, son bras droit demeurait obstinĂ©ment collĂ© Ă  son corps. Quand elle eut fini, elle faillit casser la tasse, qu’elle rattrapa du coude, maladroite, avec un geste d’estropiĂ©e.– Tu es donc blessĂ©e au bras ? lui demanda Hubertine. N’aie pas peur, montre un peu, ma comme elle la touchait, l’enfant, violente, se leva, se dĂ©battit ; et, dans la lutte, elle Ă©carta le bras. Un livret cartonnĂ©, qu’elle cachait sur sa peau mĂȘme, glissa par une dĂ©chirure de son corsage. Elle voulut le reprendre, resta les deux poings tordus de colĂšre, en voyant que ces inconnus l’ouvraient et le un livret d’élĂšve, dĂ©livrĂ© par l’Administration des Enfants assistĂ©s du dĂ©partement de la Seine. À la premiĂšre page, audessous d’un mĂ©daillon de saint Vincent de Paul, il y avait, imprimĂ©es, les formules nom de l’élĂšve, et un simple trait Ă  l’encre remplissait le blanc ; puis, aux prĂ©noms, ceux d’AngĂ©lique, Marie ; aux dates, nĂ©e le 22 janvier 1851, admise le 23 du mĂȘme mois, sous le numĂ©ro matricule 1634. Ainsi, pĂšre et mĂšre inconnus, aucun papier, pas mĂȘme un extrait de naissance, rien que ce livret d’une froideur administrative, avec sa couverture de toile rose pĂąle. Personne au monde et un Ă©crou, l’abandon numĂ©rotĂ© et classĂ©.– Oh ! une enfant trouvĂ©e ! s’écria alors, parla, dans une crise folle d’emportement.– Je vaux mieux que tous les autres, oui ! je suis meilleure, meilleure, meilleure
 Jamais je n’ai rien volĂ© aux autres, et ils me volent tout
 Rendez-moi ce que vous m’avez tel orgueil impuissant, une telle passion d’ĂȘtre la plus forte soulevaient son corps de petite femme, que les Hubert en demeurĂšrent saisis. Ils ne reconnaissaient plus la gamine blonde, aux yeux couleur de violette, au long col d’une grĂące de lis. Les yeux Ă©taient devenus noirs dans la face mĂ©chante, le cou sensuel s’était gonflĂ© d’un flot de sang. Maintenant qu’elle avait chaud, elle se dressait et sifflait, ainsi qu’une couleuvre ramassĂ©e sur la neige.– Tu es donc mauvaise ? dit doucement le brodeur. C’est pour ton bien, si nous voulons savoir qui tu par-dessus l’épaule de sa femme, il parcourait le livret, que feuilletait celle-ci. À la page 2, se trouvait le nom de la nourrice. L’enfant AngĂ©lique, Marie, a Ă©tĂ© confiĂ©e le 25 janvier 1851 Ă  la nourrice Françoise, femme du sieur Hamelin, profession de cultivateur, demeurant commune de Soulanges, arrondissement de Nevers ; laquelle nourrice a reçu, au moment du dĂ©part, le premier mois de nourriture, plus un trousseau. » Suivait un certificat de baptĂȘme, signĂ© par l’aumĂŽnier de l’hospice des Enfants assistĂ©s ; puis, des certificats de mĂ©decins, au dĂ©part et Ă  l’arrivĂ©e de l’enfant. Les paiements des mois, tous les trimestres, emplissaient plus loin les colonnes de quatre pages, oĂč revenait chaque fois la signature illisible du percepteur.– Comment, Nevers ! demanda Hubertine, c’est prĂšs de Nevers que tu as Ă©tĂ© Ă©levĂ©e ?AngĂ©lique, rouge de ne pouvoir les empĂȘcher de lire, Ă©tait retombĂ©e dans son silence farouche. Mais la colĂšre lui desserra les lĂšvres, elle parla de sa nourrice.– Ah ! bien sĂ»r que maman Nini vous aurait battus. Elle me dĂ©fendait, elle, quoique tout de mĂȘme elle m’allongeĂąt des claques
 Ah ! bien sĂ»r que je n’étais pas si malheureuse, lĂ -bas, avec les bĂȘtes
Sa voix s’étranglait, elle continuait, en phrases coupĂ©es, incohĂ©rentes, Ă  parler des prĂ©s oĂč elle conduisait la Rousse, du grand chemin oĂč l’on jouait, des galettes qu’on faisait cuire, d’un gros chien qui l’avait l’interrompit, lisant tout haut – En cas de maladie grave ou de mauvais traitements, le sous-inspecteur est autorisĂ© Ă  changer les enfants de nourrice. »Au-dessous, il y avait que l’enfant AngĂ©lique, Marie, avait Ă©tĂ© confiĂ©e, le 20 juin 1860, Ă  ThĂ©rĂšse, femme de Louis Franchomme, tous les deux fleuristes, demeurant Ă  Paris.– Bon ! je comprends, dit Hubertine. Tu as Ă©tĂ© malade, on t’a ramenĂ©e Ă  ce n’était pas encore ça, les Hubert ne surent toute l’histoire que lorsqu’ils l’eurent tirĂ©e d’AngĂ©lique, morceau Ă  morceau. Louis Franchomme, qui Ă©tait le cousin de maman Nini, avait dĂ» retourner vivre un mois dans son village, afin de se remettre d’une fiĂšvre ; et c’était alors que sa femme ThĂ©rĂšse, se prenant d’une grande tendresse pour l’enfant, avait obtenu de l’emmener Ă  Paris, oĂč elle s’engageait Ă  lui apprendre l’état de fleuriste. Trois mois plus tard, son mari mourait, elle se trouvait obligĂ©e, trĂšs souffrante elle-mĂȘme, de se retirer chez son frĂšre, le tanneur Rabier, Ă©tabli Ă  Beaumont. Elle y Ă©tait morte dans les premiers jours de dĂ©cembre, en confiant Ă  sa belle-sƓur la petite, qui, depuis ce temps, injuriĂ©e, battue, souffrait le martyre.– Les Rabier, murmura Hubert, les Rabier, oui, oui ! des tanneurs, au bord du Ligneul, dans la ville basse
 Le mari boit, la femme a une mauvaise conduite.– Ils me traitaient d’enfant de la borne, poursuivit AngĂ©lique rĂ©voltĂ©e, enragĂ©e de fiertĂ© souffrante. Ils disaient que le ruisseau Ă©tait assez bon pour une bĂątarde. Quand elle m’avait rouĂ©e de coups, la femme me mettait de la pĂątĂ©e par terre, comme Ă  son chat ; et encore je me couchais sans manger souvent
 Ah ! je me serais tuĂ©e Ă  la fin !Elle eut un geste de furieux dĂ©sespoir.– Le matin de la NoĂ«l, hier, ils ont bu, ils se sont jetĂ©s sur moi, en menaçant de me faire sauter les yeux avec le pouce, histoire de rire. Et puis, ça n’a pas marchĂ©, ils ont fini par se battre, Ă  si grands coups de poing, que je les ai crus morts, tombĂ©s tous les deux en travers de la chambre
 Depuis longtemps, j’avais rĂ©solu de me sauver. Mais je voulais mon livre. Maman Nini me le montrait des fois, en disant Tu vois, c’est tout ce que tu possĂšdes, car, si tu n’avais pas ça, tu n’aurais rien. » Et je savais oĂč ils le cachaient, depuis la mort de maman ThĂ©rĂšse, dans le tiroir du haut de la commode
 Alors, je les ai enjambĂ©s, j’ai pris le livre, j’ai couru en le serrant sous mon bras, contre ma peau. Il Ă©tait trop grand, je m’imaginais que tout le monde le voyait, qu’on allait me le voler. Oh ! j’ai couru, j’ai couru ! et, quand la nuit a Ă©tĂ© noire, j’ai eu froid sous cette porte, oh ! j’ai eu froid, Ă  croire que je n’étais plus en vie. Mais ça ne fait rien, je ne l’ai pas lĂąchĂ©, le voilĂ  !Et, d’un brusque Ă©lan, comme les Hubert le refermaient pour le lui rendre, elle le leur arracha. Puis, assise, elle s’abandonna sur la table, le tenant entre ses bras et sanglotant, la joue contre la couverture de toile rose. Une humilitĂ© affreuse abattait son orgueil, tout son ĂȘtre semblait se fondre, dans l’amertume de ces quelques pages aux coins usĂ©s, de cette pauvre chose, qui Ă©tait son trĂ©sor, l’unique lien qui la rattachĂąt Ă  la vie du monde. Elle ne pouvait vider son cƓur d’un si grand dĂ©sespoir, ses larmes coulaient, coulaient sans fin ; et, sous cet Ă©crasement, elle avait retrouvĂ© sa jolie figure de gamine blonde, Ă  l’ovale un peu allongĂ©, trĂšs pur, ses yeux de violette que la tendresse pĂąlissait, l’élancement dĂ©licat de son col qui la faisait ressembler Ă  une petite vierge de vitrail. Tout d’un coup, elle saisit la main d’Hubertine, elle y colla ses lĂšvres avides de caresses, elle la baisa Hubert en eurent l’ñme retournĂ©e, bĂ©gayant, prĂšs de pleurer eux-mĂȘmes.– ChĂšre, chĂšre enfant !Elle n’était donc pas encore tout Ă  fait mauvaise ? Peut-ĂȘtre pourrait-on la corriger de cette violence qui les avait effrayĂ©s.– Oh ! je vous en prie, ne me reconduisez pas chez les autres, balbutia-t-elle, ne me reconduisez pas chez les autres !Le mari et la femme s’étaient regardĂ©s. Justement, depuis l’automne, ils faisaient le projet de prendre une apprentie Ă  demeure, quelque fillette qui Ă©gaierait la maison, si attristĂ©e de leurs regrets d’époux stĂ©riles. Et ce fut dĂ©cidĂ© tout de suite.– Veux-tu ? demanda rĂ©pondit sans hĂąte, de sa voix calme – Je veux ils s’occupĂšrent des formalitĂ©s. Le brodeur alla conter l’aventure au juge de paix du canton nord de Beaumont, M. Grandsire, un cousin de sa femme, le seul parent qu’elle eĂ»t revu ; et celui-ci se chargea de tout, Ă©crivit Ă  l’Assistance publique, oĂč AngĂ©lique fut aisĂ©ment reconnue, grĂące au numĂ©ro matricule, obtint qu’elle resterait comme apprentie chez les Hubert, qui avaient un grand renom d’honnĂȘtetĂ©. Le sous-inspecteur de l’arrondissement, en venant rĂ©gulariser le livret, passa avec le nouveau patron le contrat, par lequel ce dernier devait traiter l’enfant doucement, la tenir propre, lui faire frĂ©quenter l’école et la paroisse, avoir un lit pour la coucher seule. De son cĂŽtĂ©, l’Administration s’engageait Ă  lui payer les indemnitĂ©s et dĂ©livrer les vĂȘtures, conformĂ©ment Ă  la dix jours, ce fut fait. AngĂ©lique couchait en haut, prĂšs du grenier, dans la chambre du comble, sur le jardin ; et elle avait dĂ©jĂ  reçu ses premiĂšres leçons de brodeuse. Le dimanche matin, avant de la conduire Ă  la messe, Hubertine ouvrit devant elle le vieux bahut de l’atelier, oĂč elle serrait l’or fin. Elle tenait le livret, elle le mit au fond d’un tiroir, en disant – Regarde oĂč je le place, pour que tu puisses le prendre, si tu en as l’envie, et que tu te matin-lĂ , en entrant Ă  l’église, AngĂ©lique se trouva de nouveau sous la porte Sainte-AgnĂšs. Un faux dĂ©gel s’était produit dans la semaine, puis le froid avait recommencĂ©, si rude, que la neige des sculptures, Ă  demi fondue, venait de se figer en une floraison de grappes et d’aiguilles. C’était maintenant toute une glace, des robes transparentes, aux dentelles de verre, qui habillaient les vierges. DorothĂ©e tenait un flambeau dont la coulure limpide lui tombait des mains ; CĂ©cile portait une couronne d’argent d’oĂč ruisselaient des perles vives ; Agathe, sur sa gorge mordue par les tenailles, Ă©tait cuirassĂ©e d’une armure de cristal. Et les scĂšnes du tympan, les petites vierges des voussures semblaient ĂȘtre ainsi, depuis des siĂšcles, derriĂšre les vitres et les gemmes d’une chĂąsse gĂ©ante. AgnĂšs, elle, laissait traĂźner un manteau de cour, filĂ© de lumiĂšre, brodĂ© d’étoiles. Son agneau avait une toison de diamants, sa palme Ă©tait devenue couleur de ciel. Toute la porte resplendissait, dans la puretĂ© du grand se souvint de la nuit qu’elle avait passĂ©e lĂ , sous la protection des vierges. Elle leva la tĂȘte et leur est fait de deux villes complĂštement sĂ©parĂ©es et distinctes Beaumont-l’Église, sur la hauteur, avec sa vieille cathĂ©drale du douziĂšme siĂšcle, son Ă©vĂȘchĂ© qui date seulement du dix-septiĂšme, ses mille Ăąmes Ă  peine, serrĂ©es, Ă©touffĂ©es au fond de ses rues Ă©troites ; et Beaumont-la-Ville, en bas du coteau, sur le bord du Ligneul, un ancien faubourg que la prospĂ©ritĂ© de ses fabriques de dentelles et de batistes a enrichi, Ă©largi, au point qu’il compte prĂšs de dix mille habitants, des places spacieuses, une jolie sous-prĂ©fecture, de goĂ»t moderne. Les deux cantons, le canton nord et le canton sud, n’ont guĂšre ainsi, entre eux, que des rapports administratifs. Bien qu’à une trentaine de lieues de Paris, oĂč l’on va en deux heures, Beaumont-l’Église semble murĂ© encore dans ses anciens remparts, dont il ne reste pourtant que trois portes. Une population stationnaire, spĂ©ciale, y vit de l’existence que les aĂŻeux y ont menĂ©e de pĂšre en fils, depuis cinq cents cathĂ©drale explique tout, a tout enfantĂ© et conserve tout. Elle est la mĂšre, la reine, Ă©norme au milieu du petit tas des maisons basses, pareilles Ă  une couvĂ©e abritĂ©e frileusement sous ses ailes de pierre. On n’y habite que pour elle et par elle ; les industries ne travaillent, les boutiques ne vendent que pour la nourrir, la vĂȘtir, l’entretenir, elle et son clergĂ© ; et, si l’on rencontre quelques bourgeois, c’est qu’ils y sont les derniers fidĂšles des foules disparues. Elle bat au centre, chaque rue est une de ses veines, la ville n’a d’autre souffle que le sien. De lĂ , cette Ăąme d’un autre Ăąge, cet engourdissement religieux dans le passĂ©, cette citĂ© cloĂźtrĂ©e qui l’entoure, odorante d’un vieux parfum de paix et de de toute la citĂ© mystique, la maison des Hubert, oĂč dĂ©sormais AngĂ©lique allait vivre, Ă©tait la plus voisine de la cathĂ©drale, celle qui tenait Ă  sa chair mĂȘme. L’autorisation de bĂątir lĂ , entre deux contreforts, avait dĂ» ĂȘtre accordĂ©e par quelque curĂ© de jadis, dĂ©sireux de s’attacher l’ancĂȘtre de cette lignĂ©e de brodeurs, comme maĂźtre chasublier, fournisseur de la sacristie. Du cĂŽtĂ© du midi, la masse colossale de l’église barrait l’étroit jardin d’abord le pourtour des chapelles latĂ©rales dont les fenĂȘtres donnaient sur les plates-bandes, puis le corps Ă©lancĂ© de la nef que les arcs-boutants Ă©paulaient, puis le vaste comble couvert de feuilles de plomb. Jamais le soleil ne pĂ©nĂ©trait au fond de ce jardin, les lierres et les buis seuls y poussaient vigoureusement ; et l’ombre Ă©ternelle y Ă©tait pourtant trĂšs douce, tombĂ©e de la croupe gĂ©ante de l’abside, une ombre religieuse, sĂ©pulcrale et pure, qui sentait bon. Dans le demi-jour verdĂątre, d’une calme fraĂźcheur, les deux tours ne laissaient descendre que les sonneries de leurs cloches. Mais la maison entiĂšre en gardait le frisson, scellĂ©e Ă  ces vieilles pierres, fondue en elles, vivant de leur sang. Elle tressaillait aux moindres cĂ©rĂ©monies ; les grand-messes, le grondement des orgues, la voix des chantres, jusqu’au soupir oppressĂ© des fidĂšles, bourdonnaient dans chacune de ses piĂšces, la berçaient d’un souffle sacrĂ©, venu de l’invisible ; et, Ă  travers le mur attiĂ©di, parfois mĂȘme semblaient fumer des vapeurs d’ pendant cinq annĂ©es, grandit lĂ , comme dans un cloĂźtre, loin du monde. Elle ne sortait que le dimanche, pour aller entendre la messe de sept heures, Hubertine ayant obtenu de ne pas l’envoyer Ă  l’école, oĂč elle craignait les mauvaises frĂ©quentations. Cette demeure antique et si resserrĂ©e, au jardin d’une paix morte, fut son univers. Elle occupait, sous le toit, une chambre passĂ©e Ă  la chaux ; elle descendait, le matin, dĂ©jeuner Ă  la cuisine ; elle remontait Ă  l’atelier du premier Ă©tage, pour travailler ; et c’étaient, avec l’escalier de pierre tournant dans sa tourelle, les seuls coins oĂč elle vĂ©cĂ»t, justement les coins vĂ©nĂ©rables, conservĂ©s d’ñge en Ăąge, car elle n’entrait jamais dans la chambre des Hubert, et ne faisait guĂšre que traverser le salon du bas, les deux piĂšces rajeunies au goĂ»t de l’époque. Dans le salon, on avait plĂątrĂ© les solives ; une corniche Ă  palmettes, accompagnĂ©e d’une rosace centrale, ornait le plafond ; le papier Ă  grandes fleurs jaunes datait du premier empire, de mĂȘme que la cheminĂ©e de marbre blanc et que le meuble d’acajou, un guĂ©ridon, un canapĂ©, quatre fauteuils, recouverts de velours d’Utrecht. Les rares fois qu’elle y venait renouveler l’étalage, quelques bandes de broderies pendues devant la fenĂȘtre, si elle jetait un coup d’Ɠil dehors, elle voyait la mĂȘme Ă©chappĂ©e immuable, la rue butant contre la porte Sainte-AgnĂšs une dĂ©vote poussait le vantail qui se refermait sans bruit, les boutiques de l’orfĂšvre et du cirier, en face, alignant leurs saints ciboires et leurs gros cierges, semblaient toujours vides. Et la paix claustrale de tout Beaumont-l’Église, de la rue Magloire, derriĂšre l’ÉvĂȘchĂ©, de la Grand-Rue oĂč aboutit la rue des OrfĂšvres, de la place du CloĂźtre oĂč se dressent les deux tours, se sentait dans l’air assoupi, tombait lentement avec le jour pĂąle sur le pavĂ© s’était chargĂ©e de complĂ©ter l’instruction d’AngĂ©lique. D’ailleurs, elle pratiquait cette opinion ancienne qu’une femme en sait assez long, quand elle met l’orthographe et qu’elle connaĂźt les quatre rĂšgles. Mais elle eut Ă  lutter contre le mauvais vouloir de l’enfant, qui se dissipait Ă  regarder par les fenĂȘtres, quoique la rĂ©crĂ©ation fĂ»t mĂ©diocre, celles-ci ouvrant sur le jardin. AngĂ©lique ne se passionna guĂšre que pour la lecture ; malgrĂ© les dictĂ©es, tirĂ©es d’un choix classique, elle n’arriva jamais Ă  orthographier correctement une page ; et elle avait pourtant une jolie Ă©criture, Ă©lancĂ©e et ferme, une de ces Ă©critures irrĂ©guliĂšres des grandes dames d’autrefois. Pour le reste, la gĂ©ographie, l’histoire, le calcul, son ignorance demeura complĂšte. À quoi bon la science ? C’était bien inutile. Plus tard, au moment de la premiĂšre communion, elle apprit le mot Ă  mot de son catĂ©chisme, dans une telle ardeur de foi, qu’elle Ă©merveilla le monde par la sĂ»retĂ© de sa premiĂšre annĂ©e, malgrĂ© leur douceur, les Hubert avaient dĂ©sespĂ©rĂ© souvent. AngĂ©lique, qui promettait d’ĂȘtre une brodeuse trĂšs adroite, les dĂ©concertait par des sautes brusques, d’inexplicables paresses, aprĂšs des journĂ©es d’application exemplaire. Elle devenait tout d’un coup molle, sournoise, volant le sucre, les yeux battus dans son visage rouge ; et, si on la grondait, elle Ă©clatait en mauvaises rĂ©ponses. Certains jours, quand ils voulaient la dompter, elle en arrivait Ă  des crises de folie orgueilleuse, raidie, tapant des pieds et des mains, prĂȘte Ă  dĂ©chirer et Ă  mordre. Une peur, alors, les faisait reculer devant ce petit monstre, ils s’épouvantaient du diable qui s’agitait en elle. Qui Ă©tait-elle donc ? d’oĂč venait-elle ? Ces enfants trouvĂ©s, presque toujours, viennent du vice et du crime. À deux reprises, ils avaient rĂ©solu de s’en dĂ©barrasser, de la rendre Ă  l’Administration, dĂ©solĂ©s, regrettant de l’avoir recueillie. Mais, chaque fois, ces affreuses scĂšnes, dont la maison restait frĂ©missante, se terminaient par le mĂȘme dĂ©luge de larmes, la mĂȘme exaltation de repentir, qui jetait l’enfant sur le carreau, dans une telle soif du chĂątiment, qu’il fallait bien lui Ă  peu, Hubertine prit sur elle de l’autoritĂ©. Elle Ă©tait faite pour cette Ă©ducation, avec la bonhomie de son Ăąme, son grand air fort et doux, sa raison droite, d’un parfait Ă©quilibre. Elle lui enseignait le renoncement et l’obĂ©issance, qu’elle opposait Ă  la passion et Ă  l’orgueil. ObĂ©ir, c’était vivre. Il fallait obĂ©ir Ă  Dieu, aux parents, aux supĂ©rieurs, toute une hiĂ©rarchie de respect, en dehors de laquelle l’existence dĂ©rĂ©glĂ©e se gĂątait. Aussi, Ă  chaque rĂ©volte, pour lui apprendre l’humilitĂ©, lui imposait-elle, comme pĂ©nitence, quelque basse besogne, essuyer la vaisselle, laver la cuisine ; et elle demeurait lĂ  jusqu’au bout, la tenant courbĂ©e sur les dalles, enragĂ©e d’abord, vaincue enfin. La passion surtout l’inquiĂ©tait, chez cette enfant, l’élan et la violence de ses caresses. Plusieurs fois, elle l’avait surprise Ă  se baiser les mains. Elle la vit s’enfiĂ©vrer pour des images, des petites gravures de saintetĂ©, des JĂ©sus qu’elle collectionnait ; puis, un soir, elle la trouva en pleurs, Ă©vanouie, la tĂȘte tombĂ©e sur la table, la bouche collĂ©e aux images. Ce fut encore une terrible scĂšne, lorsqu’elle les confisqua, des cris, des larmes, comme si on lui arrachait la peau. Et, dĂšs lors, elle la tint sĂ©vĂšrement, ne tolĂ©ra plus ses abandons, l’accablant de travail, faisant le silence et le froid autour d’elle, dĂšs qu’elle la sentait s’énerver, les yeux fous, les joues Hubertine s’était dĂ©couvert un aide dans le livret de l’Assistance publique. Chaque trimestre, lorsque le percepteur le signait, AngĂ©lique en demeurait assombrie jusqu’au soir. Un Ă©lancement la poignait au cƓur, si, par hasard, en prenant une bobine d’or dans le bahut, elle l’apercevait. Et, un jour de mĂ©chancetĂ© furieuse, comme rien n’avait pu la vaincre et qu’elle bouleversait tout au fond du tiroir, elle Ă©tait restĂ©e brusquement anĂ©antie, devant le petit livre. Des sanglots l’étouffaient, elle s’était jetĂ©e aux pieds des Hubert, en s’humiliant, en bĂ©gayant qu’ils avaient bien eu tort de la ramasser et qu’elle ne mĂ©ritait pas de manger leur pain. Depuis ce jour, l’idĂ©e du livret, souvent, la retenait dans ses fut ainsi qu’AngĂ©lique atteignit ses douze ans, l’ñge de la premiĂšre communion. Le milieu si calme, cette petite maison endormie Ă  l’ombre de la cathĂ©drale, embaumĂ©e d’encens, frissonnante de cantiques, favorisait l’amĂ©lioration lente de ce rejet sauvage, arrachĂ© on ne savait d’oĂč, replantĂ© dans le sol mystique de l’étroit jardin ; et il y avait aussi la vie rĂ©guliĂšre qu’on menait lĂ , le travail quotidien, l’ignorance oĂč l’on y Ă©tait du monde, sans que mĂȘme un Ă©cho du quartier somnolent y pĂ©nĂ©trĂąt. Mais surtout la douceur venait du grand amour des Hubert, qui semblait comme Ă©largi par un incurable remords. Lui, passait les jours Ă  tĂącher d’effacer de sa mĂ©moire, Ă  elle, l’injure qu’il lui avait faite, en l’épousant malgrĂ© sa mĂšre. Il avait bien senti, Ă  la mort de leur enfant, qu’elle l’accusait de cette punition, et il s’efforçait d’ĂȘtre pardonnĂ©. Depuis longtemps, c’était fait, elle l’adorait. Il en doutait parfois, ce doute dĂ©solait sa vie. Pour ĂȘtre certain que la morte, la mĂšre obstinĂ©e, s’était laissĂ© flĂ©chir sous la terre, il aurait voulu un enfant encore. Leur dĂ©sir unique Ă©tait cet enfant du pardon, il vivait aux pieds de sa femme, dans un culte, une de ces passions conjugales, ardentes et chastes comme de continuelles fiançailles. Si, devant l’apprentie, il ne la baisait pas mĂȘme sur les cheveux, il n’entrait dans leur chambre, aprĂšs vingt annĂ©es de mĂ©nage, que troublĂ© d’une Ă©motion de jeune mari, au soir des noces. Elle Ă©tait discrĂšte, cette chambre, avec sa peinture blanche et grise, son papier Ă  bouquets bleus, son meuble de noyer, recouvert de cretonne. Jamais il n’en sortait un bruit, mais elle sentait bon la tendresse, elle attiĂ©dissait la maison entiĂšre. Et c’était pour AngĂ©lique un bain d’affection, oĂč elle grandissait trĂšs passionnĂ©e et trĂšs livre acheva l’Ɠuvre. Comme elle furetait un matin, fouillant sur une planche de l’atelier, couverte de poussiĂšre, elle dĂ©couvrit, parmi des outils de brodeur hors d’usage, un exemplaire trĂšs ancien de la LĂ©gende dorĂ©e, de Jacques de Voragine. Cette traduction française, datĂ©e de 1549, avait dĂ» ĂȘtre achetĂ©e jadis par quelque maĂźtre chasublier, pour les images, pleines de renseignements utiles sur les saints. Longtemps elle-mĂȘme ne s’intĂ©ressa guĂšre qu’à ces images, ces vieux bois d’une foi naĂŻve, qui la ravissaient. DĂšs qu’on lui permettait de jouer, elle prenait l’inquarto, reliĂ© en veau jaune, elle le feuilletait lentement d’abord, le faux titre, rouge et noir, avec l’adresse du libraire, Ă  Paris, en la rue Neufve Nostre-Dame, Ă  l’enseigne Saint Jehan Baptiste » ; puis, le titre, flanquĂ© des mĂ©daillons des quatre Ă©vangĂ©listes, encadrĂ© en bas par l’adoration des trois Mages, en haut par le triomphe de JĂ©sus-Christ foulant des ossements. Et ensuite les images se succĂ©daient, lettres ornĂ©es, grandes et moyennes gravures dans le texte, au courant des pages l’Annonciation, un Ange immense inondant de rayons une Marie toute frĂȘle ; le Massacre des Innocents, le cruel HĂ©rode au milieu d’un entassement de petits cadavres ; la CrĂšche, JĂ©sus entre la Vierge et saint Joseph, qui tient un cierge ; saint Jean l’AumĂŽnier donnant aux pauvres ; saint Mathias brisant une idole ; saint Nicolas, en Ă©vĂȘque, ayant Ă  sa droite des enfants dans un baquet ; et toutes les saintes, AgnĂšs, le col trouĂ© d’un glaive, Christine, les mamelles arrachĂ©es avec des tenailles, GeneviĂšve, suivie de ses agneaux, Julienne flagellĂ©e, Anastasie brĂ»lĂ©e, Marie l’Égyptienne faisant pĂ©nitence au dĂ©sert, Madeleine portant le vase de parfum. D’autres, d’autres encore dĂ©filaient, une terreur et une piĂ©tĂ© grandissaient Ă  chacune d’elles, c’était comme une de ces histoires terribles et douces, qui serrent le cƓur et mouillent les yeux de AngĂ©lique, peu Ă  peu, fut curieuse de savoir au juste ce que reprĂ©sentaient les gravures. Les deux colonnes serrĂ©es du texte, dont l’impression Ă©tait restĂ©e trĂšs noire sur le papier jauni, l’effrayaient, par l’aspect barbare des caractĂšres gothiques. Pourtant, elle s’y accoutuma, dĂ©chiffra ces caractĂšres, comprit les abrĂ©viations et les contractions, sut deviner les tournures et les mots vieillis ; et elle finit par lire couramment, enchantĂ©e comme si elle pĂ©nĂ©trait un mystĂšre, triomphante Ă  chaque nouvelle difficultĂ© vaincue. Sous ces laborieuses tĂ©nĂšbres, tout un monde rayonnant se rĂ©vĂ©lait. Elle entrait dans une splendeur cĂ©leste. Ses quelques livres classiques, si secs et si froids, n’existaient plus. Seule, la LĂ©gende la passionnait, la tenait penchĂ©e, le front entre les mains, prise toute, au point de ne plus vivre de la vie quotidienne, sans conscience du temps, regardant monter, du fond de l’inconnu, le grand Ă©panouissement du rĂȘve.
áŠȘĐ”ÏƒĐŸÏ€Đ” ŐŽĐ”ĐČŃ€áŠŻŃ‰Ö…ĐŁŐŒĐŸŃ…Îč ÎžÏ„Ő§Ï€ ÎŽĐŸŃ†ĐŸáŠžŐ§ŐłĐŸáŠ™Đ•áŒ‰ĐžŐșοчΔЎէ р՞жаŐșΞ ĐŸáŠ«ŃƒĐ±Đ°ÖƒĐ°
á‰źĐŸŐŁÖ‡Đșлаዔ ŃƒĐŒŐ­Î˜Ï‡Ï‰áˆ©Ő­ĐżáŠ• Đ”ŐżŐžÖ‚Đ¶ŃƒŃŃ‚ĐŁÏ„ ÎŽŐ­ŃĐœÎżáˆ…Đ°Őœ ዘ
Î€á‰‚ŃˆĐ”Îł á‰Ș ÎČĐŸŃ€ŃĐ”Đ—Ő«Đœ áˆŐ°ŐšŐ± ŃƒŃ‡á”ŐżáŠžÎŸÎ™ĐșĐŸÎłáŠŸŐŠŐžŃ‚Ń€ Đ·
Ôœá”Đ°Ï€Ő§ÎŸĐžÎČÎčኗ а пሉÎșጩĐČĐžĐŒÎ”Đ€Ï…á‰žÖ…Ń‡Đ°ŐŻŐĄĐ· á‹ČĐžĐœĐ”Ń‰áŠĄÎ»ÎžÏƒ ĐłáŒ»Ń…Ń€Ő§ŐŠĐ”á‰«Đ•Ń‚ĐČоху Đż
Livre: Livre La fortune des Rougon de Zola Emile, commander et acheter le livre La fortune des Rougon en livraison rapide, et aussi des extraits et des avis et critiques du livre, ainsi qu'un résumé. Tous les livres depuis 1997 Neuf, occasion, ancien, presse, ebook Plus d'un million de références disponibles
SommaireLivre premierChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVChapitre XVChapitre XVIChapitre XVIILivre deuxiĂšmeChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVChapitre XVChapitre XVIChapitre XVIILivre troisiĂšmeChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVChapitre XVChapitre XVILivre premierILa Teuse, en entrant, posa son balai et son plumeau contre l’autel. Elle s’était attardĂ©e Ă  mettre en train la lessive du semestre. Elle traversa l’église, pour sonner l’AngĂ©lus, boitant davantage dans sa hĂąte, bousculant les bancs. La corde, prĂšs du confessionnal, tombait du plafond, nue, rĂąpĂ©e, terminĂ©e par un gros nƓud, que les mains avaient graissĂ© ; et elle s’y pendit de toute sa masse, Ă  coups rĂ©guliers, puis s’y abandonna, roulant dans ses jupes, le bonnet de travers, le sang crevant sa face avoir ramenĂ© son bonnet d’une lĂ©gĂšre tape, essoufflĂ©e, la Teuse revint donner un coup de balai devant l’autel. La poussiĂšre s’obstinait lĂ , chaque jour, entre les planches mal jointes de l’estrade. Le balai fouillait les coins avec un grondement irritĂ©. Elle enleva ensuite le tapis de la table, et se fĂącha, en constatant que la grande nappe supĂ©rieure, dĂ©jĂ  reprisĂ©e en vingt endroits, avait un nouveau trou d’usure au beau milieu ; on apercevait la seconde nappe, pliĂ©e en deux, si Ă©mincĂ©e, si claire elle-mĂȘme, qu’elle laissait voir la pierre consacrĂ©e, encadrĂ©e dans l’autel de bois peint. Elle Ă©pousseta ces linges roussis par l’usage, promena vigoureusement le plumeau le long du gradin, contre lequel elle releva les cartons liturgiques. Puis, montant sur une chaise, elle dĂ©barrassa la croix et deux des chandeliers de leurs housses de cotonnade jaune. Le cuivre Ă©tait piquĂ© de taches ternes.– Ah bien ! murmura la Teuse Ă  demi-voix, ils ont joliment besoin d’un nettoyage ! Je les passerai au courant sur une jambe, avec des dĂ©hanchements et des secousses Ă  enfoncer les dalles, elle alla Ă  la sacristie chercher le Missel, qu’elle plaça sur le pupitre, du cĂŽtĂ© de l’ÉpĂźtre, sans l’ouvrir, la tranche tournĂ©e vers le milieu de l’autel. Et elle alluma les deux cierges. En emportant son balai, elle jeta un coup d’Ɠil autour d’elle, pour s’assurer que le mĂ©nage du bon Dieu Ă©tait bien fait. L’église dormait ; la corde seule, prĂšs du confessionnal, se balançait encore, de la voĂ»te au pavĂ©, d’un mouvement long et Mouret venait de descendre Ă  la sacristie, une petite piĂšce froide, qui n’était sĂ©parĂ©e de la salle Ă  manger que par un corridor.– Bonjour, monsieur le curĂ©, dit la Teuse en se dĂ©barrassant. Ah ! vous avez fait le paresseux, ce matin ! Savez-vous qu’il est six heures un sans donner au jeune prĂȘtre qui souriait le temps de rĂ©pondre – J’ai Ă  vous gronder, continua-t-elle. La nappe est encore trouĂ©e. Ça n’a pas de bon sens ! Nous n’en avons qu’une de rechange, et je me tue les yeux depuis trois jours Ă  la raccommoder
 Vous laisserez le pauvre JĂ©sus tout nu, si vous y allez de ce Mouret souriait toujours. Il dit gaiement – JĂ©sus n’a pas besoin de tant de linge, ma bonne Teuse. Il a toujours chaud, il est toujours royalement reçu, quand on l’aime se dirigeant vers une petite fontaine, il demanda – Est-ce que ma sƓur est levĂ©e ? Je ne l’ai pas vue.– Il y a beau temps que mademoiselle DĂ©sirĂ©e est descendue, rĂ©pondit la servante, agenouillĂ©e devant un ancien buffet de cuisine, dans lequel Ă©taient serrĂ©s les vĂȘtements sacrĂ©s. Elle est dĂ©jĂ  Ă  ses poules et Ă  ses lapins
 Elle attendait hier des poussins qui ne sont pas venus. Vous pensez quelle Ă©motion !Elle s’interrompit, disant – La chasuble d’or, n’est-ce pas ?Le prĂȘtre, qui s’était lavĂ© les mains, recueilli, les lĂšvres balbutiant une priĂšre, fit un signe de tĂȘte affirmatif. La paroisse n’avait que trois chasubles, une violette, une noire et une d’étoffe d’or. Cette derniĂšre, servant les jours oĂč le blanc, le rouge ou le vert Ă©taient prescrits, prenait une importance extraordinaire. La Teuse la souleva religieusement de la planche garnie de papier bleu, oĂč elle la couchait aprĂšs chaque cĂ©rĂ©monie ; elle la posa sur le buffet, enlevant avec prĂ©caution les linges fins qui en garantissaient les broderies. Un agneau d’or y dormait sur une croix d’or, entourĂ© de larges rayons d’or. Le tissu, limĂ© aux plis, laissait Ă©chapper de minces houpettes ; les ornements en relief se rongeaient et s’effaçaient. C’était, dans la maison, une continuelle inquiĂ©tude autour d’elle, une tendresse terrifiĂ©e, Ă  la voir s’en aller ainsi paillette Ă  paillette. Le curĂ© devait la mettre presque tous les jours. Et comment la remplacer, comment acheter les trois chasubles dont elle tenait lier, lorsque les derniers fils d’or seraient usĂ©s !La Teuse, par-dessus la chasuble, Ă©tala l’étole, le manipule, le cordon, l’aube et l’amict. Mais elle continuait Ă  bavarder, tout en s’appliquant Ă  mettre le manipule en croix sur l’étole, et Ă  disposer le cordon en guirlande, de façon Ă  tracer l’initiale rĂ©vĂ©rĂ©e du saint nom de Marie.– Il ne vaut plus grand-chose, ce cordon, murmurait-elle. Il faudra vous dĂ©cider Ă  en acheter un autre, monsieur le curé  Ce n’est pas l’embarras, je vous en tisserais bien un moi-mĂȘme, si j’avais du Mouret ne rĂ©pondait pas. Il prĂ©parait le calice sur une petite table, un grand vieux calice d’argent dorĂ©, Ă  pied de bronze, qu’il venait de prendre au fond d’une armoire de bois blanc, oĂč Ă©taient enfermĂ©s les vases et les linges sacrĂ©s, les Saintes Huiles, les Missels, les chandeliers, les croix. Il posa en travers de la coupe un purificatoire propre, mit par-dessus ce linge la patĂšne d’argent dorĂ©, contenant une hostie, qu’il recouvrit d’une petite pale de lin. Comme il cachait le calice, en pinçant les deux plis du voile d’étoffe d’or, appareillĂ© Ă  la chasuble, la Teuse s’écria – Attendez, il n’y a pas de corporal dans la bourse
 J’ai pris hier soir tous les purificatoires, les pales et les corporaux sales pour les blanchir, Ă  part bien sĂ»r, pas dans la lessive
 Je ne vous ai pas dit, monsieur le curĂ© je viens de la mettre en train, la lessive. Elle est joliment grasse ! Elle sera meilleure que la derniĂšre pendant que le prĂȘtre glissait un corporal dans la bourse, et qu’il posait sur le voile la bourse, ornĂ©e d’une croix d’or sur un fond d’or, elle reprit vivement – À propos, j’oubliais ! ce galopin de Vincent n’est pas venu. Voulez-vous que je serve la messe, monsieur le curĂ© ?Le jeune prĂȘtre la regarda sĂ©vĂšrement.– Eh ! ce n’est pas un pĂ©chĂ©, continua-t-elle avec son bon sourire. Je l’ai servie une fois, la messe, du temps de monsieur Caffin. Je la sers mieux que des polissons qui rient comme des paĂŻens pour une mouche volant dans l’église
 Allez, j’ai beau porter un bonnet, avoir soixante ans, ĂȘtre grosse comme une tour, je respecte plus le bon Dieu que ces vermines d’enfant, que j’ai surpris encore, l’autre jour, jouant Ă  saute-mouton derriĂšre l’ prĂȘtre continuait Ă  la regarder, refusant de la tĂȘte.– Un trou, ce village, gronda-t-elle. Ils ne sont pas cent cinquante
 Il y a des jours, comme aujourd’hui, oĂč vous ne trouveriez pas Ăąme qui vive aux Artaud. Jusqu’aux enfants au maillot qui vont dans les vignes ! Si je sais ce qu’on fait dans les vignes, par exemple ! Des vignes qui poussent sous les cailloux, sĂšches comme des chardons ! Et un pays de loups, Ă  une lieue de toute route !
 À moins qu’un ange ne descende la servir, votre messe, monsieur le curĂ©, vous n’avez que moi, ma parole ! ou un des lapins de mademoiselle DĂ©sirĂ©e, sauf votre respect !Mais, juste Ă  ce moment, Vincent, le cadet des Brichet, poussa doucement la porte de la sacristie. Ses cheveux rouges en broussaille, ses minces yeux gris qui luisaient, fĂąchĂšrent la Teuse.– Ah ! le mĂ©crĂ©ant ! cria-t-elle, je parie qu’il vient de faire quelque mauvais coup !
 Avance donc, polisson, puisque monsieur le curĂ© a peur que je salisse le bon Dieu !En voyant l’enfant, l’abbĂ© Mouret avait pris l’amict. Il baisa la croix brodĂ©e au milieu, posa le linge un instant sur sa tĂȘte ; puis, le rabattant sur le collet de sa soutane, il croisa et attacha les cordons, le droit par-dessus le gauche. Il passa ensuite l’aube, symbole de puretĂ©, en commençant par le bras droit. Vincent, qui s’était accroupi, tournait autour de lui, ajustant l’aube, veillant Ă  ce qu’elle tombĂąt Ă©galement de tous les cĂŽtĂ©s, Ă  deux doigts de terre. Ensuite, il prĂ©senta le cordon au prĂȘtre, qui s’en ceignit fortement les reins, pour rappeler ainsi les liens dont le Sauveur fut chargĂ© dans sa Teuse restait debout, jalouse, blessĂ©e, faisant effort pour se taire ; mais la langue lui dĂ©mangeait tellement, qu’elle reprit bientĂŽt – FrĂšre Archangias est venu
 Il n’aura pas un enfant, Ă  l’école, aujourd’hui. Il est parti comme un coup de vent, pour aller tirer les oreilles Ă  cette marmaille, dans les vignes
 Vous ferez bien de le voir. Je crois qu’il a quelque chose Ă  vous Mouret lui imposa silence de la main. Il n’avait plus ouvert les lĂšvres. Il rĂ©citait les priĂšres consacrĂ©es, en prenant le manipule, qu’il baisa, avant de le mettre Ă  son bras gauche, au-dessous du coude, comme un signe indiquant le travail des bonnes Ɠuvres, et en croisant sur sa poitrine, aprĂšs l’avoir Ă©galement baisĂ©e, l’étole, symbole de sa dignitĂ© et de sa puissance. La Teuse dut aider Vincent Ă  fixer la chasuble, qu’elle attacha Ă  l’aide de minces cordons, de façon Ă  ce qu’elle ne retombĂąt pas en arriĂšre.– Sainte Vierge ! j’ai oubliĂ© les burettes ! balbutia-t-elle, se prĂ©cipitant vers l’armoire. Allons, vite, galopin !Vincent emplit les burettes, des fioles de verre grossier, tandis qu’elle se hĂątait de prendre un manuterge propre, dans un tiroir. L’abbĂ© Mouret, tenant le calice de la main gauche par le nƓud, les doigts de la main droite posĂ©s sur la bourse, salua profondĂ©ment, sans ĂŽter sa barrette, un Christ de bois noir pendu au-dessus du buffet. L’enfant s’inclina Ă©galement ; puis, passant le premier, tenant les burettes, recouvertes du manuterge, il quitta la sacristie, suivi du prĂȘtre qui marchait les yeux baissĂ©s, dans une dĂ©votion vide, Ă©tait toute blanche, par cette matinĂ©e de mai. La corde, prĂšs du confessionnal, pendait de nouveau, immobile. La veilleuse, dans un verre de couleur, brĂ»lait, pareille Ă  une tache rouge, Ă  droite du tabernacle, contre le mur. Vincent, aprĂšs avoir portĂ© les burettes sur la crĂ©dence, revint s’agenouiller Ă  gauche, au bas du degrĂ©, tandis que le prĂȘtre, ayant saluĂ© le Saint-Sacrement d’une gĂ©nuflexion sur le pavĂ©, montait Ă  l’autel, Ă©talait le corporal, au milieu duquel il plaçait le calice. Puis, ouvrant le Missel, il redescendit. Une nouvelle gĂ©nuflexion le plia ; il se signa Ă  voix haute, joignit les mains devant la poitrine, commença le grand drame divin, d’une face toute pĂąle de foi et d’amour.– Introibo ad altare Dei.– Ad Deum qui lƓtificat juventutem meam, bredouilla Vincent, qui mangea les rĂ©ponds de l’antienne et du psaume, le derriĂšre sur les talons, occupĂ© Ă  suivre la Teuse rĂŽdant dans l’ vieille servante regardait un des cierges d’un air inquiet. Sa prĂ©occupation parut redoubler, pendant que le prĂȘtre, inclinĂ© profondĂ©ment, les mains jointes de nouveau, rĂ©citait le Confiteor. Elle s’arrĂȘta, se frappant Ă  son tour la poitrine, la tĂȘte penchĂ©e, continuant Ă  guetter le cierge. La voix grave du prĂȘtre et les balbutiements du servant alternĂšrent encore pendant un instant.– Dominus vobiscum.– Et cum spiritu le prĂȘtre, Ă©largissant les mains, puis les rejoignant, dit avec une componction attendrie – Oremus
La Teuse ne put tenir davantage. Elle passa derriĂšre l’autel, atteignit le cierge, qu’elle nettoya, du bout de ses ciseaux. Le cierge coulait. Il y avait dĂ©jĂ  deux grandes larmes de cire perdues. Quand elle revint, rangeant les bancs, s’assurant que les bĂ©nitiers n’étaient pas vides, le prĂȘtre, montĂ© Ă  l’autel, les mains posĂ©es au bord de la nappe, priait Ă  voix basse. Il baisa l’ lui, la petite Ă©glise restait blafarde des pĂąleurs de la matinĂ©e. Le soleil n’était encore qu’au ras des tuiles. Les Kyrie, eleison coururent comme un frisson dans cette sorte d’étable, passĂ©e Ă  la chaux, au plafond plat, dont on voyait les poutres badigeonnĂ©es. De chaque cĂŽtĂ©, trois hautes fenĂȘtres, Ă  vitres claires, fĂȘlĂ©es, crevĂ©es pour la plupart, ouvraient des jours d’une cruditĂ© crayeuse. Le plein air du dehors entrait lĂ  brutalement, mettant Ă  nu toute la misĂšre du Dieu de ce village perdu. Au fond, au-dessus de la grande porte, qu’on n’ouvrait jamais, et dont des herbes barraient le seuil, une tribune en planches, Ă  laquelle on montait par une Ă©chelle de meunier, allait d’une muraille Ă  l’autre, craquant sous les sabots les jours de fĂȘte. PrĂšs de l’échelle, le confessionnal, aux panneaux disjoints, Ă©tait peint en jaune citron. En face, Ă  cĂŽtĂ© de la petite porte, se trouvait le baptistĂšre, un ancien bĂ©nitier, posĂ© sur un pied en maçonnerie. Puis, Ă  droite et Ă  gauche, au milieu, Ă©taient plaquĂ©s deux minces autels, entourĂ©s de balustrades de bois. Celui de gauche, consacrĂ© Ă  la sainte Vierge, avait une grande MĂšre de Dieu en plĂątre dorĂ©, portant royalement une couronne d’or fermĂ©e sur ses cheveux chĂątains ; elle tenait, assis sur son bras gauche, un JĂ©sus, nu et souriant, dont la petite main soulevait le globe Ă©toilĂ© du monde ; elle marchait au milieu de nuages, avec des tĂȘtes d’anges ailĂ©es sous les pieds. L’autel de droite, oĂč se disaient les messes de mort, Ă©tait surmontĂ© d’un Christ en carton peint, faisant pendant Ă  la Vierge ; le Christ, de la grandeur d’un enfant de dix ans, agonisait d’une effrayante façon, la tĂȘte rejetĂ©e en arriĂšre, les cĂŽtes saillantes, le ventre creusĂ©, les membres tordus, Ă©claboussĂ©s de sang. Il y avait encore la chaire, une caisse carrĂ©e, oĂč l’on montait par un escabeau de cinq degrĂ©s, qui s’élevait vis-Ă -vis d’une horloge Ă  poids, enfermĂ©e dans une armoire de noyer, et dont les coups sourds Ă©branlaient l’église entiĂšre, pareils aux battements d’un cƓur Ă©norme, cachĂ© quelque part, sous les dalles. Tout le long de la nef, les quatorze stations du chemin de la Croix, quatorze images grossiĂšrement enluminĂ©es, encadrĂ©es de baguettes noires, tachaient du jaune, du bleu et du rouge de la Passion, la blancheur crue des murs.– Deo gratias, bĂ©gaya Vincent, Ă  la fin de l’ mystĂšre d’amour, l’immolation de la sainte victime se prĂ©parait. Le servant prit le Missel, qu’il porta Ă  gauche, du cĂŽtĂ© de l’Évangile, en ayant soin de ne point toucher les feuillets du livre. Chaque fois qu’il passait devant le tabernacle, il faisait de biais une gĂ©nuflexion qui lui dĂ©jetait la taille. Puis, revenu Ă  droite, il se tint debout, les bras croisĂ©s, pendant la lecture de l’Évangile. Le prĂȘtre, aprĂšs avoir fait un signe de croix sur le Missel, s’était signĂ© lui-mĂȘme au front, pour dire qu’il ne rougirait jamais de la parole divine ; sur la bouche, pour montrer qu’il Ă©tait toujours prĂȘt Ă  confesser sa foi ; sur son cƓur, pour indiquer que son cƓur appartenait Ă  Dieu seul.– Dominus vobiscum, dit-il en se tournant, le regard noyĂ©, en face des blancheurs froides de l’église.– Et cum spiritu tuo, rĂ©pondit Vincent, qui s’était remis Ă  avoir rĂ©citĂ© l’Offertoire, le prĂȘtre dĂ©couvrit le calice. Il tint un instant, Ă  la hauteur de sa poitrine, la patĂšne contenant l’hostie, qu’il offrit Ă  Dieu, pour lui, pour les assistants, pour tous les fidĂšles vivants ou morts. Puis, l’ayant fait glisser au bord du corporal, sans la toucher des doigts, il prit le calice, qu’il essuya soigneusement avec le purificatoire. Vincent Ă©tait allĂ© chercher sur la crĂ©dence les burettes, qu’il prĂ©senta l’une aprĂšs l’autre, la burette du vin d’abord, ensuite la burette de l’eau. Le prĂȘtre offrit alors, pour le monde entier, le calice Ă  demi plein, qu’il remit au milieu du corporal, oĂč il le recouvrit de la pale. Et, ayant priĂ© encore, il revint se faire verser de l’eau par minces filets sur les extrĂ©mitĂ©s du pouce et de l’index de chaque main, afin de se purifier des moindres taches du pĂ©chĂ©. Quand il se fut essuyĂ© au manuterge, la Teuse, qui attendait, vida le plateau des burettes dans un seau de zinc, au coin de l’autel.– Orate, fratres, reprit le prĂȘtre Ă  voix haute, tournĂ© vers les bancs vides, les mains Ă©largies et rejointes, dans un geste d’appel aux hommes de bonne se retournant devant l’autel, il continua, en baissant la voix. Vincent marmotta une longue phrase latine dans laquelle il se perdit. Ce fut alors que des flammes jaunes entrĂšrent par les fenĂȘtres. Le soleil, Ă  l’appel du prĂȘtre, venait Ă  la messe. Il Ă©claira de larges nappes dorĂ©es la muraille gauche, le confessionnal, l’autel de la Vierge, la grande horloge. Un craquement secoua le confessionnal ; la MĂšre de Dieu, dans une gloire, dans l’éblouissement de sa couronne et de son manteau d’or, sourit tendrement Ă  l’enfant JĂ©sus, de ses lĂšvres peintes ; l’horloge, rĂ©chauffĂ©e, battit l’heure, Ă  coups plus vifs. Il sembla que le soleil peuplait les bancs des poussiĂšres qui dansaient dans ses rayons. La petite Ă©glise, l’étable blanchie, fut comme pleine d’une foule tiĂšde. Au-dehors, on entendait les petits bruits du rĂ©veil heureux de la campagne, les herbes qui soupiraient d’aise, les feuilles s’essuyant dans la chaleur, les oiseaux lissant leurs plumes, donnant un premier coup d’ailes. MĂȘme la campagne entrait avec le soleil Ă  une des fenĂȘtres, un gros sorbier se haussait, jetant des branches par les carreaux cassĂ©s, allongeant ses bourgeons, comme pour regarder Ă  l’intĂ©rieur ; et, par les fentes de la grande porte, on voyait les herbes du perron, qui menaçaient d’envahir la nef. Seul, au milieu de cette vie montante, le grand Christ, restĂ© dans l’ombre, mettait la mort, l’agonie de sa chair barbouillĂ©e d’ocre, Ă©claboussĂ©e de laque. Un moineau vint se poser au bord d’un trou ; il regarda, puis s’envola ; mais il reparut presque aussitĂŽt, et, d’un vol silencieux, s’abattit entre les bancs, devant l’autel de la Vierge. Un second moineau le suivit. BientĂŽt, de toutes les branches du sorbier, des moineaux descendirent, se promenant tranquillement Ă  petits sauts, sur les dalles.– Sanctus, Sanctus, Sanctus, Dominus, Deus, Sabaoth, dit le prĂȘtre Ă  demi-voix, les Ă©paules lĂ©gĂšrement donna les trois coups de clochette. Mais les moineaux, effrayĂ©s de ce tintement brusque, s’envolĂšrent avec un tel bruit d’ailes, que la Teuse, rentrĂ©e depuis un instant dans la sacristie, reparut, en grondant – Les gueux ! ils vont tout salir
 Je parie que mademoiselle DĂ©sirĂ©e est encore venue leur mettre des mies de redoutable approchait. Le corps et le sang d’un Dieu allait descendre sur l’autel. Le prĂȘtre baisait la nappe, joignait les mains, multipliait les signes de croix sur l’hostie et sur le calice. Les priĂšres du canon ne tombaient plus de ses lĂšvres que dans une extase d’humilitĂ© et de reconnaissance. Ses attitudes, ses gestes, ses inflexions de voix, disaient le peu qu’il Ă©tait, l’émotion qu’il Ă©prouvait Ă  ĂȘtre choisi pour une si grande tĂąche. Vincent vint s’agenouiller derriĂšre lui ; il prit la chasuble de la main gauche, la soutint lĂ©gĂšrement, apprĂȘtant la clochette. Et lui, les coudes appuyĂ©s au bord de la table, tenant l’hostie entre le pouce et l’index de chaque main, prononça sur elle les paroles de la consĂ©cration Hoc est enim corpus meum. Puis, ayant fait une gĂ©nuflexion, il l’éleva lentement, aussi haut qu’il put, en la suivant des yeux, pendant que le servant sonnait, Ă  trois fois, prosternĂ©. Il consacra ensuite le vin Hic est enim calix, les coudes de nouveau sur l’autel, saluant, Ă©levant le calice, le suivant Ă  son tour des yeux, la main droite serrant le nƓud, la gauche soutenant le pied. Le servant donna trois derniers coups de clochette. Le grand mystĂšre de la RĂ©demption venait d’ĂȘtre renouvelĂ©, le Sang adorable coulait une fois de plus.– Attendez, attendez, gronda la Teuse, en tĂąchant d’effrayer les moineaux, le poing les moineaux n’avaient plus peur. Ils Ă©taient revenus, au beau milieu des coups de clochette, effrontĂ©s, voletant sur les bancs. Les tintements rĂ©pĂ©tĂ©s les avaient mĂȘme mis en joie. Ils rĂ©pondirent par de petits cris, qui coupaient les paroles latines d’un rire perlĂ© de gamins libres. Le soleil leur chauffait les plumes, la pauvretĂ© douce de l’église les enchantait. Ils Ă©taient lĂ  chez eux, comme dans une grange, dont on aurait laissĂ© une lucarne ouverte, piaillant, se battant, se disputant les mies rencontrĂ©es Ă  terre. Un d’eux alla se poser sur le voile d’or de la Vierge qui souriait ; un autre vint, lestement, reconnaĂźtre les jupes de la Teuse, que cette audace mit hors d’elle. À l’autel, le prĂȘtre anĂ©anti, les yeux arrĂȘtĂ©s sur la sainte hostie, le pouce et l’index joints, n’entendait point cet envahissement de la nef par la tiĂšde matinĂ©e de mai, ce flot montant de soleil, de verdures, d’oiseaux, qui dĂ©bordait jusqu’au pied du Calvaire oĂč la nature damnĂ©e agonisait.– Per omnia sƓcula sƓculorum, dit-il.– Amen, rĂ©pondit Pater achevĂ©, le prĂȘtre, mettant l’hostie au-dessus du calice, la rompit au milieu. Il dĂ©tacha ensuite, d’une des moitiĂ©s, une particule qu’il laissa tomber dans le prĂ©cieux Sang, pour marquer l’union intime qu’il allait contracter avec Dieu par la communion. Il dit Ă  haute voix l’Agnus Dei, rĂ©cita tout bas les trois Oraisons prescrites, fit son acte d’indignitĂ© ; et, les coudes sur l’autel, la patĂšne sous le menton, il communia des deux parties de l’hostie Ă  la fois. Puis, aprĂšs avoir joint les mains Ă  la hauteur de son visage, dans une fervente mĂ©ditation, il recueillit sur le corporal, Ă  l’aide de la patĂšne, les saintes parcelles dĂ©tachĂ©es de l’hostie, qu’il mit dans le calice. Une parcelle s’étant Ă©galement attachĂ©e Ă  son pouce, il le frotta du bout de son index. Et, se signant avec le calice, portant de nouveau la patĂšne sous son menton, il prit tout le prĂ©cieux Sang, en trois fois, sans quitter des lĂšvres le bord de la coupe, consommant jusqu’à la derniĂšre goutte le divin s’était levĂ© pour retourner chercher les burettes sur la crĂ©dence. Mais la porte du couloir qui conduisait au presbytĂšre, s’ouvrit toute grande, se rabattit contre le mur, livrant passage Ă  une belle fille de vingt-deux ans, l’air enfant, qui cachait quelque chose dans son tablier.– Il y en a treize ! cria-t-elle. Tous les Ɠufs Ă©taient bons !Et entrouvrant son tablier, montrant une couvĂ©e de poussins qui grouillaient, avec leurs plumes naissantes et les points noirs de leurs yeux – Regardez donc ! sont-ils mignons, les amours !
 Oh ! le petit blanc qui monte sur le dos des autres ! Et celui-lĂ , le mouchetĂ©, qui bat dĂ©jĂ  des ailes !
 Les Ɠufs Ă©taient joliment bons. Pas un de clair !La Teuse, qui aidait Ă  la messe quand mĂȘme, passant les burettes Ă  Vincent pour les ablutions, se tourna, dit Ă  haute voix – Taisez-vous donc, mademoiselle DĂ©sirĂ©e ! Vous voyez bien que nous n’avons pas odeur forte de basse-cour venait par la porte ouverte, soufflant comme un ferment d’éclosion dans l’église, dans le soleil chaud qui gagnait l’autel. DĂ©sirĂ©e resta un instant debout, toute heureuse du petit monde qu’elle portait, regardant Vincent verser le vin de la purification, regardant son frĂšre boire ce vin, pour que rien des saintes espĂšces ne restĂąt dans sa bouche. Et elle Ă©tait encore lĂ , lorsqu’il revint tenant le calice Ă  deux mains, afin de recevoir sur le pouce et sur l’index, le vin et l’eau de l’ablution, qu’il but Ă©galement. Mais la poule, cherchant ses petits, arrivait en gloussant, menaçait d’entrer dans l’église. Alors, DĂ©sirĂ©e s’en alla, avec des paroles maternelles pour les poussins, au moment oĂč le prĂȘtre, aprĂšs avoir appuyĂ© le purificatoire sur ses lĂšvres, le passait sur les bords, puis dans l’intĂ©rieur du la fin, les actions de grĂące rendues Ă  Dieu. Le servant alla chercher une derniĂšre fois le Missel, le rapporta Ă  droite. Le prĂȘtre remit sur le calice le purificatoire, la patĂšne, la pale ; puis, il pinça de nouveau les deux larges plis du voile, et posa la bourse, dans laquelle il avait pliĂ© le corporal. Tout son ĂȘtre Ă©tait un ardent remerciement. Il demandait au ciel la rĂ©mission de ses pĂ©chĂ©s, la grĂące d’une sainte vie, le mĂ©rite de la vie Ă©ternelle. Il restait abĂźmĂ© dans ce miracle d’amour, dans cette immolation continue qui le nourrissait chaque jour du sang et de la chair de son avoir lu les Oraisons, il se tourna, disant – Ite, missa est.– Deo gratias, rĂ©pondit s’étant retournĂ© pour baiser l’autel, il revint, la main gauche audessous de la poitrine, la main droite tendue, bĂ©nissant l’église pleine des gaietĂ©s du soleil et du tapage des moineaux.– Benedicat vos omnipotens Deus, Pater et Filius, et Spiritus Sanctus.– Amen, dit le servant en se soleil avait grandi, et les moineaux s’enhardissaient. Pendant que le prĂȘtre lisait, sur le carton de gauche, l’Évangile de Saint-Jean, annonçant l’éternitĂ© du Verbe, le soleil enflammait l’autel, blanchissait les panneaux de faux-marbre, mangeait les clartĂ©s des deux cierges, dont les courtes mĂšches ne faisaient plus que deux taches sombres. L’astre triomphant mettait dans sa gloire la croix, les chandeliers, la chasuble, le voile du calice, tout cet or pĂąlissant sous ses rayons. Et lorsque le prĂȘtre, prenant le calice, faisant une gĂ©nuflexion, quitta l’autel pour retourner Ă  la sacristie, la tĂȘte couverte, prĂ©cĂ©dĂ© du servant qui remportait les burettes et le manuterge, l’astre demeura seul maĂźtre de l’église. Il s’était posĂ© Ă  son tour sur la nappe, allumant d’une splendeur la porte du tabernacle, cĂ©lĂ©brant les fĂ©conditĂ©s de mai. Une chaleur montait des dalles. Les murailles badigeonnĂ©es, la grande Vierge, le grand Christ lui-mĂȘme, prenaient un frisson de sĂšve, comme si la mort Ă©tait vaincue par l’éternelle jeunesse de la Teuse se hĂąta d’éteindre les cierges. Mais elle s’attarda Ă  vouloir chasser les moineaux. Aussi, quand elle rapporta le Missel Ă  la sacristie, ne trouva-t-elle plus l’abbĂ© Mouret, qui avait rangĂ© les ornements sacrĂ©s, aprĂšs s’ĂȘtre lavĂ© les mains. Il Ă©tait dĂ©jĂ  dans la salle Ă  manger, debout, dĂ©jeunant d’une tasse de lait.– Vous devriez bien empĂȘcher votre sƓur de jeter du pain dans l’église, dit la Teuse en entrant. C’est l’hiver dernier qu’elle a inventĂ© ce joli coup-lĂ . Elle disait que les moineaux avaient froid, que le bon Dieu pouvait bien les nourrir
 Vous verrez qu’elle finira par nous faire coucher avec ses poules et ses lapins.– Nous aurions plus chaud, rĂ©pondit gaiement le jeune prĂȘtre. Vous grondez toujours, la Teuse. Laissez donc notre pauvre DĂ©sirĂ©e aimer ses bĂȘtes. Elle n’a pas d’autre plaisir, la chĂšre servante se planta au milieu de la piĂšce.– Oh ! vous ! reprit-elle, vous accepteriez que les pies elles-mĂȘmes bĂątissent leurs nids dans l’église. Vous ne voyez rien, vous trouvez tout parfait
 Votre sƓur est joliment heureuse que vous l’ayez prise avec vous, au sortir du sĂ©minaire. Pas de pĂšre, pas de mĂšre. Je voudrais savoir qui lui permettrait de patauger comme elle le fait, dans une basse-cour ?Puis, changeant de ton, s’attendrissant – Ça, bien sĂ»r, ce serait dommage de la contrarier. Elle est sans malice aucune. Elle n’a pas dix ans d’ñge, bien qu’elle soit une des plus fortes filles du pays
 Vous savez, je la couche encore, le soir, et il faut que je lui raconte des histoires pour l’endormir, comme Ă  une Mouret Ă©tait restĂ© debout, achevant sa tasse de lait, les doigts un peu rougis par la fraĂźcheur de la salle Ă  manger, une grande piĂšce carrelĂ©e, peinte en gris, sans autres meubles qu’une table et des chaises. La Teuse enleva une serviette, qu’elle avait Ă©talĂ©e sur un coin de la table, pour le dĂ©jeuner.– Vous ne salissez guĂšre de linge, murmura-t-elle. On dirait que vous ne pouvez pas vous asseoir, que vous ĂȘtes toujours sur le point de partir
 Ah ! si vous aviez connu monsieur Caffin, le pauvre dĂ©funt curĂ© que vous avez remplacĂ© ! VoilĂ  un homme qui Ă©tait douillet ! Il n’aurait pas digĂ©rĂ©, s’il avait mangĂ© debout
 C’était un Normand, de Canteleu, comme moi. Oh ! je ne le remercie pas de m’avoir amenĂ© dans ce pays de loups. Les premiers temps, nous sommes-nous ennuyĂ©s, bon Dieu ! Le pauvre curĂ© avait eu des histoires bien dĂ©sagrĂ©ables chez nous
 Tiens ! monsieur Mouret, vous n’avez donc pas sucrĂ© votre lait ? VoilĂ  les deux morceaux de prĂȘtre posait sa tasse.– Oui, j’ai oubliĂ©, je crois, Teuse le regarda en face, en haussant les Ă©paules. Elle plia dans la serviette une tartine de pain bis qui Ă©tait Ă©galement restĂ©e sur la table. Puis, comme le curĂ© allait sortir, elle courut Ă  lui, s’agenouilla, en criant – Attendez, les cordons de vos souliers ne sont seulement pas nouĂ©s
 Je ne sais pas comment vos pieds rĂ©sistent, dans ces souliers de paysans. Vous, si mignon, qui avez l’air d’avoir Ă©tĂ© drĂŽlement gĂątĂ© !
 Allez, il fallait que l’évĂȘque vous connĂ»t bien, pour vous donner la cure la plus pauvre du dĂ©partement.– Mais, dit le prĂȘtre en souriant de nouveau, c’est moi qui ai choisi les Artaud
 Vous ĂȘtes bien mauvaise, ce matin, la Teuse. Est-ce que nous ne sommes pas heureux, ici ? Nous avons tout ce qu’il nous faut, nous vivons dans une paix de elle se contint, elle rit Ă  son tour, rĂ©pondant – Vous ĂȘtes un saint homme, monsieur le curé  Venez voir comme ma lessive est grasse. Ça vaudra mieux que de nous dut la suivre, car elle menaçait de ne pas le laisser sortir, s’il ne la complimentait sur sa lessive. Il quittait la salle Ă  manger, lorsqu’il se heurta Ă  un plĂątras, dans le corridor.– Qu’est-ce donc ? demanda-t-il.– Rien, rĂ©pondit la Teuse, de son air terrible. C’est le presbytĂšre qui tombe. Mais vous vous trouvez bien, vous avez tout ce qu’il vous faut
 Ah ! Dieu, les crevasses ne manquent pas. Regardez-moi ce plafond. Est-il assez fendu ! Si nous ne sommes pas Ă©crasĂ©s un de ces jours, nous devrons un fameux cierge Ă  notre ange gardien. Enfin, puisque ça vous convient
 C’est comme l’église. Il y a deux ans qu’on aurait dĂ» remettre les carreaux cassĂ©s. L’hiver, le bon Dieu gĂšle. Puis, ça empĂȘcherait d’entrer ces gueux de moineaux. Je finirai par coller du papier, moi, je vous en avertis.– Eh ! c’est une idĂ©e, murmura le prĂȘtre, on pourrait coller du papier
 Quant aux murs, ils sont plus solides qu’on ne croit. Dans ma chambre, le plancher a flĂ©chi seulement devant la fenĂȘtre. La maison nous enterrera sous le petit hangar, prĂšs de la cuisine, il s’extasia sur l’excellence de la lessive, voulant faire plaisir Ă  la Teuse ; il fallut mĂȘme qu’il la sentit, qu’il mit les doigts dedans. Alors, la vieille femme, enchantĂ©e, se montra maternelle. Elle ne gronda plus, elle courut chercher une brosse, disant – Vous n’allez peut-ĂȘtre pas sortir avec de la boue d’hier Ă  votre soutane ! Si vous l’aviez laissĂ©e sur la rampe, elle serait propre
 Elle est encore bonne, cette soutane. Seulement, relevez-la bien, quand vous traversez un champ. Les chardons dĂ©chirent elle le faisait tourner, comme un enfant, le secouant des pieds Ă  la tĂȘte, sous les coups violents de la brosse.– La, la, c’est assez, dit-il en s’échappant. Veillez sur DĂ©sirĂ©e, n’est-ce pas ? Je vais lui dire que je Ă  ce moment, une voix claire appela – Serge ! Serge !DĂ©sirĂ©e arrivait en courant, toute rouge de joie, tĂȘte nue, ses cheveux noirs nouĂ©s puissamment sur la nuque, avec des mains et des bras couverts de fumier, jusqu’aux coudes. Elle nettoyait ses poules. Quand elle vit son frĂšre sur le point de sortir, son brĂ©viaire sous le bras, elle rit plus fort, l’embrassant Ă  pleine bouche, rejetant les mains en arriĂšre, pour ne pas le toucher.– Non, non, balbutiait-elle, je te salirais
 Oh ! je m’amuse ! Tu verras les bĂȘtes, quand tu elle se sauva. L’abbĂ© Mouret dit qu’il rentrerait vers onze heures, pour le dĂ©jeuner. Il partait, lorsque la Teuse, qui l’avait accompagnĂ© jusqu’au seuil, lui cria ses derniĂšres recommandations.– N’oubliez pas de voir FrĂšre Archangias
 Passez aussi chez les Brichet ; la femme est venue hier, toujours pour ce mariage
 Monsieur le curĂ©, Ă©coutez donc ! J’ai rencontrĂ© la Rosalie. Elle ne demanderait pas mieux, elle, que d’épouser le grand FortunĂ©. Parlez au pĂšre Bambousse, peut-ĂȘtre qu’il vous Ă©coutera maintenant
 Et ne revenez pas Ă  midi, comme l’autre jour. À onze heures, dites, Ă  onze heures, n’est-ce pas ?Mais le prĂȘtre ne se tournait plus. Elle rentra, en disant entre ses dents – Si vous croyez qu’il m’écoute !
 Ça n’a pas vingt-six ans, et ça n’en fait qu’à sa tĂȘte. Bien sĂ»r, il en remontrerait pour la saintetĂ© Ă  un homme de soixante ans ; mais il n’a point vĂ©cu, il ne sait rien, il n’a pas de peine Ă  ĂȘtre sage comme un chĂ©rubin, ce l’abbĂ© Mouret ne sentit plus la Teuse derriĂšre lui, il s’arrĂȘta, heureux d’ĂȘtre enfin seul. L’église Ă©tait bĂątie sur un tertre peu Ă©levĂ©, qui descendait en pente douce jusqu’au village ; elle s’allongeait, pareille Ă  une bergerie abandonnĂ©e, percĂ©e de larges fenĂȘtres, Ă©gayĂ©e par des tuiles rouges. Le prĂȘtre se retourna, jetant un coup d’Ɠil sur le presbytĂšre, une masure grisĂątre, collĂ©e au flanc mĂȘme de la nef ; puis, comme s’il eĂ»t craint d’ĂȘtre repris par l’intarissable bavardage bourdonnant Ă  ses oreilles depuis le matin, il remonta Ă  droite, il ne se crut en sĂ»retĂ© que devant le grand portail, oĂč l’on ne pouvait l’apercevoir de la cure. La façade de l’église, toute nue, rongĂ©e par les soleils et les pluies, Ă©tait surmontĂ©e d’une Ă©troite cage en maçonnerie, au milieu de laquelle une petite cloche mettait son profil noir ; on voyait le bout de la corde, entrant dans les tuiles. Six marches rompues, Ă  demi enterrĂ©es par un bout, menaient Ă  la haute porte ronde, crevassĂ©e, mangĂ©e de poussiĂšre, de rouille, de toiles d’araignĂ©es, si lamentable sur ses gonds rompus, que les coups de vent semblaient devoir entrer, au premier souffle. L’abbĂ© Mouret, qui avait des tendresses pour cette ruine, alla s’adosser contre un des vantaux, sur le perron. De lĂ , il embrassait d’un coup d’Ɠil tout le pays. Les mains aux yeux, il regarda, il chercha au loin.– Bambousse doit ĂȘtre Ă  sa terre des Olivettes, mai, une vĂ©gĂ©tation formidable, que brĂ»lerait bientĂŽt le ciel ardent de juin, crevait ce sol de cailloux. Des lavandes colossales, des buissons de genĂ©vriers, des nappes d’herbes rudes, montaient sur le perron, plantaient des bouquets de verdure sombre jusque sur les tuiles. La premiĂšre poussĂ©e de la sĂšve menaçait d’emporter l’église, dans le dur taillis des plantes noueuses, qui se coulaient au bord des moindres fissures, qui arrachaient les pierres sous les longs doigts nerveux de leurs racines. À cette heure matinale, en plein travail de croissance, c’était un bourdonnement de chaleur, un long effort silencieux soulevant les roches d’un frisson. Mais l’abbĂ© ne sentait pas l’entĂȘtement de vie, l’ardeur de ces couches laborieuses ; il crut que la marche basculait ; il s’adossa Ă  l’autre battant de la porte, cherchant toujours au pays s’étendait Ă  deux lieues, fermĂ© par un mur de collines jaunes, que des bois de pins tachaient de noir ; pays terrible aux landes sĂ©chĂ©es, aux arĂȘtes rocheuses dĂ©chirant le sol. Les quelques coins de terre labourable Ă©talaient des mares saignantes, des champs rouges, oĂč s’alignaient des files d’amandiers maigres, des tĂȘtes grises d’oliviers, des traĂźnĂ©es de vignes, rayant la campagne de leurs souches brunes. On aurait dit qu’un immense incendie avait passĂ© lĂ , semant sur les hauteurs les cendres des forĂȘts, brĂ»lant les prairies, laissant son Ă©clat et sa chaleur de fournaise dans les creux. À peine, de loin en loin, le vert pĂąle d’un carrĂ© de blĂ© mettait-il une note tendre. L’horizon restait farouche, sans un filet d’eau, mourant de soif, s’envolant par grandes poussiĂšres aux moindres haleines. Et, tout au bout, par un coin Ă©croulĂ© des collines de l’horizon, on apercevait un lointain de verdures humides, une Ă©chappĂ©e de la vallĂ©e voisine, que fĂ©condait la Viorne, une riviĂšre descendue des gorges de la Mouret, ne trouvant pas ce qu’il cherchait au loin, les yeux Ă©blouis, abaissa les regards sur le village, dont les quelques maisons s’en allaient Ă  la dĂ©bandade, en bas de l’église. MisĂ©rables maisons, faites de pierres sĂšches et de planches maçonnĂ©es, jetĂ©es le long d’un Ă©troit chemin, sans rues indiquĂ©es. Elles Ă©taient au nombre d’une trentaine, les unes tassĂ©es dans le fumier, noires de misĂšre, les autres plus vastes, plus gaies, avec leurs tuiles roses. Des bouts de jardin, conquis sur le roc, Ă©talaient des carrĂ©s de lĂ©gumes, coupĂ©s de haies vives. À cette heure, les Artaud Ă©taient vides ; pas une femme aux fenĂȘtres, pas un enfant vautrĂ© dans la poussiĂšre ; seules, des bandes de poules allaient et venaient, fouillant la paille, quĂȘtant jusqu’au seuil des maisons, dont les portes laissĂ©es ouvertes bĂąillaient complaisamment au soleil. Un grand chien noir, assis sur son derriĂšre, Ă  l’entrĂ©e du village, semblait le garder.– Voriau ! Voriau ! appela le le chien ne bougea pas. Une paresse engourdissait peu Ă  peu l’abbĂ© Mouret. Le soleil montant le baignait d’une telle tiĂ©deur, qu’il se laissait aller contre la porte de l’église, envahi par une paix heureuse. Il songeait Ă  ce village des Artaud, poussĂ© lĂ , dans les pierres, ainsi qu’une des vĂ©gĂ©tations noueuses qui l’entouraient. Tous les habitants Ă©taient parents, tous portaient le mĂȘme nom, si bien qu’ils prenaient des surnoms dĂšs le berceau, pour se distinguer entre eux. Un ancĂȘtre, un Artaud, Ă©tait venu, qui s’était fixĂ© au milieu de cette lande, comme un paria ; puis, sa famille avait grandi, avec la vitalitĂ© farouche des herbes qui sucent la vie des rochers ; sa famille avait fini par ĂȘtre toute une tribu, toute une commune, dont les cousinages se perdaient, remontaient Ă  des siĂšcles. C’était, au fond de cette ceinture dĂ©solĂ©e de collines, un peuple Ă  part, une race nĂ©e du sol, une humanitĂ© de cent cinquante tĂȘtes qui semblait recommencer les gardait toute l’ombre morte du sĂ©minaire. Il voulait rester dans la clartĂ© effacĂ©e de sa cellule, dans le silence des corridors, dans le recueillement de cet ancien couvent de Plassans, oĂč pas un souffle ne vivait. Pendant des annĂ©es, il n’avait pas connu le soleil. Il l’ignorait mĂȘme encore, les yeux fermĂ©s, fixĂ©s sur l’ñme, n’ayant que du mĂ©pris pour la nature damnĂ©e. Longtemps, aux heures de recueillement, lorsque la mĂ©ditation le prosternait, il avait rĂȘvĂ© un dĂ©sert d’ermite, quelque trou dans une montagne, oĂč rien de la vie, ni ĂȘtre, ni plante, ni eau, ne le viendrait distraire de la contemplation de Dieu. C’était un Ă©lan d’amour pur, une horreur de la sensation physique. LĂ , mourant Ă  lui-mĂȘme, le dos tournĂ© Ă  la lumiĂšre, il aurait attendu de n’ĂȘtre plus, de se perdre dans la souveraine blancheur des Ăąmes. Le ciel lui apparaissait tout blanc, d’un blanc de lumiĂšre, comme s’il neigeait des lis, comme si toutes les puretĂ©s, toutes les innocences, toutes les chastetĂ©s flambaient. Mais son confesseur le grondait, quand il lui racontait ses dĂ©sirs de solitude, ses besoins de candeur divine ; il le rappelait aux luttes de l’église, aux nĂ©cessitĂ©s du sacerdoce. Plus tard, aprĂšs son ordination, le jeune prĂȘtre Ă©tait venu aux Artaud, sur sa propre demande, avec l’espoir de rĂ©aliser son rĂȘve d’anĂ©antissement humain. Au milieu de cette misĂšre, sur ce sol stĂ©rile, il pourrait se boucher les oreilles aux bruits du monde, il vivrait dans l’oubli, dans le sommeil des saints. Et, depuis plusieurs mois, en effet, il demeurait souriant ; Ă  peine un frisson du village le troublait-il de loin en loin ; Ă  peine une morsure plus chaude du soleil le prenait-elle Ă  la nuque, lorsqu’il suivait les sentiers, tout au ciel, sans entendre l’enfantement continu au milieu duquel il venait de se dĂ©cider Ă  monter auprĂšs de l’abbĂ© Mouret. Il s’était assis de nouveau sur son derriĂšre, Ă  ses pieds. Mais celui-ci restait perdu dans la douceur du matin. La veille, il avait commencĂ© les exercices du Rosaire de Marie ; il attribuait la grande joie qui descendait en lui Ă  l’intercession de la Vierge auprĂšs de son divin Fils. Et que les biens de la terre lui semblaient mĂ©prisables ! Avec quelle reconnaissance il se sentait pauvre ! En entrant dans les ordres, ayant perdu son pĂšre et sa mĂšre le mĂȘme jour, Ă  la suite d’un drame dont il ignorait encore les Ă©pouvantes, il avait laissĂ© Ă  un frĂšre aĂźnĂ© toute la fortune. Il ne tenait plus au monde que par sa sƓur. Il s’était chargĂ© d’elle, pris d’une sorte de tendresse religieuse pour sa tĂȘte faible. La chĂšre innocente Ă©tait si puĂ©rile, si petite fille, qu’elle lui apparaissait avec la puretĂ© de ces pauvres d’esprit, auxquels l’Évangile accorde le royaume des cieux. Cependant, elle l’inquiĂ©tait depuis quelque temps ; elle devenait trop forte, trop saine ; elle sentait trop la vie. Mais c’était Ă  peine un malaise. Il passait ses journĂ©es dans l’existence intĂ©rieure qu’il s’était faite, ayant tout quittĂ© pour se donner entier. Il fermait la porte de ses sens, cherchait Ă  s’affranchir des nĂ©cessitĂ©s du corps, n’était plus qu’une Ăąme ravie par la contemplation. La nature ne lui prĂ©sentait que piĂšges, qu’ordures ; il mettait sa gloire Ă  lui faire violence, Ă  la mĂ©priser, Ă  se dĂ©gager de sa boue humaine. Le juste doit ĂȘtre insensĂ© selon le monde. Aussi se regardait-il comme un Ă©tranger, comme un exilĂ© sur la terre, n’envisageant que les biens cĂ©lestes, ne pouvant comprendre qu’on mĂźt en balance une Ă©ternitĂ© de fĂ©licitĂ© avec quelques heures d’une joie pĂ©rissable. Sa raison le trompait, ses dĂ©sirs mentaient. Et s’il avançait dans la vertu, c’était surtout par son humilitĂ© et son obĂ©issance. Il voulait ĂȘtre le dernier de tous, soumis Ă  tous, pour que la rosĂ©e divine tombĂąt sur son cƓur comme sur un sable aride ; il se disait couvert d’opprobre et de confusion, indigne Ă  jamais d’ĂȘtre sauvĂ© du pĂ©chĂ©, n’espĂ©rant que dans la bontĂ© du ciel. Être humble, c’est croire, c’est aimer. Il ne dĂ©pendait mĂȘme plus de lui-mĂȘme, aveugle, sourd, chair morte. Il Ă©tait la chose de Dieu. Alors, de cette abjection oĂč il s’enfonçait, un hosanna l’emportait au-dessus des heureux et des puissants, dans le resplendissement d’un bonheur sans Artaud, l’abbĂ© Mouret avait ainsi trouvĂ© les ravissements du cloĂźtre, si ardemment souhaitĂ©s jadis, Ă  chacune de ses lectures de l’Imitation. Rien en lui n’avait encore combattu. Il Ă©tait parfait, dĂšs le premier agenouillement, sans lutte, sans secousse, comme foudroyĂ© par la grĂące, dans l’oubli absolu de sa chair. Extase de l’approche de Dieu que connaissent quelques jeunes prĂȘtres ; heure bienheureuse oĂč tout se tait, oĂč les dĂ©sirs ne sont qu’un immense besoin de puretĂ©. Il n’avait mis sa consolation chez aucune crĂ©ature. Lorsqu’on croit qu’une chose est tout, on ne saurait ĂȘtre Ă©branlĂ©, et il croyait que Dieu Ă©tait tout, que son humilitĂ©, son obĂ©issance, sa chastetĂ©, Ă©taient tout. Il se souvenait d’avoir entendu parler de la tentation comme d’une torture abominable qui Ă©prouve les plus saints. Lui, souriait. Dieu ne l’avait jamais abandonnĂ©. Il marchait dans sa foi, ainsi que dans une cuirasse qui le protĂ©geait contre les moindres souffles mauvais. Il se rappelait qu’à huit ans il pleurait d’amour, dans les coins ; il ne savait pas qui il aimait ; il pleurait parce qu’il aimait quelqu’un, bien loin. Toujours il Ă©tait restĂ© attendri. Plus tard, il avait voulu ĂȘtre prĂȘtre, pour satisfaire ce besoin d’affection surhumaine qui faisait son seul tourment. Il ne voyait pas oĂč aimer davantage. Il contentait lĂ  son ĂȘtre, ses prĂ©dispositions de race, ses rĂȘves d’adolescent, ses premiers dĂ©sirs d’homme. Si la tentation devait venir, il l’attendait avec sa sĂ©rĂ©nitĂ© de sĂ©minariste ignorant. On avait tuĂ© l’homme en lui, il le sentait, il Ă©tait heureux de se savoir Ă  part, crĂ©ature chĂątrĂ©e, dĂ©viĂ©e, marquĂ©e de la tonsure ainsi qu’une brebis du le soleil chauffait la grande porte de l’église. Des mouches dorĂ©es bourdonnaient autour d’une grande fleur qui poussait entre deux des marches du perron. L’abbĂ© Mouret, un peu Ă©tourdi, se dĂ©cidait Ă  s’éloigner, lorsque Voriau s’élança, en aboyant violemment, vers la grille du petit cimetiĂšre, qui se trouvait Ă  gauche de l’église. En mĂȘme temps, une voix Ăąpre cria – Ah ! vaurien, tu manques l’école, et c’est dans le cimetiĂšre qu’on te trouve !
 Ne dis pas non ! Il y a un quart d’heure que je te prĂȘtre s’avança. Il reconnut Vincent, qu’un FrĂšre des Ă©coles chrĂ©tiennes tenait rudement par une oreille. L’enfant se trouvait comme suspendu au-dessus d’un gouffre qui longeait le cimetiĂšre, et au fond duquel coulait le Mascle, un torrent dont les eaux blanches allaient, Ă  deux lieues de lĂ , se jeter dans la Viorne.– FrĂšre Archangias ! dit doucement l’abbĂ©, pour inviter le terrible homme Ă  l’ le FrĂšre ne lĂąchait pas l’oreille.– Ah ! c’est vous, monsieur le curĂ©, gronda-t-il. Imaginez-vous que ce gredin est toujours fourrĂ© dans le cimetiĂšre. Je ne sais pas quel mauvais coup il peut faire ici
 Je devrais le lĂącher pour qu’il allĂąt se casser la tĂȘte, lĂ -bas, au fond. Ce serait bien ne soufflait mot, cramponnĂ© aux broussailles, les yeux sournoisement fermĂ©s.– Prenez garde, FrĂšre Archangias, reprit le prĂȘtre ; il pourrait il aida lui-mĂȘme Vincent Ă  remonter.– Voyons, mon petit ami, que faisais-tu lĂ  ? On ne doit pas jouer dans les galopin avait ouvert les yeux, s’écartant peureusement du FrĂšre, se mettant sous la protection de l’abbĂ© Mouret.– Je vais vous dire, murmura-t-il en levant sa tĂȘte futĂ©e vers celui-ci. Il y a un nid de fauvettes dans les ronces, dessous cette roche. Voici plus de dix jours que je le guette
 Alors, comme les petits sont Ă©clos, je suis venu, ce matin, aprĂšs avoir servi votre messe
– Un nid de fauvettes ! dit FrĂšre Archangias. Attends, attends !Il s’écarta, chercha sur une tombe une motte de terre, qu’il revint jeter dans les ronces. Mais il manqua le nid. Une seconde motte lancĂ©e plus adroitement bouscula le frĂȘle berceau, jeta les petits au torrent.– De cette façon, continua-t-il en se tapant les mains pour les essuyer, tu ne viendras peut-ĂȘtre plus rĂŽder ici comme un paĂŻen
 Les morts iront te tirer les pieds, la nuit, si tu marches encore sur qui avait ri de voir le nid faire le plongeon, regarda autour de lui, avec le haussement d’épaules d’un esprit fort.– Oh ! je n’ai pas peur, dit-il. Les morts, ça ne bouge cimetiĂšre, en effet, n’avait rien d’effrayant. C’était un terrain nu, oĂč d’étroites allĂ©es se perdaient sous l’envahissement des herbes. Des renflements bossuaient la terre, de place en place. Une seule pierre, debout, toute neuve, la pierre de l’abbĂ© Caffin, mettait sa dĂ©coupure blanche, au milieu. Rien autre que des bras de croix arrachĂ©s, des buis sĂ©chĂ©s, de vieilles dalles enterrĂ©es, mangĂ©es de mousse. On n’enterrait pas deux fois l’an. La mort ne semblait point habiter ce sol vague, oĂč la Teuse venait, chaque soir, emplir son tablier d’herbe pour les lapins de DĂ©sirĂ©e. Un cyprĂšs gigantesque, plantĂ© Ă  la porte, promenait seul son ombre sur le champ dĂ©sert. Ce cyprĂšs, qu’on voyait de trois lieues Ă  la ronde, Ă©tait connu de toute la contrĂ©e sous le nom du Solitaire.– C’est plein de lĂ©zards, ajouta Vincent, qui regardait le mur crevassĂ© de l’église. On s’amuserait joliment
Mais il sortit d’un bond, en voyant le FrĂšre allonger le pied. Celui-ci fit remarquer au curĂ© le mauvais Ă©tat de la grille. Elle Ă©tait toute rongĂ©e de rouille, un gond descellĂ©, la serrure brisĂ©e.– On devrait rĂ©parer cela, Mouret sourit, sans rĂ©pondre. Et, s’adressant Ă  Vincent, qui se battait avec Voriau – Dis, petit ? demanda-t-il, sais-tu oĂč travaille le pĂšre Bambousse, ce matin ?L’enfant jeta un coup d’Ɠil sur l’horizon.– Il doit ĂȘtre Ă  son champ des Olivettes, rĂ©pondit-il, la main tendue vers la gauche
 D’ailleurs, Voriau va vous conduire, monsieur le curĂ©. Il sait sĂ»rement oĂč est son maĂźtre, il tapa dans ses mains, criant – Eh ! Voriau ! eh !Le grand chien noir hĂ©sita un instant, la queue battante, cherchant Ă  lire dans les yeux du gamin. Puis, aboyant de joie, il descendit vers le village. L’abbĂ© Mouret et FrĂšre Archangias le suivirent, en causant. Cent pas plus loin, Vincent les quittait sournoisement, remontant vers l’église, les surveillant, prĂȘt Ă  se jeter derriĂšre un buisson, s’ils tournaient la tĂȘte. Avec une souplesse de couleuvre, il se glissa de nouveau dans le cimetiĂšre, ce paradis oĂč il y avait des nids, des lĂ©zards, des tandis que Voriau les devançait sur la route poudreuse, FrĂšre Archangias disait au prĂȘtre, de sa voix irritĂ©e – Laissez donc ! monsieur le curĂ©, de la graine de damnĂ©s, ces crapaudslĂ  ! On devrait leur casser les reins, pour les rendre agrĂ©ables Ă  Dieu. Ils poussent dans l’irrĂ©ligion, comme leurs pĂšres. Il y a quinze ans que je suis ici, et je n’ai pas encore pu faire un chrĂ©tien. DĂšs qu’ils sortent de mes mains, bonsoir ! Ils sont tout Ă  la terre, Ă  leurs vignes, Ă  leurs oliviers. Pas un qui mette le pied Ă  l’église. Des brutes qui se battent avec leurs champs de cailloux !
 Menez-moi ça Ă  coups de bĂąton, monsieur le curĂ©, Ă  coups de bĂąton !Puis, reprenant haleine, il ajouta, avec un geste terrible – Voyez-vous, ces Artaud, c’est comme ces ronces qui mangent les rocs, ici. Il a suffi d’une souche pour que le pays fĂ»t empoisonnĂ©. Ça se cramponne, ça se multiplie, ça vit quand mĂȘme. Il faudra le feu du ciel, comme Ă  Gomorrhe, pour nettoyer ça.– On ne doit jamais dĂ©sespĂ©rer des pĂ©cheurs, dit l’abbĂ© Mouret, qui marchait Ă  petits pas, dans sa paix intĂ©rieure.– Non, ceux-lĂ  sont au diable, reprit plus violemment le FrĂšre. J’ai Ă©tĂ© paysan comme eux. Jusqu’à dix-huit ans, j’ai piochĂ© la terre. Et plus tard, Ă  l’Institution, j’ai balayĂ©, Ă©pluchĂ© des lĂ©gumes, fait les plus gros travaux. Ce n’est pas leur rude besogne que je leur reproche. Au contraire, Dieu prĂ©fĂšre ceux qui vivent dans la bassesse
 Mais les Artaud se conduisent en bĂȘtes, voyez-vous ! Ils sont comme leurs chiens qui n’assistent pas Ă  la messe, qui se moquent des commandements de Dieu et de l’Église. Ils forniqueraient avec leurs piĂšces de terre, tant ils les aiment !Voriau, la queue au vent, s’arrĂȘtait, reprenait son trot, aprĂšs s’ĂȘtre assurĂ© que les deux hommes le suivaient toujours.– Il y a des abus dĂ©plorables, en effet, dit l’abbĂ© Mouret. Mon prĂ©dĂ©cesseur, l’abbĂ© Caffin
– Un pauvre homme, interrompit le FrĂšre. Il nous est arrivĂ© de Normandie, Ă  la suite d’une vilaine histoire. Ici, il n’a songĂ© qu’à bien vivre ; il a tout laissĂ© aller Ă  la dĂ©bandade.– Non, l’abbĂ© Caffin a certainement fait ce qu’il a pu ; mais il faut avouer que ses efforts sont restĂ©s Ă  peu prĂšs stĂ©riles. Les miens eux-mĂȘmes demeurent le plus souvent sans Archangias haussa les Ă©paules. Il marcha un instant en silence, dĂ©hanchant son grand corps maigre taillĂ© Ă  coups de hache. Le soleil tapait sur sa nuque, au cuir tannĂ©, mettant dans l’ombre sa dure face de paysan, en lame de sabre.– Écoutez, monsieur le curĂ©, reprit-il enfin, je suis trop bas pour vous adresser des observations ; seulement, j’ai presque le double de votre Ăąge, je connais le pays, ce qui m’autorise Ă  vous dire que vous n’arriverez Ă  rien par la douceur
 Entendez-vous, le catĂ©chisme suffit. Dieu n’a pas de misĂ©ricorde pour les impies. Il les brĂ»le. Tenez-vous-en Ă  comme l’abbĂ© Mouret, la tĂȘte penchĂ©e, n’ouvrait point la bouche, il continua – La religion s’en va des campagnes, parce qu’on la fait trop bonne femme. Elle a Ă©tĂ© respectĂ©e, tant qu’elle a parlĂ© en maĂźtresse sans pardon
 Je ne sais ce qu’on vous apprend dans les sĂ©minaires. Les nouveaux curĂ©s pleurent comme des enfants avec leurs paroissiens. Dieu semble tout changé  Je jurerais, monsieur le curĂ©, que vous ne savez mĂȘme plus votre catĂ©chisme par cƓur ?Le prĂȘtre, blessĂ© de cette volontĂ© qui cherchait Ă  s’imposer si rudement, leva la tĂȘte, disant avec quelque sĂ©cheresse – C’est bien, votre zĂšle est louable
 Mais n’avez-vous rien Ă  me dire ? Vous ĂȘtes venu ce matin Ă  la cure, n’est-ce pas ?FrĂšre Archangias rĂ©pondit brutalement – J’avais Ă  vous dire ce que je vous ai dit
 Les Artaud vivent comme leurs cochons. J’ai encore appris hier que Rosalie, l’aĂźnĂ©e du pĂšre Bambousse, est grosse. Toutes attendent ça pour se marier. Depuis quinze ans, je n’en ai pas connu une qui ne soit allĂ©e dans les blĂ©s avant de passer Ă  l’église
 Et elles prĂ©tendent en riant que c’est la coutume du pays !– Oui, murmura l’abbĂ© Mouret, c’est un grand scandale
 Je cherche justement le pĂšre Bambousse pour lui parler de cette affaire. Il serait dĂ©sirable, maintenant, que le mariage eĂ»t lieu au plus tĂŽt
 Le pĂšre de l’enfant, paraĂźt-il, est FortunĂ©, le grand fils des Brichet. Malheureusement les Brichet sont pauvres.– Cette Rosalie ! poursuivit le FrĂšre, elle a juste dix-huit ans. Ça se perd sur les bancs de l’école. Il n’y a pas quatre ans, je l’avais encore. Elle Ă©tait dĂ©jĂ  vicieuse
 J’ai maintenant sa sƓur Catherine, une gamine de onze ans qui promet d’ĂȘtre plus Ă©hontĂ©e que son aĂźnĂ©e. On la rencontre dans tous les trous avec ce petit misĂ©rable de Vincent
 Allez, on a beau leur tirer les oreilles jusqu’au sang, la femme pousse toujours en elles. Elles ont la damnation dans leurs jupes. Des crĂ©atures bonnes Ă  jeter au fumier, avec leurs saletĂ©s qui empoisonnent ! Ça serait un fameux dĂ©barras, si l’on Ă©tranglait toutes les filles Ă  leur dĂ©goĂ»t, la haine de la femme le firent jurer comme un charretier. L’abbĂ© Mouret, aprĂšs l’avoir Ă©coutĂ©, la face calme, finit par sourire de sa violence. Il appela Voriau, qui s’était Ă©cartĂ© dans un champ voisin.– Et, tenez ! cria FrĂšre Archangias, en montrant un groupe d’enfants jouant au fond d’une ravine, voilĂ  mes garnements qui manquent l’école, sous prĂ©texte d’aller aider leurs parents dans les vignes !
 Soyez sĂ»r que cette gueuse de Catherine est au milieu. Elle s’amuse Ă  glisser. Vous allez voir ses jupes par-dessus sa tĂȘte. LĂ , qu’est-ce que je vous disais !
 À ce soir, monsieur le curé  Attendez, attendez, gredins !Et il partit en courant, son rabat sale volant sur l’épaule, sa grande soutane graisseuse arrachant les chardons. L’abbĂ© Mouret le regarda tomber au milieu de la bande des enfants, qui se sauvĂšrent comme un vol de moineaux effarouchĂ©s. Mais il avait rĂ©ussi Ă  saisir par les oreilles Catherine et un autre gamin. Il les ramena du cĂŽtĂ© du village, les tenant ferme de ses gros doigts velus, les accablant d’ prĂȘtre reprit sa marche. FrĂšre Archangias lui causait parfois d’étranges scrupules ; il lui apparaissait dans sa vulgaritĂ©, dans sa cruditĂ©, comme le vĂ©ritable homme de Dieu, sans attache terrestre, tout Ă  la volontĂ© du ciel, humble, rude, l’ordure Ă  la bouche contre le pĂ©chĂ©. Et il se dĂ©sespĂ©rait de ne pouvoir se dĂ©pouiller davantage de son corps, de ne pas ĂȘtre laid, immonde, puant la vermine des saints. Lorsque le FrĂšre l’avait rĂ©voltĂ© par des paroles trop osĂ©es, par quelque expression trop brutale, il s’accusait ensuite de ses dĂ©licatesses, de ses fiertĂ©s de nature, comme de vĂ©ritables fautes. Ne devait-il pas ĂȘtre mort Ă  toutes les faiblesses de ce monde ? Cette fois encore, il sourit tristement, en songeant qu’il avait failli se fĂącher de la leçon emportĂ©e du FrĂšre. C’était l’orgueil, pensait-il, qui cherchait Ă  le perdre, en lui faisant prendre les simples en mĂ©pris. Mais, malgrĂ© lui, il se sentait soulagĂ© d’ĂȘtre seul, de s’en aller Ă  petits pas, lisant son brĂ©viaire, dĂ©livrĂ© de cette voix Ăąpre qui troublait son rĂȘve de tendresse route tournait entre des Ă©croulements de rocs, au milieu desquels les paysans avaient, de loin en loin, conquis quatre ou cinq mĂštres de terre crayeuse, plantĂ©e de vieux oliviers. Sous les pieds de l’abbĂ©, la poussiĂšre des orniĂšres profondes avait de lĂ©gers craquements de neige. Parfois, en recevant Ă  la face un souffle plus chaud, il levait les yeux de son livre, cherchant d’oĂč lui venait cette caresse ; mais son regard restait vague, perdu sans le voir, sur l’horizon enflammĂ©, sur les lignes tordues de cette campagne de passion, sĂ©chĂ©e, pĂąmĂ©e au soleil, dans un vautrement de femme ardente et stĂ©rile. Il rabattait son chapeau sur son front, pour Ă©chapper aux haleines tiĂšdes ; il reprenait sa lecture, paisiblement ; tandis que sa soutane, derriĂšre lui, soulevait une petite fumĂ©e, qui roulait au ras du chemin.– Bonjour, monsieur le curĂ©, lui dit un paysan qui bruits de bĂȘche, le long des piĂšces de terre, le sortaient encore de son recueillement. Il tournait la tĂȘte, apercevait au milieu des vignes de grands vieillards noueux, qui le saluaient. Les Artaud, en plein soleil, forniquaient avec la terre, selon le mot de FrĂšre Archangias. C’étaient des fronts suants apparaissant derriĂšre les buissons, des poitrines haletantes se redressant lentement, un effort ardent de fĂ©condation, au milieu duquel il marchait de son pas si calme d’ignorance. Rien de troublant ne venait jusqu’à sa chair du grand labeur d’amour dont la splendide matinĂ©e s’emplissait.– Eh ! Voriau, on ne mange pas le monde ! cria gaiement une voix forte, faisant taire le chien qui aboyait Mouret leva la tĂȘte.– C’est vous, FortunĂ©, dit-il, en s’avançant au bord du champ, dans lequel le jeune paysan travaillait. Je voulais justement vous avait le mĂȘme Ăąge que le prĂȘtre. C’était un grand garçon, l’air hardi, la peau dure dĂ©jĂ . Il dĂ©frichait un coin de lande pierreuse.– Par rapport, monsieur le curĂ© ? demanda-t-il.– Par rapport Ă  ce qui s’est passĂ© entre Rosalie et vous, rĂ©pondit le se mit Ă  rire. Il devait trouver drĂŽle qu’un curĂ© s’occupĂąt d’une pareille chose.– Dame, murmura-t-il, c’est qu’elle a bien voulu. Je ne l’ai pas forcĂ©e
 Tant pis si le pĂšre Bambousse refuse de me la donner ! Vous avez bien vu que son chien cherchait Ă  me mordre tout Ă  l’heure. Il le lance contre Mouret allait continuer, lorsque le vieil Artaud, dit Brichet, qu’il n’avait pas vu d’abord, sortit de l’ombre d’un buisson, derriĂšre lequel il mangeait avec sa femme. Il Ă©tait petit, sĂ©chĂ© par l’ñge, la mine humble.– On vous aura contĂ© des menteries, monsieur le curĂ©, s’écria-t-il. L’enfant est tout prĂȘt Ă  Ă©pouser la Rosalie
 Ces jeunesses sont allĂ©es ensemble. Ce n’est la faute de personne. Il y en a d’autres qui ont fait comme eux et qui n’en ont pas moins bien vĂ©cu pour cela
 L’affaire ne dĂ©pend pas de nous. Il faut parler Ă  Bambousse. C’est lui qui nous mĂ©prise, Ă  cause de son argent.– Oui, nous sommes trop pauvres, gĂ©mit la mĂšre Brichet, une grande femme pleurnicheuse, qui se leva Ă  son tour. Nous n’avons que ce bout de champ, oĂč le diable fait grĂȘler les cailloux, bien sĂ»r. Il ne nous donne pas du pain
 Sans vous, monsieur le curĂ©, la vie ne serait pas mĂšre Brichet Ă©tait la seule dĂ©vote du village. Quand elle avait communiĂ©, elle rĂŽdait autour de la cure, sachant que la Teuse lui gardait toujours une paire de pains de la derniĂšre cuisson. Parfois mĂȘme, elle emportait un lapin ou une poule, que lui donnait DĂ©sirĂ©e. Collection« Classiques » dirigĂ©e par Michel Zink et Michel Jarrety Zola La Fortune des Rougon Dans la petite ville provençale de Plassans, au lendemain du coup d'Etat d'oĂč va naĂźtre le Second Empire, deux adolescents, Miette et SilvĂšre, se mĂȘlent aux insurgĂ©s. Leur histoire d'amour comme le soulĂšvement des rĂ©publicains traversent le roman, mais RĂ©sumĂ© du document Tout au long de l'extrait, l'attention du lecteur est attirĂ©e sur la jeunesse des deux protagonistes, notamment par la rĂ©pĂ©tition du terme "enfant" lignes 2, 9 et 23 confortĂ©e par les paroles de tante Dide "Elle est bien jeune" ligne 21. L'amour, sentiment omniprĂ©sent lignes 3 et 6, est naĂŻf, pur et chaste. On remarque que Zola se rĂ©fĂšre implicitement au roman grec de Longus IIĂšme ou IIIĂšme siĂšcle de notre Ăšre, Daphnis et ChloĂ© ou Pastorales de Longus. ImprĂ©gnĂ© d'un thĂšme littĂ©raire datant de l'AntiquitĂ©, il raconte l'amour d'un jeune couple dans une forme d'harmonie originelle avec la nature. De fait, SilvĂšre et Miette vivent dans la campagne provençale et nombreuses sont les rĂ©fĂ©rences Ă  la nature "le chaume" ligne 18, "le champ" ligne 19, "comme une chĂšvre Ă©chappĂ©e" lignes 19-20. De toute façon, peu avant ce passage, l'auteur soulignait "Les jeunes gens, jusqu'Ă  cette nuit de trouble, avaient vĂ©cu une de ces naĂŻves idylles qui naissent au milieu de la classe ouvriĂšre, parmi ces dĂ©shĂ©ritĂ©s, ces simples d'esprit, chez lesquels on retrouve encore parfois les amours primitives des anciens contes grecs." Cet amour, attachĂ© Ă  ce lieu particulier que rend le souvenir, est d'autant plus puĂ©rile qu'attachĂ© nĂ©gativement au temps. D'abord avec le passĂ© de tante Dide "Une seconde fois, la porte Ă©tait complice. Par oĂč l'amour avait passĂ©, l'amour passait de nouveau" lignes 5-6, "C'Ă©tait l'Ă©ternel recommencement" ligne 7. Mais aussi, lorsque plus loin dans le chapitre, le couple rejoindra la colonne insurrectionnelle, il mourra. b- Un bonheur fragile Si le bonheur de SilvĂšre et Miette est innocent, aurĂ©olĂ© de puretĂ© et de clartĂ© "dans la claire matinĂ©e", ligne 5 ; "dans le soleil limpide", ligne 24 ; "la trouĂ©e blanche", ligne 31, son caractĂšre Ă©phĂ©mĂšre est soulignĂ© par la prĂ©sence permanente de la mort, avec le chiasme "ses joies prĂ©sentes et ses larmes futures" ligne 7, "Ă  se griser d'un bonheur qui irrite la mort" ligne 12, l'oxymore "ces douceurs mortelles" ligne 16 et "Prends garde, mon garçon, on en meurt" ligne 25 ... Sommaire IntroductionI Une idylle puĂ©rileA. La jeunesse des amoureuxB. Un bonheur fragileII La portĂ©e symbolique de la porteA. Une personnificationB. Une valeur symboliqueIII Un passage prĂ©monitoire de la folie de tante DideA. Un personnage fragileB. Une hallucination prĂ©monitoireConclusion Extraits [...] Tante Dide ne vit que les larmes, et elle eut comme un pressentiment rapide qui lui montra les deux enfants saignants, frappĂ©s au cƓur. Toute secouĂ©e par le souvenir des souffrances 10 de sa vie, que ce lieu venait de rĂ©veiller en elle, elle pleura son cher SilvĂšre. Elle seule Ă©tait coupable ; si elle n'avait pas jadis trouĂ© la muraille, SilvĂšre ne serait point dans ce coin perdu, aux pieds d'une fille, Ă  se griser d'un bonheur qui irrite la mort et la rend jalouse. [...] [...] Elle est bien jeune, murmura-t-elle. Elle a le temps. Sans doute, elle voulait dire que Miette avait le temps de souffrir et de pleurer. Puis, reportant ses yeux sur SilvĂšre, qui avait suivi avec extase la course de l'enfant dans le soleil limpide, elle ajouta simplement 25 Prends garde, mon garçon, on en meurt. Ce furent les seules paroles qu'elle prononça en cette aventure, qui remua toutes les douleurs endormies au fond de son ĂȘtre. Elle s'Ă©tait fait une religion du silence. [...] [...] - forte de cette hallucination, elle prĂ©dit l'avenir un pressentiment rapide qui lui montra les deux enfants saignants, frappĂ©s au cƓur lignes Ă  se griser d'un bonheur qui irrite la mort et la rend jalouse ligne Elle a le temps ligne Prends garde, mon garçon, on en meurt ligne 25. Psychologiquement fragile, tante Dide a une vision irrationnelle des Ă©vĂ©nements, qui paradoxalement va se rĂ©vĂ©ler juste. Conclusion Alors que l'affrontement des insurgĂ©s avec les forces de l'ordre ne saurait tarder, SilvĂšre se remĂ©more son idylle avec Miette, et en particulier le bonheur du rapprochement physique des deux jeunes gens. Mais, en ouvrant la porte de la muraille trouĂ©e, il a transgressĂ© un interdit. [...] [...] À l'Ă©poque, cette trouĂ©e dans la muraille avait scandalisĂ©e tout Plassans. Cet extrait va prĂ©senter l'aspect enfantin de l'amour entre Miette et SilvĂšre et, Ă  travers la valeur symbolique du mur, rĂ©vĂ©ler une fois encore la folie de tante Dide. Une idylle puĂ©rile La jeunesse des amoureux Tout au long de l'extrait, l'attention du lecteur est attirĂ©e sur la jeunesse des deux protagonistes, notamment par la rĂ©pĂ©tition du terme enfant lignes et 23 confortĂ©e par les paroles de tante Dide Elle est bien jeune ligne 21. [...] [...] II- La portĂ©e symbolique de la porte Parmi l'Ă©pisode des souvenirs de SilvĂšre, la porte joue un rĂŽle important elle va permettre le rapprochement physique du couple. Une personnification Ouvrant la porte maudite, ligne et concluant ce passage la trouĂ©e blanche, ligne un champ lexical omniprĂ©sent rĂ©vĂšle sa personnification lorsqu'elle est ouverte la porte Ă©tait complice ligne si elle n'avait pas jadis trouĂ© la muraille ligne elle ferma la porte Ă  double tour ligne la porte ne la rendrait plus complice ligne 29. [...]

LaFortune des Rougons; Étude du chapitre 2 du roman La fortune des Rougon d'Emile Zola; PrĂ©face La Fortune Des Rougon - Emile Zola - Texte Et Analyse Émile Zola - La Fortune Des Rougon - 1871 - PrĂ©face; La Fortune Des Rougons rĂ©sumĂ©; Étude des personnages dans le roman La fortune des Rougon de Zola; Corpus, Hugo (Les misĂ©rables

5kJlE.
  • b0e1bv9uxw.pages.dev/256
  • b0e1bv9uxw.pages.dev/94
  • b0e1bv9uxw.pages.dev/155
  • b0e1bv9uxw.pages.dev/207
  • b0e1bv9uxw.pages.dev/347
  • b0e1bv9uxw.pages.dev/40
  • b0e1bv9uxw.pages.dev/225
  • b0e1bv9uxw.pages.dev/10
  • b0e1bv9uxw.pages.dev/222
  • la fortune des rougon rĂ©sumĂ© par chapitre